6 Nations 2023 - Comment la TV irlandaise a "piégé" Wayne Barnes

C’est un grand classique gaulois. Sitôt la défaite enregistrée, on s’en prend à l’arbitre. Dans les heures qui ont suivi la leçon d’organisation collective que les Bleus ont reçue à Dublin, les commentaires sur la prestation de l’arbitre Wayne Barnes allaient bon train : "Oh par contre, tu as vu Barnes ? Dans les rucks il a abusé…"

Certes, il y eut quelques décisions portant à débat. Quelques coups de sifflet qui ont tardé à venir, ou qui ne sont jamais venus, alors que des mains françaises étaient solidement accrochées à la balle. Mais franchement, on ne va pas pousser la mauvaise foi au point de dire que cela nous a coûté le match. Comme l’analyse ci-contre Imanol Harinordoquy, les Bleus ont "joué à l’envers", et ont eu toutes les peines du monde à gagner la ligne d’avantage, tant en attaque qu’en défense.

Un déficit qui a forcément impacté le jeu au sol. Il serait donc excessif de faire un procès à l’homme en noir, même s’il convient de revenir en détail sur deux de ses décisions : le carton jaune (et non rouge) donné à Uini Atonio, et l’essai accordé à l’ailier James Lowe alors que la pointe du crampon droit de ce dernier avait touché l’extérieur du terrain avant qu’il n’aplatisse.

Concernant le plaquage d’Uini Atonio, on peut légitimement dire que personne n’aurait crié au scandale si le Rochelais avait écopé d’un carton rouge, tant le choc entre son épaule et la tête de Rob Herring fut mis en évidence par les images au ralenti. Et en plus, on ne peut pas dire que le droitier du XV de France avait fait le moindre effort pour se baisser. Seulement, Wayne Barnes a estimé que le point du premier contact se situait au niveau de la poitrine, avant de remonter dans un deuxième temps à la tête qui fit un mouvement de bascule après l’impact.

L’essai de Lowe et la "malice" du réalisateur irlandais

Sur l’essai de Lowe, il serait également injuste de jeter la pierre à Barnes. Son arbitre de touche, l’Australien Jordan Way, était idéalement placé pour suivre l’action, posant même un genou à terre avant que l’Irlandais ne plonge. Il n’a pas levé son drapeau. La décision terrain de Barnes était donc d’accorder l’essai, mais il demanda un recours aux images pour vérifier auprès du TMO (arbitre vidéo) si un plan pourrait contredire son jugement. Or, ledit arbitre vidéo n’a pas accès à toutes les images, mais seulement à celles que le réalisateur lui fournit.

C’est une spécificité du Tournoi des 6 Nations : chaque match est organisé par une nation qui délègue la diffusion du match à un diffuseur. En Coupe du monde, les images sont produites par World Rugby et toutes à disposition des arbitres vidéo. Dans notre cas, le réalisateur irlandais n’a pas fourni au corps arbitral le plan pris de l’arrière, qui permettait d’affirmer que l’Irlandais avait bien posé le pied en touche.

Le "TMO" n’avait donc aucun matériel pour invalider la décision terrain, et l’essai fut accordé. Des images qu’un réalisateur français aurait assurément soigneusement sélectionnées si le match s’était tenu au Stade de France… On se souvient ainsi des mots de Fred Godard, le réalisateur de France Télévisions, dans Télérama en février 2019 : "Quand l’arbitre vidéo revoit une séquence, c’est moi qui lui propose différents angles. Est-ce que, parfois, je peux oublier un axe ? Il faut que je fasse attention… (sourire). Si tu es dans l’autre camp, tu mets l’image, mais tu insistes moins. Soit l’arbitre t’a compris, soit il est intransigeant…"