Abonnés

200 ans de légendes (3/52) - Au banquet de Swansea, la terre des mineurs défie le rugby français

Par Jérôme Prevot
  • 200 ans de légendes (3/52) - Au banquet de Swansea, la terre des mineurs défie le rugby français
    200 ans de légendes (3/52) - Au banquet de Swansea, la terre des mineurs défie le rugby français Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
Partager :

Le premier match du XV de France dans le Tournoi fut une déroute cinglante. Et le dénommé Jack Bancroft se permit une prophétie arrogante, que l’Histoire démentira.

La phrase est restée dans les mémoires. Elle fut prononcée par Jack Bancroft, l’arrière gallois, lors du banquet qui suivit le match Galles-France joué le 1er janvier 1910 : « Vous autres Français, vous êtes de braves garçons. Vous arriverez peut-être à battre chez eux les Anglais, les Irlandais, et les Écossais mais vous ne triompherez ici, au pays de Galles, que le jour où il n’y aura plus de charbon sous nos pieds, dans les mines de la vallée de la Rhondda. »

Cette phrase est d’une arrogance formidable. Et c’est aussi une fausse prophétie car la France gagnera au pays de Galles en 1948, bien avant que ne ferment les mines de charbon (à compter des années 1970). Peut-être fut-elle prononcée dans un état de légère ébriété, au lendemain des fêtes.

Mais ces propos ont une valeur historique. Ils sont un témoignage précieux sur le rugby français qui découvrait le Tournoi et montrent que les tricolores sont partis de très loin. Les Bleus faisaient figure de faire valoir pour les maîtres britanniques. Ils ont perdu 49 à 14, dix essais à deux ce jour-là.

On peut aussi analyser cette phrase par un autre prisme, plus positif. Il montre que le rugby avait trouvé une vraie terre d’élection à Cardiff, Swansea ou Newport. Les Gallois n’ont pas attendu les années 70 pour briller. Ils sont déjà très forts aux premiers âges de notre sport. Le rugby a trouvé dans la principauté une terre d’élection. Il y est tout de suite plus populaire que dans les autres nations.

A bout de souffle

Les Bleus sont des nains à côté de cette petite nation, qui compte alors dix-sept moins d’habitant que la France. Les Gallois ont pour eux le poids de l'expérience : ils jouent des matchs internationaux depuis plus de vingt ans. A leur sujet, les chroniqueurs ne parlent pas de gabarits formidables comme à propos des Néo-Zélandais, ils mettent l’accent ailleurs. Sur la science du redoublement de passes des Gallois, arme décisive et diabolique. Dans l’Auto, Léon Manaud et Paul Cartoux écrivent : « La raison primordiale de notre défaite est le manque d’entraînement. Dès la fin de la première mi-temps, nos hommes donnaient déjà des preuves d’un profond épuisement. Donc, on manque de souffle ! La majeure partie de nos passes furent manquées. »

Les Gallois du capitaine et centre Billy Trew se montrent plus que supérieurs à ces Français bien tendres. Ont dit même qu’il les ont laissé marquer deux essais par bonté et qu’ils ont profité des temps morts pour leur expliquer les règles. La première mi-temps des Bleus est pourtant encourageante. Mais les avants n’ont clairement pas le niveau international, ils s’arrêtent trop vite de courir, les poings sur les hanches, alors que le pack gallois continue de trottiner en soutien de ses attaquants. La deuxième période est un calvaire.

Le duo des journalistes de l’Auto pousse assez loin l’analyse de la déroute : « Passer sec, vite et à hauteur de ceinture, ne passer qu’au dernier moment, s’entraîner chaque jour sur le ballon, accomplir de longues marches pour acquérir du souffle, apprendre à plaquer, travailler au sac de sable pour se durcir les muscles, accomplir chaque jour des courses de cinquante mètres pour acquérir de la vitesse. Est-il possible en France de trouver de jeunes gens suffisamment courageux et pouvant disposer d’assez de temps pour suivre ce judicieux entraînement ? »

Surtout, les journaux de l’époque relatent une atmosphère aigre-douce. On comprend qu’il y a une rivalité entre les clubs du sud (Bordeaux) et les Parisiens, que les sélectionneurs n’ont pas vraiment tenu compte des deux matchs de sélection joués à Bordeaux et à Lyon. Sur les quinze titulaires, on compte une majorité de Racingmen et de Scufistes. On a même l’impression que cette entrée dans le Tournoi ennuie beaucoup de monde, et surtout les clubs. Tiens donc…

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?