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Après l'Irlande, le XV de France à la fois si proche et si loin

  • Si près, si loin
    Si près, si loin Midi Olympique - Patrick Derewiany
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Après quatorze victoires de rang - record de l’histoire du rugby français - et dix-neuf mois d’invincibilité, les Bleus ont chuté samedi à Dublin. Un revers honorable, tant les Tricolores ont combattu face à la première nation mondiale, mais sûrement inéluctable. Il vient acter la diminution de leur marge depuis plusieurs mois et qui doit obliger le staff à clarifier ses intentions dans le jeu, en vue du Mondial.

Depuis des mois, les Français répétaient que leur série d’invincibilité n’était ni une obsession, ni même un objectif en soi. Elle relevait de l’"anecdotique", et c’est tant mieux puisqu’elle appartient désormais au passé. À Dublin, le record du rugby français fut enfin gravé dans le marbre : quatorze succès de rang, pas un de plus. Quatre de moins, donc, que les générations néo-zélandaise et anglaise qui se partagent la plus belle marque mondiale (dix-huit).

Ces Tricolores disaient aussi, et ils ont raison, que cette prouesse ne leur offrirait pas le trophée Webb Ellis le 28 octobre 2023. C’est évident. Mais, pour ce qui est des conséquences à court terme, le XV de France n’a pas profité de sa venue à l’Aviva Stadium pour ravir la première place du classement World Rugby à son adversaire du jour. Il a dit adieu à son rêve de deuxième grand chelem consécutif et, en laissant le bonus offensif aux Irlandais, il a compromis ses chances de remporter le Tournoi des 6 Nations 2023. "Tout est encore possible dans cette compétition, assure pourtant Gaël Fickou. On va revenir avec deux fois plus d’envie."

Gaël Fickou arrêté par la vigilante défense irlandaise
Gaël Fickou arrêté par la vigilante défense irlandaise Midi Olympique - Patrick Derewiany

Loin de nous l’idée que les Bleus aient soudainement basculé dans une dynamique négative parce qu’ils ont perdu chez ce qui se fait de mieux sur la planète rugby. Mais, derrière les faits, il y a les impressions. Ce revers ne vient-il pas sanctionner la marge de plus en plus faible des hommes de Fabien Galthié, au vu de leurs dernières sorties ? Ils ont frisé la correctionnelle lors deuxième test au Japon à l’été, puis ont créé les conditions du miracle pour s’en sortir face à l’Australie et l’Afrique du Sud à l’automne. Ils étaient sur un fil en Italie et celui-ci a logiquement cédé.

La défaite, nécessaire à la remise en question

Faut-il pour autant parler de coup d’arrêt ? "Surtout pas, rétorque Galthié. Il faut apprendre de la défaite, même si elle n’est pas appréciée dans l’équipe." C’est elle qui fait grandir et se remettre en question. Le sélectionneur, comme ses adjoints, était suffisamment lucide pour savoir qu’elle arriverait tôt ou tard et qu’elle pourrait s’avérer nécessaire dans la construction de cette équipe.

Aussi séduisante et talentueuse soit-elle, cette défaite doit faire réfléchir, mûrir et surtout faire progresser la France, si elle veut battre à l’avenir ce XV du Trèfle diaboliquement mécanique - elle pourrait le croiser en quart de finale de la Coupe du monde.

Si près, si loin
Si près, si loin Midi Olympique - Patrick Derewiany

Il est toujours l’heure de disserter sur les absences, celles de Jonathan Danty dont le physique manque cruellement au milieu du terrain, de Gabin Villière dont l’énergie et la présence dans les rucks n’ont pas d’égales ou encore de Peato Mauvaka, dont l’apport en cours de deuxième mi-temps est un cadeau du ciel. Mais, outre l’état d’esprit irréprochable, les ressources ont toujours été la grande richesse de ce groupe sous l’ère Galthié.

Il est également le moment de se questionner sur l’état de fraîcheur de nos troupes, comparées à celles d’Irlande (voir ci-dessous). Surtout, et même s’il convient encore de relativiser la défaite de Dublin où beaucoup de nations auraient sombré dans des proportions plus fortes, il est aussi temps de revenir sur les intentions de jeu de cette équipe. Et les promesses de son évolution.

Une évolution, mais laquelle ?

Le staff n’a jamais caché qu’il ne comptait pas tout dévoiler de ses ambitions trop tôt. Avant le Tournoi, Fabien Galthié - sans annoncer de révolution – a promis des nouveautés sur le système offensif. À la grâce d’une nouvelle circonvolution sémantique dont il a le secret, le sélectionneur a laissé entendre que le projet était de passer de la "dépossession" (qui a fait le succès des Bleus mais poussée à l’extrême en novembre) à la "repossession". Fallait-il s’attendre à voir ses joueurs davantage tenir le ballon, prendre plus de risques ? Le principal enseignement de l’Aviva Stadium, où les Français ont montré une générosité exceptionnelle symbolisée par leurs 258 plaquages, c’est que le flou existe toujours. Quel est l’axe de conduite ? "On a trop joué dans notre camp en première mi-temps, dit Galthié. Il aurait fallu occuper, jouer plus haut." Plusieurs de ses hommes faisaient remarquer que l’essai de Penaud est arrivé "depuis notre propre camp" (Ntamack) ou que les solutions étaient "dans le désordre" (Jelonch).

Damian Penaud a inscrit un essai superbe, parti de la confusion d'un ballon dans le camp tricolore.
Damian Penaud a inscrit un essai superbe, parti de la confusion d'un ballon dans le camp tricolore. Midi Olympique - Patrick Derewiany

Constatant le changement radical de stratégie au retour des vestiaires, nul besoin d’écouter aux portes pour comprendre que les consignes à la pause furent de taper, encore et encore. Alors, où est la vérité ? C’est l’interrogation à laquelle il faudra répondre dans les semaines à venir. Si près, à la 75e minute à Dublin ou même au classement mondial, les Bleus ont aussi semblé, parfois, si loin de l’Irlande... C’était vrai sur le plan adopté, sur les choix de jeu ou même le coaching. Pourquoi avoir fait sortir si tôt Willemse et Alldritt ? Pourquoi Macalou et son profil hybride plutôt que Cros ? Pourquoi Jalibert à l’arrière ? Pourquoi avoir fait sortir Ramos, dont il faut accepter le déchet – parfois coupable en première période – mais qui reste le plus entreprenant quand il s’agit de provoquer les choses ? Le staff, comme les joueurs, a tenté des paris. C’était osé. Ce fut cette fois perdant.

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