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En bon père de famille : le portrait d'Alexandre Martinez, le nouveau président par intérim de la FFR

Par David BOURNIQUEL
  • Alexandre Martinez est le nouveau président de la FFR par intérim
    Alexandre Martinez est le nouveau président de la FFR par intérim Midi Olympique - Patrick Derewiany - Patrick Derewiany
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Alexandre Martinez - Président par intérim de la Fédération française de rugby. Il est, depuis vendredi, le nouvel homme fort de la FFR et devrait le rester jusqu’au mois de juin, au moins. L’ancien cadre issu du monde de la télécommunication, rompu à l’exercice du pouvoir, Doit redresser le cap de la fédération, ramener de la sérénité et rassembler une famille aujourd’hui fracturée.

Il est donc celui qui doit redresser la barre après la tempête, le commandant chargé de relancer le vaisseau amiral du rugby français. Alexandre Martinez a été choisi vendredi par le comité directeur de la Fédération française de rugby pour gérer les affaires courantes jusqu’à l’assemblée générale prévue lors du congrès de Lille (29 juin au 1er juillet 2023). Charge à lui, désormais, de ramener de la sérénité au sein de l’institution fortement ébranlée par les affaires qui ont conduit, jeudi 26 janvier, à la démission de Bernard Laporte. Quelques heures plus tard, les clubs désavouaient définitivement le président déchu en choisissant de ne pas valider le candidat qu’il avait désigné pour lui succéder, Patrick Buisson. Pressé de toutes parts et amputé des membres de l’opposition qui ont tous démissionné, le comité directeur de la FFR fut sommé d’en faire autant par la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra. Mais il n’a pas fléchi. Et ses membres ont décidé de rester aux commandes, campés sur les statuts pour tenir debouts. Restait encore à désigner un nouveau chef -sachant que Serge Simon ne pouvait l’être- et ce fut donc Alexandre Martinez, âgé de 70 ans.

« Lorsqu’on lui parle des coûts de déplacements pour une équipe ou de la problématique de la double-licence, il peut répondre. »

Voilà donc résumées en peu de mots les péripéties qui ont conduit l’ancien trésorier jusqu’au trône de la FFR. Rien qui puisse faire peur à cet homme expérimenté et pétri de culture, qui se définit lui-même comme un « manager généraliste », rompu aux choses du terrain tout autant qu’à celles des affaires. Sorti ingénieur de l’Insa Toulouse (Institut national des sciences appliquées) en 1975, ancien cadre dirigeant du groupe Orange, Martinez a toujours gardé le rugby – découvert en CM2 à Lavaur par la grâce d’un instituteur- comme fil rouge. Expatrié en Normandie après ses études, il a porté les couleurs de Caen en série régionale, numéro 10 dans le dos. Ceci avant de tutoyer « le sommet » de sa carrière de joueur du côté de Massy, qui évoluait alors en Deuxième Division au gré d’une nouvelle mutation professionnelle. Mais c’est à l’AS Vauréenne, son club de cœur qu’il présidera de 2009 à 2017 -d’abord avec Philippe Giraud puis en solo- que l’homme s’épanouira complètement.

Jacques Cancel, ancienne cheville ouvrière de l’ASV, a bien connu Martinez tout au long des quarante ans passés à tous les postes de l’organigramme vauréen. Il se souvient d’un joueur efficace et précis : « Alexandre a fait son école de rugby et a joué jusqu’en Troisième Division à Lavaur. C’était au début des années 70. Ce n’était pas un numéro 10 qui pouvait traverser le terrain, mais il était droit et excellent gestionnaire, explique-t-il. Il était un très bon coéquipier, un de ces gars avec lesquels on aime évoluer sur le pré et boire un coup après le match. Ce sont des qualités que l’on a retrouvées lorsqu’il est devenu dirigeant. C’est un taiseux, ce n’est pas un homme qui fait beaucoup de bruit mais il abat un travail considérable. »

L’homme du plan de relance

Cet aspect « bourreau de travail » sera bien évidemment remarqué par tous ceux qui ont croisé sa route. Dans le Tarn, l’ASV lui doit beaucoup. Joseph Dalla-Riva, champion de France de Deuxième Division avec Carmaux en 1972 devenu adjoint au maire en charge des Sports à Lavaur, se souvient de leur première rencontre. Et ce n’était alors pas pour causer rugby : « La première fois que j’ai croisé la route d’Alexandre, il était encore chez Orange et il venait nous démarcher en mairie. Il voulait nous vendre son « produit »… Ce que je peux dire de lui, c’est que c’est un homme éminemment intelligent, doté d’une excellente capacité d’analyse. C’est un homme qui parle peu, mais ses mots sont toujours pesés et justes. Il est plus scientifique que philosophe, pour résumer… »

Les mandats de président d’Alexandre Martinez ont ensuite marqué l’histoire récente de l’ASV. Dalla-Riva reprend : « Ne nous mentons pas, lorsque j’y ai terminé ma carrière, Lavaur n’existait pas sur l’échiquier du rugby tarnais. L’ASV pointait dans les nimbes des classements, loin derrière Albi, Castres, Mazamet, Graulhet, Gaillac ou Carmaux. Le tandem qu’il a formé avec le groupe Pierre-Fabre a permis un spectaculaire redressement dont le paroxysme fut le titre de champion de France de Fédérale 1 en 2018, obtenu sur la lancée de sa présidence. Pour un club comme le nôtre, c’était quelque chose croyez moi. En peu de temps, nous étions devenus le troisième club de rugby du Tarn, certes calé derrière Castres et Albi mais bien devant Graulhet, Carmaux ou Gaillac. Alexandre et ses équipes ont su redonner de l’allant autour du club. C’est un euphémisme de dire qu’il a été un bon président. C’est un peu grâce aux résultats obtenus sous ses mandats que l’ASV a été dotée par la ville du superbe stade des Clauzades. Vous savez, on ne fait pas de jolis terrains aux équipes qui perdent… »

Patrice Lopez, l’actuel président de Lavaur, corrobore : « Alexandre est un homme de dossiers. Lorsqu’il a été élu à la fédération et qu’il a dû se retirer de la présidence à l’ASV, le club était très bien géré avec des finances saines. Il a aussi contribué aux bons rapports entretenus entre l’ASV et le groupe Pierre-Fabre par l’entremise de Pierre-Yves Revol avec lequel il a toujours entretenu de bons rapports. »

Promu trésorier de la FFR depuis la première élection de Bernard Laporte en décembre 2016, Martinez mit donc un pied dans la lumière, après avoir si longtemps évolué dans l’ombre. Il restera comme une des meilleures prises de guerre de l’ancien sélectionneur, qui a fait confiance à son réseau au moment de recruter l’inconnu Martinez. « Je ne connaissais pas Bernard Laporte, admet le Vauréen. Nous avions simplement des amis communs. Il cherchait un régional pour animer sa campagne. Il se trouve que ça a été moi. Puis, Bernard a aussi pensé à moi pour le poste de trésorier lorsqu’il a dû composer son équipe. Je n’avais pas d’expérience particulière dans ce domaine-là mais je savais lire un bilan et j’avais l’habitude de gérer des flux d’argent. »

« C’est un homme qui parle peu, mais ses mots sont toujours pesés et justes. Il est plus scientifique que philosophe, pour résumer… »

Celui qui tenait hier encore les cordons de la bourse fédérale a pour lui de connaître le rugby jusqu’à la moelle pour avoir évolué dans toutes ses strates, de joueur à dirigeant. Au moment où l’homme change de casquette pour devenir numéro 1 de la FFR, impossible de ne pas préciser qu’il fut à l’origine du plan de relance du rugby français après la période Covid-19. Il permit aux clubs amateurs français de retrouver le terrain dans de bonnes conditions en limitant dans de grandes proportions les ravages économiques et structurels causés par la pandémie.

L’élaboration de cette stratégie gagnante pour relancer l’économie du rugby amateur restera comme le principal coup d’éclat de son bilan. Il dut également « piloter » deux exercices déficitaires (2017-2018 et 2020-2021, respectivement à hauteur de 7, 35 millions d’euros et 3, 86 millions d’euros). « Je suis comme tout le monde : je peux me tromper. Mais j’essaye de faire de mon mieux en toutes circonstances », se contentera-t-il de commenter. « Valeur, respect et recherche de résultats » sont les points cardinaux de son engagement sportif et professionnel. De sa carrière de grand dirigeant – il a terminé son parcours au poste de directeur territorial chez Orange- Martinez a gardé la capacité à prendre de grandes décisions, un esprit de synthèse et une grande faculté à relativiser (« un million d’euros, c’est beaucoup et peu à la fois ! »)

Au quotidien, Alexandre, qui roule doucement vers les cinquante ans de mariage avec son épouse Évelyne, s’occupe de sa famille comme n’importe quel grand-père. Ses enfants Nathalie, David-Alexandre, Benjamin et Jean-Rémy lui ont donné douze petits-enfants. « La famille est très importante pour moi. C’est mon clan et mon vrai moteur même si j’aime beaucoup le sport et si j’aimerais trouver un peu plus de temps pour jouer au golf », admet le septuagénaire.

Un fin connaisseur du rugby amateur

Surtout, Martinez est resté proche du terrain et du « rugby d’en bas ». Dimanche dernier encore, alors que son club de cœur évoluait à Castelsarrasin, celui qui est toujours vice-président délégué à l’ASV était dans les gradins pour supporter les siens. « Alexandre est avant tout un passionné de rugby et un amoureux de son club, explique Patrice Lopez. Il faut savoir que sur sa fin de carrière professionnelle, il n’hésitait pas à revenir de Paris où son métier le retenait pour assister aux matchs de l’ASV le dimanche. »

Ce côté « terroir » proche du terrain doit être un atout maître au moment de prendre à bras-le-corps les problèmes que les 1 574 clubs amateurs français ne manqueront pas de lui faire remonter. Au fil de son parcours de dirigeant, Martinez a acquis une connaissance profonde de la réalité du quotidien d’un club amateur. Lopez renchérit : « De par son expérience de président, Alexandre connaît tous les impératifs de la gestion d’un club au jour le jour. Lorsqu’on lui parle des coûts de déplacement pour une équipe ou de la problématique des doubles licences, il peut répondre. C’est un type ancré dans la réalité, toujours très calme et posé mais qui jouit d’une vraie aura. »

Cette rigueur et ces capacités analytiques ne seront pas de trop pour aider Martinez à mener à bien les défis qui se dressent à présent. En lui confiant les clés du camion, le bureau fédéral fait confiance à un profil semblable à celui de Patrick Buisson, qui était le premier choix de Bernard Laporte avant le désaveu des clubs. Celui d’un homme discret mais efficace, capable de fédérer et d’apaiser les tensions par sa capacité à se concentrer sur le travail et à obtenir rapidement des résultats sur les dossiers qu’il a en mains. L’assurance d’une gestion en bon père de famille, loin du tumulte des événements récents à l’heure où se profilent des échéances capitales pour le rugby français.Bien qu’infiniment moins médiatique que Laporte, quasi inconnu du grand public, Alexandre Martinez va devoir résoudre la quadrature du cercle en parvenant à remettre la FFR en ordre de marche, tout en faisant remonter le capital confiance inspiré par l’institution. Plein de bonne volonté (« je confirme que c’est bien moi qui ai sollicité l’échange avec la ministre des Sports après son intervention à Marcoussis »), le nouveau président par intérim émet un souhait pour son mandat : « Aujourd’hui, je suis très malheureux de voir le rugby français à ce point divisé. Au cours des trois dernières consultations, les clubs nous ont mis dos à dos avec l’opposition. C’est peu ou prou du 50-50. Le message subliminal que le rugby nous renvoie, c’est : « Entendez-vous ! » Je m’attacherai donc à réduire la distance qui nous sépare encore de l’opposition. Après tout, et c’est Florian Grill qui le dit, 80 % des délibérations proposées par notre camp ont été validées et votées par l’équipe d’Ovale Ensemble. C’est bien la preuve que nous ne sommes pas si différents que ça. Il est temps, pour le bien de notre rugby, de partager nos intelligences. » Le vœu d’Alexandre Martinez est vertueux. Son chantier est ouvert…

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