6 Nations 2023 - De Rome à Dublin, une ascension vertigineuse à remonter

Au bout d’une lutte acharnée, décousue, étouffante, le XV de France a fini par conquérir la ville aux sept collines, ce dimanche. "La victoire est tellement importante, qui plus est dans le Tournoi des 6 Nations, qui plus est à l’extérieur", relevait un Fabien Galthié mitigé "mais pas chafouin", jurait-il au terme de ce succès sans gloire. Après avoir croqué un bout de pizza et partagé un moment sympa dans le vestiaire avec les vaincus du jour, les Bleus ont quitté le Stadio Olimpico avec le plein de points mais aussi un paquet de questions en tête. Et une équation à résoudre : comment peuvent-ils, en l’espace de six jours, s’armer suffisamment pour mener la prochaine ascension à son terme ? À l’horizon d’un relief autrement plus accidenté, une montagne se dresse sur leur route. Avec, à son sommet, l’Aviva Stadium, citadelle située en très haute altitude.

Jonathan Sexton et ses partenaires restent sur quatorze succès consécutifs dans leur antre. Depuis deux ans, tout le monde y est passé : la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Angleterre, l’Afrique du Sud… Tout le monde sauf la bande d’irréductibles Français, la dernière à avoir triomphé dans la capitale irlandaise, le 14 février 2021, au terme d’un bras de fer accroché (13-15). Depuis, la bande à Farrell n’a eu de cesse de progresser, de se découvrir de nouveaux atouts et de grimper au classement mondial. Jusqu’à s’emparer du trône, l’année dernière.

Entre l’expérience des Sexton, Furlong, Ringrose et l’irrésistible montée en puissance des Doris, Van der Flier et autres Keennan, elle n’a jamais paru aussi forte. À dire vrai, aucune nation européenne n’a paru aussi complète et maîtresse de son sujet depuis le XV de la Rose des "Wilko" et Dallaglio. Le récital de Cardiff, où l’enfer leur était promis, a renforcé son statut. Et cette impression de toute puissance : "L’Irlande est très en place et sûre de ses forces. Elle a attaqué le Tournoi de la meilleure des manières et elle sort des matchs plus que maîtrisés depuis un bon moment", énumère Antoine Dupont.

Fabien Galthié partage le sentiment général après avoir vu le XV du Trèfle réciter son rugby, avant l’exploit écossais : "On s’est régalé devant la télé samedi." Le prochain ne sera peut-être pas aussi jouissif. Son capitaine, homme de défis, se projette en tout cas avec autant de détermination que de lucidité sur cette finale avant l’heure. Ce test ultime. "On sait où l’on met les pieds et il faudra que l’on monte notre niveau dans tous les secteurs, avertit le demi de mêlée. Mais ce sont de bons matchs à jouer." Si Rome était un point de départ, alors ses troupes partent de loin.

Macalou : "De l’excitation et un peu de peur"

En fin connaisseur des deux rugbys, Ronan O’Gara s’attend à un duel de très haut vol : "Ce match va être hyper intéressant d’un point de vue stratégique, nous confiait récemment le manager rochelais, accessoirement meilleur réalisateur de l’histoire du Tournoi. Si c’est une bataille de puissance, la France sera devant. Regardez un gars comme Uini (Atonio). Il n’y a pas de profil comme ça en Irlande. En revanche, si c’est une bataille de "fitness", sur un rythme élevé, avec Van der Flier, Furlong, Ryan, Henderson, les Irlandais auront de sérieux atouts. Ils sont inégalables dans la capacité à répéter les efforts à haute intensité. La météo aura une incidence cruciale."

Aux yeux du technicien, les Bleus devront montrer un visage conquérant pour espérer réaliser ce qui serait un authentique exploit : "Ces derniers temps, j’ai trouvé que l’équipe de France n’avait plus la même volonté de jouer. Les joueurs ont eu tendance à être focalisés sur le "taper et chasser". Vous sentez que leur instinct était d’attaquer mais qu’ils se disaient : "Ah, on a dit quoi déjà, pendant la semaine ?" lls n’ont pas joué avec leurs forces naturelles. Il faut dire que l’équipe de France n’est pas la même sans Danty. Il a vraiment donné à ce collectif une autre dimension en 12. C’est l’élément le plus puissant pour gagner la ligne d’avantage, évidemment, mais il sait aussi jouer au pied, passer, agresser l’adversaire en défense…" Samedi, son absence a clairement pesé au centre. Et elle risque d’être encore préjudiciable à Dublin. Mais Galthié et compagnie ont assez d’idées et de ressources pour se réinventer, se sublimer.

L’Irlande, justement, ne cesse de se renouveler : "Elle reste cette équipe structurée, très bien organisée, que l’on connaît depuis des années mais son attaque a beaucoup progressé ces derniers temps, reprend "ROG". Elle a plus de menaces offensives, de capacité à varier, à surprendre l’adversaire." Sekou Macalou en frissonne d’avance : "Est-ce qu’ils sont favoris ? Oui, clairement. De notre côté, il y a beaucoup d’excitation et un peu de peur." Puisse-t-elle les transcender pour les mener jusqu’au sommet.