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6 Nations 2023 - Ce qu’il a manqué aux Français pour faire tomber cette équipe d'Irlande

Par Nicolas ZANARDI
  • Les Français ont longtemps résisté aux vagues irlandaises, avant de craquer dans les dernières minutes.
    Les Français ont longtemps résisté aux vagues irlandaises, avant de craquer dans les dernières minutes. Sportsfile / Icon Sport
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L’ampleur de la défaite concédée samedi, la plus large du mandat Galthié (plus de 30 points encaissés, bonus offensif en prime pour les Verts) ne laisse place à aucune ambiguïté. La meilleure équipe du monde est actuellement irlandaise, renvoyant le XV de France à ses limites du moment.

Que ceux qui hurlent encore au loup, en attribuant la défaite des Bleus à l’arbitrage vidéo catastrophique qui conduisit M. Barnes à accorder un essai à James Lowe malgré un pied en touche, passent ici leur chemin. Au final, qu’on le veuille ou non, les Irlandais ont pénétré à huit reprises dans l’en-but tricolore, signe incontestable de leur supériorité dans l’occupation du terrain et la possession de balle.

Il convient désormais de s’interroger avec sportivité sur les raisons objectives de l’échec tricolore à l’Aviva Stadium. Ou plus exactement, sur les raisons de la supériorité actuelle de l’Irlande, plus que jamais numéro 1 mondiale parce que servie par un système qui la pousse vers la haute performance, en axant ses efforts autour d’une province dont le fonctionnement et l’ossature sont étroitement liés à ceux de l’équipe nationale, bénéficiant en ce sens de temps de récupération décents.

Un banc bleu déficitaire, un niveau de détail irlandais inégalé

Malgré son faible nombre de licenciés, l’Irlande dispose désormais d’une profondeur de banc digne du très haut niveau international (rappelons que des cadres comme Sheehan, Furlong, Healy ou Gibson-Park étaient tous absents samedi !) tout en conservant des automatismes de club. Le meilleur exemple réside ici dans l’essai inscrit par Keenan (8e minute), après une relance de jeu millimétrée autour du pilier Bealham : quelle autre équipe au monde que l’Irlande est aujourd’hui capable de construire un mouvement sur deux temps de jeu aussi élaboré, à partir d’un renvoi d’en-but ? Aucune, assurément.

Et surtout pas ce XV de France encore très loin de pouvoir prétendre à un tel niveau de détail, encore empêtré dans ses subtilités sémantiques entre "dépossession" et "repossession" dont les joueurs ne saisissent manifestement pas beaucoup plus les nuances que nous. D’où de légitimes approximations dans la construction du jeu, à l’image de leurres réalisés dans un mauvais timing (souvent avec beaucoup trop de profondeur, laissant le temps à la défense de lire les courses bleues) et des inversions de sens peu pertinentes qui ont logiquement généré des retards dans les soutiens. Lesquels ont évidemment permis à l’Irlande de contester plusieurs ballons et de remporter la bataille, à l’usure, prenant progressivement le large face à des Bleus dont le fonctionnement du banc en "6-2" a pour une fois montré ses limites. Notamment au moment de trouver des solutions pour rééquilibrer la ligne de trois-quarts.

Une stratégie française sujette au doute

Toutefois, au-delà du fonds de jeu, c’est davantage en termes de maturité stratégique que les Irlandais nous ont infligé une leçon à Dublin. Après le match, les Bleus s’interrogeaient encore sur ce qu’ils auraient dû faire (laissant au passage transpirer un hiatus dans l’analyse entre Galthié et ses hommes). Les coéquipiers de Sexton, eux, sont arrivés sur le terrain avec un plan net et précis, qu’ils ont déroulé à la perfection. "Je ne pensais pas qu’ils allaient jouer autant dans leur moitié de terrain, admettait le sélectionneur de l’Irlande Andy Farrell. D’habitude ils sont très pragmatiques là-dessus." "Peut-être qu’on aurait dû plus jouer au pied en première période, convenait l’ouvreur Romain Ntamack. À partir du carton jaune de Uini Atonio, on a voulu tenir le ballon pour éviter de le rendre au travers de jeux au pied pas bons."

Tout était dit : la différence fondamentale entre Français et Irlandais résidait, samedi, dans la qualité de l’occupation au pied. L’ailier James Lowe a certes dévissé deux frappes, mais il a aussi pesé de tout son poids pour soutenir Keenan – auteur du seul 50-22 du match – dans les échanges de "ping-pong rugby". La charnière Murray-Sexton puis leurs remplaçants Casey et Byrne ont occupé avec méthode et efficacité le camp des Bleus, sans que ceux-ci trouvent la lucidité pour en ressortir (à l’image de ces deux touches gagnées puis cafouillées par les Bleus sur leurs 5 mètres). Au final, les Tricolores auront passé 57 secondes dans les 22 mètres adverses, tandis que le boa constrictor irlandais les y aura étouffés plus de neuf minutes. Difficile de chercher ailleurs la genèse de la défaite…

Cramés, les hommes de Galthié ?

C’est l’histoire d’un pari, ou plutôt de plusieurs paris, qui se sont avérés perdants. Alors que l’état de santé des cadres du XV de France semblait déjà préoccupant avant le début de la compétition, le staff tricolore avait misé sur une grosse préparation lors du stage de Capbreton (quitte à laisser quelques joueurs sur le carreau et souffrir en Italie) pour obtenir un "pic de forme" en Irlande. Un parti pris aussi nécessaire que stratégique puisque, craignant plus que tout les lancements de jeu après touche des Irlandais, l’état-major tricolore avait élaboré une stratégie de jeu au pied visant à laisser au maximum le ballon dans le terrain.

Le problème ? Les 46 minutes de temps de jeu effectif du match de samedi ont renvoyé les Bleus à leurs lacunes physiques du moment. à l’image des Baille, Marchand, Atonio, Willemse, Alldritt ou Moefana (liste non exhaustive) très loin de leur niveau de 2022. "On a tenu le choc pendant 80 minutes mais quand on se compare à eux, à la fin du match, il y a un écart, constatait l’ouvreur Romain Ntamack. Quand nous sommes amochés, eux donnent l’impression de pouvoir jouer pendant encore deux jours. Certainement que leur système de provinces joue : les automatismes qu’ils travaillent toutes la semaine avec le Leinster, le fait qu’ils aient trois ou quatre fois moins de matchs que nous à ce moment-là de la compétition… Tout ça peut jouer."

La fin des "bénéfices" du covid

La vérité ? Même si celle-ci peut sembler difficile à entendre pour les intéressés, on demeure intimement persuadés que la longue coupure liée au Covid (elle avait permis aux joueurs tricolores de recharger copieusement leurs batteries et d’attaquer la saison 2020-2021 dans les mêmes conditions physiques que leurs adversaires) a joué pour beaucoup dans les grandes performances des clubs tricolores en Coupe d’Europe et du XV de France dans le Tournoi, ces deux dernières saisons.

Sauf que le rythme effréné du Top 14 et l’usure liée à l’enchaînement des matchs sont évidemment passés par là, ce qui oblige le XV de France de Fabien Galthié à de nouveau évoluer dans des conditions comparables à celles de ses prédécesseurs. Avec les mêmes constats et malheureusement les mêmes problématiques structurelles qu’au temps de Lièvremont, Saint-André ou Novès, que même les fameuses méthodes d’entraînement à 42 ne semblent pas en mesure de pouvoir atténuer…

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Les commentaires (1)
PascalCap2 Il y a 1 année Le 15/02/2023 à 22:48

Un top 12 et un seul club qui descend pourrait déjà soulager les joueurs.