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XV de France - Marc Lièvremont : «Il y a ce sentiment que rien ne peut arriver à ces Bleus»

Par Vincent Bissonnet
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Marc Lièvremont (ancien sélectionneur du XV de France et consultant Canal +) - L'ex-boss des Bleus évoque les particularités du Tournoi à venir et revient sur l'édition de 2011 qu'il avait abordé en tenant du titre et qui avait chamboulé ses plans pour la Coupe du monde.

Avant Fabien Galthié, vous étiez le dernier sélectionneur français à avoir abordé une année de Coupe du monde sur la lancée d’un grand chelem. Cette échéance suprême amène-t-elle à aborder le Tournoi différemment ?

Le seul point commun entre nous est le grand chelem. Les dynamiques entre ma sélection et la sienne sont bien différentes (sourire). Entre la série de victoires entamée il y a un an et demi et le fait d’avoir la Coupe du monde à domicile, il y a la tentation de se tourner vers cet événement. Ceci dit, et Fabien Galthié le verbalise très bien avec sa flèche du temps, ce Tournoi doit être perçu comme une étape supplémentaire sur ce chemin et il convient de ne pas la galvauder. D’autant plus qu’il y aura des rendez-vous à part qui peuvent devenir des écueils en cette année impaire : les déplacements en Angleterre et en Irlande. Après, il ne faut pas être dupe, l’échéance de la Coupe du monde doit déjà être présente dans l’esprit des joueurs pour ce cru 2023.

Vu le calendrier, on a presque envie de présenter ce Tournoi comme un révélateur ultime...
Il y a une forme d’excitation chez beaucoup d'observateurs, notamment de par le déplacement en Irlande qui a une des générations les plus douées de son histoire. Si les pronostics sont souvent déjoués dans cette compétition, cette rencontre a tout de l’affiche ultime. Il y aura aussi le match chez des Anglais vexés par leurs derniers résultats. Mais jusqu’à présent, l’équipe de France a su surmonter toutes les adversités et tous les aléas. Il y a ce sentiment que rien ne peut lui arriver.

Les Bleus ne savent plus ce qu’est la défaite, pour ne pas en avoir connue depuis plus d’un an et demi. Si revers il y avait, la gestion d’un faux pas pourrait-elle devenir problématique ?
Vu le contexte, il me paraît difficile de dramatiser quoi que ce soit. Cette équipe est magnifique. Après, elle peut chuter, ça arrive à tout le monde. Certains disent d’ailleurs qu’il faudrait que les Bleus se cassent la gueule maintenant pour éviter l'excès de confiance plus tard. Je ne suis pas d’accord. S’ils peuvent gagner le grand chelem, il ne faut pas s’en priver. Après, c’est évident qu’il vaut mieux perdre un match dans ce Tournoi qu’un quart de finale du Mondial.
 
Avec la Coupe du monde en toile de fond, peut-on avoir la tentation de cacher son jeu lors du Tournoi ?
Personnellement, je n’ai pas le souvenir que l’on ait eu une quelconque volonté de cacher quoi que ce soit, en 2011. On s’accrochait plutôt aux branches, à dire vrai (sourire). Fabien Galthié n’est pas soumis aux mêmes problématiques mais, au-delà des différences, je ne crois pas que le leitmotiv soit de masquer son jeu. Cette équipe de France s’appuie de toute manière sur des schémas qu’elle maîtrise et qu’elle a rarement démentis. Dans le rugby de dépossession qui prévaut actuellement, nous avons tous les atouts qu’il faut et, à côté de ça, nous sommes en mesure d’avoir des fulgurances. Même si ce qui a été le plus intéressant, c’est notre capacité à trouver des ressources pour, à chaque fois, forcer la décision.

Il se dit que le staff pourrait revoir ses plans de jeu aux entournures afin d’être moins prévisible. En novembre, l’Australie et l’Afrique du Sud avaient su nous contrer dans la stratégie...
C’est vrai que l’on avait en quelque sorte perdu la bataille tactique à l’automne. En un sens, c’est un signe de respect et d’estime car nous sommes devenus l’équipe à battre. Là aussi, le socle de confiance de la sélection donne au staff de la latitude pour innover, ponctuellement. Reste que, traditionnellement, les Tournois d’avant Coupe du monde sont rarement novateurs au niveau du jeu. Je ne m’attends pas à de grosses surprises, que ce soit dans la construction du groupe, les choix des joueurs ou les structures rugbystiques. Le temps de préparation de la Coupe du monde donnera plus le temps pour repréciser le schéma de jeu.

Vous qui avez connu cette situation, Fabien Galthié a-t-il, à votre sens, déjà une idée du groupe qui participera à la Coupe du monde dans huit mois ?
Oui, l’ossature doit être largement connue. En 2011, c’était le cas également même s’il y avait un peu plus d’incertitudes en raison de la volatilité des performances. J’avais déjà une grosse base de partants certains. Je ne me souviens pas à l’unité près mais j’avais 23 à 25 éléments confirmés, comme ça doit être le cas aujourd’hui pour Fabien Galthié et Raphael Ibanez. Après, il y a des aléas qui finissent par entrer en considération. En 2011, nous avions effectué des choix audacieux en embarquant des joueurs blessés. Le contexte de 2023 est tout autre avec une profondeur d’effectif que je n’avais jamais vu auparavant. Ce qui étoffe les certitudes, ce sont les bons résultats. À ce niveau, les dynamiques sont bien différentes. Il y a rarement eu autant de continuité, aussi.

On vous suit.
C’est lié à la volonté de Fabien Galthié de créer du liant, de donner des automatismes et d’installer des joueurs à tous les postes. En chemin, il y a eu quelques expérimentations, parfois dues à des pépins, qui l’ont poussé à chercher d’autres éléments, le plus souvent avec bonheur. Le staff a bien avancé sur ce processus de sélection et dispose désormais d’une énorme ossature. C’est très important pour la confiance. À mon époque, il y avait un climat d’incertitude qui était générateur de stress. Là, les gars sont dans de bonnes conditions. Et ça se sent. Ils affirment qu’ils veulent être champions du monde. Jusqu’alors, on avait du mal à afficher ce genre d’ambitions. On était au mieux des outsiders.

Peut-on tout de même s’attendre à voir quelques nouveaux “Ovnis” ou révélations surgir ? On pense  à Ethan Dumortier, par exemple...
Oui, sur le groupe élargi, on peut voir un Ethan Dumortier ou un joueur comme Emilien Gailleton gagner leur place. D’autant plus qu’il peut y avoir une envie de pérenniser, un intérêt à préparer l’avenir car Fabien Galthié et une partie de son staff ont été reconduits pour la suite. Nous, c’était différent, on savait que la route allait s’arrêter là. Après, dans le fond, c’est la Coupe du monde à venir qui prend évidemment le plus de place.

En clair, il y a peu de chances que le XV de France millésime 2023 connaisse cet hiver le même remue-ménage que le vôtre, en 2011. Après la défaite en Italie, une demi-douzaine de potentiels participants au Mondial avait été écartée...
Oui, ça avait été l’hécatombe. Objectivement, les quelques joueurs qui ne sont jamais revenus n’étaient pas vraiment considérés comme des certitudes. Il y avait déjà du doute sur leur présence. (Il souffle). Dix ans plus tard, je le regrette. Je n’ai pas l’habitude d’exprimer des regrets car une fois que les choses sont faites, j’estime qu’il faut les assumer. Mais s’il y a quelque chose que je regrette, tout de même, c’est d’avoir autant changé le groupe entre l’Italie et le pays de Galles (entre la 4e et la 5e journée du Tournoi 2011) et d’avoir provoqué la fin de carrière prématurée de grands joueurs comme Clément Poitrenaud, Yannick Jauzion, Sébastien Chabal, Jérôme Thion. Je ne vais pas revenir sur les détails de cette journée funeste. J’étais allé au-devant de proches, ce que je ne faisais pas d’ordinaire, et certains avis demandaient du changement. Je les avais écoutés. Avec le recul, j’aurais aimé ne pas avoir sanctionné ces joueurs-là. Il aurait fallu finir le Tournoi avec le même groupe car la faillite avait été collective. J’en étais responsable en tant que sélectionneur. Ça avait été une déception mais j'en avais connu d'autres. Pour en revenir au présent, on peut penser que ce cru 2023 ne vivra pas la même situation. Je les pense à l’abri de ça. Jusqu’à présent, il n’y a jamais eu de faillite, même s’il y avait eu un mauvais match en Ecosse.
 
Un dernier mot sur l’électrochoc produit au sein des sélections anglaise et galloise en fin d’année dernière, avec des changements de sélectionneur, chose rare à moins d'un an d'une Coupe du monde. Ces remaniements peuvent-ils rebattre les cartes ?
Disons que c’est une inconnue de plus. Mais l’équipe de France est tellement performante que j’ai envie de dire : peu importent les déboires de nos adversaires et notamment de nos amis anglais. Il y aura un peu plus de surprises, on pourra moins préparer ces matchs. Ça ajoute de l’excitation et du piment, en un sens. Mais mieux vaut être dans la position de l’Irlande ou de la France que dans la peau des Anglais et des Gallois actuellement. 

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