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Patrick Buisson (Président délégué de la FFR) : « Je veux incarner la fin des affaires »

Par Nicolas ZANARDI
  • Patrick Buisson (Président délégué de la FFR) : « Je veux incarner la fin des affaires »
    Patrick Buisson (Président délégué de la FFR) : « Je veux incarner la fin des affaires »
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Patrick Buisson (Président délégué de la FFR) - Nommé par Bernard Laporte pour occuper le rôle de Président délégué de la FFR, il doit encore passer l’obstacle de l’approbation par les clubs au travers du référendum qui se tiendra entre le 23 et le 26 janvier. et leur livre en exclusivité son message…

Votre nom était sorti du chapeau assez tôt avant d’être officialisé par Bernard Laporte pour occuper la fonction de Président Délégué de la FFR. Avez-vous douté ?

Mon nom était en effet sorti assez tôt même si, à l’origine, c’est Serge Simon qui était pressenti. Le comité d’éthique n’a pas souhaité qu’il candidate, si bien que le choix de Bernard s’est porté sur moi. C’est évidemment quelque chose de très important, et une responsabilité que j’assumerai si les clubs m’en offrent l’opportunité. Cette désignation, je la vois comme la reconnaissance de mon investissement depuis 15 ans. Par Bernard Laporte mais aussi par le Bureau Fédéral et le Comité Directeur.

Après votre désignation, quels ont été les premiers mots de Bernard Laporte à votre égard ?

Précisément que je n’étais pas son deuxième choix. Que j’étais son choix, notamment parce que je suis proche des clubs, qui me connaissent à travers le travail que j’ai effectué auprès d’eux.

Les clubs, oui, mais le grand public vous connaît très peu. Qui est réellement Patrick Buisson, au juste ?

Je suis un pur passionné de rugby. Je suis rentré dans le milieu à l’âge de 6 ans dans mon club du CS Vienne où j’ai joué jusqu’à 35 ans. Ensuite j’ai été éducateur, j’ai passé mon 2e degré, puis je me suis investi comme dirigeant à Uzès. D’abord comme trésorier, puis comme co-président avec Franck Séropian, avant d’être choisi par Gilbert Chevrier pour intégrer le comité de Provence où j’ai passé seize ans : huit comme secrétaire général et huit comme président. Parallèlement à cela, j’ai été élu à la FFR en 2008 avec les équipes de Pierre Camou. Puis en 2016, j’ai arrêté mon mandat au comité de Provence car j’ai fait le choix de rejoindre l’équipe Laporte. J’ai démissionné car je ne voulais pas engager les clubs de mon comité dans mon choix personnel. Je termine actuellement mon quatrième mandat à la FFR et sinon, je suis un homme tout ce qu’il y a de plus simple, marié, deux enfants, grand-père de trois petites filles, retraité depuis dix ans après avoir fait carrière dans l’informatique.

Vous évoquiez votre "transfert" des équipes de Camou à celles de Laporte. Quelles en ont été les raisons ?

C’est lié à la fois aux qualités de fédérateur de Bernard, quelqu’un de dynamique, qui respire le rugby. Mais aussi de désaccords avec certains choix de Pierre Camou, notamment ce projet de Grand Stade auquel je ne trouvais pas de bien-fondé, tant le modèle économique qui était présenté ne me semblait pas gage de réussite. J’ajoute à ce titre que si ce projet avait été mené pendant la période de covid que nous avons connue, je n’ose même pas imaginer les conséquences…

Votre désignation en tant que président délégué est la conséquence de la mise en retrait de Bernard Laporte, à la suite de l’affaire Altrad-Laporte et de la forte pression exercée par le Ministère. Quel regard avez-vous porté sur ce procès, qui a causé un préjudice considérable à l’image du rugby français ?

Ce n’était pas une période très simple… Ce que je peux simplement dire, c’est que je veux incarner la fin des affaires, un retour au calme, car nos clubs et notre équipe de France ont aujourd’hui besoin de sérénité. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’excitation autour de ce référendum, mais ce dont il faut se souvenir, c’est que la démocratie va s’exprimer en 2024. En 2023, l’heure est au rassemblement parce que l’on va organiser une Coupe du monde et que dans ce cadre, notre rugby tout entier a besoin de stabilité. Je crois d’ailleurs avoir lu que le sélectionneur n’a pas dit autre chose, en demandant de la continuité.

Est-il normal, à vos yeux, que la FFR ait supporté les frais d’avocat de Bernard Laporte ?

On n’a pas supporté les frais d’avocats de Bernard Laporte, il s’agissait simplement d’une avance conforme aux règlements et à la présomption d’innocence. Au vu de la décision qui a été prise en première instance, la FFR a demandé le remboursement de ces frais d’avocat, qui seront bien sûr honorés.

Votre désignation par Laporte implique qu’aux yeux du grand public, vous soyez un homme de paille…

Pour écarter toute polémique, je souhaite rappeler ici que ce sont nos clubs qui ont voté des statuts, qui décident des règles. Ces règles permettent au président de la Fédération (qui n’a pas démissionné mais s’est simplement mis en retrait, N.D.L.R.) de désigner un président délégué, que les clubs seront en situation d’approuver – s’ils le souhaitent. Ce sont nos règlements, nos statuts. Et pour répondre à votre question, je suis un homme d’action, un homme d’engagement, au service des clubs depuis quinze ans. Je connais le rugby et je serai prêt à prendre et à assumer les responsabilités liées à ce poste de président délégué, si les clubs m’approuvent la semaine prochaine.

Néanmoins, le risque en vue du prochain référendum n’est-il pas que les clubs votent pour ou contre Laporte, plutôt que pour ou contre Buisson ?

Patrick Buisson n’est pas Bernard Laporte, c’est difficile de l’ignorer. Bernard Laporte, il est irremplaçable. Je ne vais pas vous refaire son CV, tout le monde le connaît. Mais il s’agit aujourd’hui de ne pas se tromper de débat : aujourd’hui, Bernard Laporte s’est mis en retrait et les clubs doivent désigner, oui ou non, un président délégué pour que la Fédération soit gérée dans le calme et la sérénité.

Pourquoi voter pour vous plutôt que pour le non, alors ?

Je l’ai dit en introduction : ce dont a besoin le rugby français à quelques mois de la Coupe du monde, c’est de sérénité. On ne doit pas être au temps de la division mais à celui du rassemblement, au nom de l’intérêt général du rugby et non des intérêts personnels. Le sélectionneur l’a bien dit : ce dont son équipe a besoin, c’est de stabilité et de continuité.

L’opposition souhaite voir le non l’emporter pour provoquer des élections générales anticipées. Ce scénario est-il crédible ?

Ce que disent les statuts, si le non devait l’emporter, c’est que le président de la FFR serait normalement amené à proposer un nouveau candidat pour un nouveau référendum. On pourrait ainsi empiler les candidats à l’infini, ce qui ne serait pas très sérieux et amènerait peut-être à de nouvelles élections. Mais ce qu’il faut rappeler, c’est que le Comité Directeur a été élu et réélu par les clubs, et n’a rien à se reprocher, d’autant que son bilan parle pour lui. En plus, une démission à l’issue du référendum n’est pas prévue dans les statuts et ce n’est pas ce qui a été décidé dans le bureau de la Ministre. En outre, si on devait vraiment repasser par des élections, cela risque d’être très compliqué du strict point de vue du calendrier. Demander une démission du Comité Directeur en plein Tournoi des 6 Nations, c’est un processus qui aboutirait à des élections cet été. Ce qui ne serait clairement pas le bon moment… Encore une fois, pensons à notre XV de France et à nos clubs qui sont engagés dans leur quotidien et ont autre chose à faire que d’aller voter toutes les trois semaines. Je ne veux pas faire ma campagne, mais si on veut arrêter tout ça, la seule façon est d’être sage et de voter oui au référendum. La fin de notre mandat, c’est dans un an, les prochaines élections auront lieu dans seize mois. Là, il y aura un vrai débat politique. Là, les candidats pourront proposer leurs programmes et faire campagne électorale. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le moment.

En tant que président délégué, quels seront vos objectifs, pour ne pas dire votre programme ?

Nous avons été réélus sur un projet. Depuis le début de notre deuxième mandat, nous travaillons sur sa mise en place et il ne s’agit évidemment pas pour moi de le révolutionner. Le but est de continuer à travailler sur ce projet et faire en sorte qu’à la fin de notre mandat, nous ayons la fierté d’avoir tenu toutes nos promesses, et remis le rugby français sur de bons rails.

Dans une récente interview, le président de l’opposition Florian Grill a argué de l’inverse, mettant notamment en exergue que votre première version de réforme de la Fédérale 3 avait été un échec…

Tout d’abord, la réforme de la pyramide des compétitions ne peut pas être seulement jugée sur le fait que nous soyons revenus sur le format qui avait été proposé pour la Fédérale 3. La réforme de la pyramide des compétitions, ça va de la Nationale jusqu’à la Régionale 3 ! C’est une réforme fondamentale. Oui, nous avions proposé un projet de format pour la Fédérale 3, que les clubs n’ont pas souhaité retenir. Comme nous ne sommes ni obtus ni idiots, nous sommes revenus à un format plus traditionnel pour la Fédérale 3. Mais je ne vois sincèrement pas comment l’on peut parler d’échec dans la réforme de la pyramide des compétitions, dont tous les retours sont satisfaisants… Notre ADN, c’est d’écouter les clubs, on l’a simplement respecté.

Qu’avez-vous à lui répondre, concernant son regret d’avoir vu la moitié des titres de champions de France supprimés, après la réforme des compétitions ?

On ne peut pas distribuer des titres dans des compétitions qui n’existent pas… Je m’explique : il y avait auparavant six niveaux de compétitions régionales : Honneur, Promotion d’Honneur, Première Série, Deuxième Série, Troisième Série, Quatrième Série. Sauf que sur le terrain, il n’y avait aucune Ligue qui proposait six niveaux de compétition ! Dans certaines Ligues, ces compétitions régionales étaient réduites à peau de chagrin parce qu’il n’y avait pas suffisamment de clubs. Nous avons simplement réfléchi à ce que ces regroupements soient les mêmes au niveau national, en tenant compte du nombre des clubs dans chaque division. L’objectif dans notre pyramide, c’était d’imposer 30 % de clubs en Régionale 3, 30 % de clubs en Régionale 2, 20 % de clubs en Régionale 1 et 20 % de clubs en Fédérale 3, pour avoir une base véritablement solide.

Au sujet des rassemblements de jeunes auxquels vous semblez décidé à vous attaquer, Florian Grill vous reproche également d’avoir fermé les yeux depuis six ans en acceptant toutes les ententes, sans discernement…

On ne travaille pas parce que nous avons une idée en nous levant le matin, mais à partir d’études. En l’espèce, j’ai demandé une étude à l’Ucraf qui a donné des résultats intéressants. Sur le principe, nous ne sommes pas contre les rassemblements : il y a des politiques de bassin très intéressantes lorsqu’elles permettent aux jeunes d’évoluer à un niveau intéressant. En revanche, nous sommes contre les ententes qui ont été créées soit par facilité, soit pour d’autres mauvaises raisons. À cette heure, c’est vrai que nous sommes engagés sur une réflexion qui pourrait aboutir à une refonte des compétitions de jeunes. On a essayé d’installer le rugby à X pas pour le plaisir de promouvoir une nouvelle forme de jeu, mais pour permettre à de jeunes joueurs de défendre le maillot de leur club, leur propre identité, en espérant que s’ils prennent du plaisir à cela, d’autres viennent les rejoindre pour permettre à terme une pratique à XV.

Quid de la réforme des indemnités kilométriques pour les phases finales ?

L’accompagnement financier des clubs a été revu en totalité. Auparavant, on remboursait des kilomètres. Aujourd’hui, on a mis en place un nouveau système avec des primes d’engagement et des primes de développement pour les clubs excentrés. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’entre ces deux primes, aucun club ne touchera moins durant la phase régulière que ce qu’il aurait touché si l’on avait conservé l’ancien mode de calcul. 90 % toucheront même plus qu’avec l’ancien système ! Ensuite, en ce qui concerne les phases finales, nous avons mis en place des primes de performance. Et il est évident que si les dépenses deviennent insoutenables pour certains clubs, nous leur viendrons en aide… On ne peut pas nous attaquer sur l’accompagnement des clubs, je pense même que nous sommes remarquables sur ce sujet. Jamais ils n’ont été autant écoutés ni aidés. Je le répète, c’est notre ADN.

Voyez-vous quelque chose à rajouter ?

Quelques chiffres, tout de même : Nous sommes passés en cinq ans de 100 à 137 millions d’euros de recettes, nous dégageons cette saison un bénéfice net de 6,5 millions d’euros, nous avons largement dépassé les 300 000 licenciés… Je précise à ce titre que cette augmentation se vérifie dans toutes les catégories d’âge qu’elles soient masculines ou féminines, et pas seulement grâce au baby-rugby comme certains le prétendent à tort. Nous avons dépassé les 10 millions de téléspectateurs pour les matchs du XV de France qui se disputent tous à guichets fermés, la ferveur est revenue… On a aussi restauré la démocratie, ainsi qu’en témoigne ce référendum : nous avons mis fin au système des procurations, tout comme nous avons mis fin au cumul des mandats. Et je ne parle pas de nos projets sociaux : le Rugby Social Club, du Club du XXIe siècle. J’ajoute enfin qu’au niveau du digital, nous avons mis en place des choses exceptionnelles : chaque club peut avoir gratuitement son site internet, le site FFR Compétitions permet de suivre n’importe quel match en direct, et nous allons encore mettre des choses en place pour simplifier et alléger les contraintes administratives pour nos dirigeants bénévoles, qui font sur le terrain un travail remarquable.

Si les clubs devaient vous adouber, vous pourriez être amené à remettre à Antoine Dupont la Coupe du monde le 28 octobre. En rêvez-vous déjà ?

Je rêve que le XV de France gagne pour le rugby français, pas pour remettre la Coupe. De toute façon, ce sera le président de World Rugby Bill Beaumont qui s’en chargera, j’aurai simplement la chance de ne pas être trop loin si les choses doivent se passer comme on le souhaite tous. Nous avons une superbe équipe, avec des joueurs parmi les meilleurs du monde et le meilleur staff du monde. Ça aussi, au passage, on le doit à Bernard. Car s’il y a bien eu un effet Jiff au sein des clubs pros, nous avons aussi été deux fois champions du monde U20, lorsque nous avons supprimé le Pole France et permis aux joueurs de progresser en jouant avec leurs clubs…

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