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XV de France - Olivier Magne (ancien international) : "Cette équipe a tout intérêt à attaquer de plus loin"

Par Jérémy Fadat
  • Anthony Jelonch, troisième ligne du Xv de France, face à l'Irlande.
    Anthony Jelonch, troisième ligne du Xv de France, face à l'Irlande.
  • "Cette équipe a tout intérêt à attaquer de plus loin"
    "Cette équipe a tout intérêt à attaquer de plus loin"
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Olivier Magne (ancien troisième ligne international) -  S’il souligne l’état d’esprit remarquable des Bleus, il les appelle à persister dans la volonté de mettre en place un système offensif plus ambitieux. à ses yeux, les Tricolores en ont largement le potentiel et ce pourrait être la clé lors du Mondial.

Quels enseignements tirer de la défaite en Irlande ?

Les premiers sont simples et flagrants. Aujourd’hui, pour exister à ce niveau d’intensité, il faut être prêt physiquement. La dimension athlétique doit servir le jeu mais, sur ce plan, les Irlandais étaient mieux armés que nous. Ça saute aux yeux. La deuxième chose, c’est l’efficacité de cette équipe irlandaise.

Comment expliquer l’infériorité athlétique ? Par la fraîcheur ou le manque de préparation à cette intensité ?

Un peu les deux. D’abord la fraîcheur même si je pense que les Français sont dans de bonnes conditions pour préparer le Tournoi. On s’aperçoit qu’en termes de temps de jeu, ils ne jouent pas beaucoup plus que les Irlandais. C’est parfois une fausse représentation. Mais il faut prendre en compte la contrainte et la pression de notre championnat. La raison principale de l’écart observé, c’est la structure même du rugby irlandais, qui permet d’aller vers une intensité et une exigence du haut niveau permanentes, des plus jeunes à l’étage supérieur. L’Irlande a développé un système calqué sur celui de la Nouvelle-Zélande, avec quelques améliorations. Cette nation en récolte les fruits.

Le Top 14 ne prépare-t-il pas assez au niveau international ? C’est l’avis de certains techniciens…

Je le partage complètement. L’idée, c’est de s’habituer très tôt à des matchs d’une intensité en rapport avec les exigences du très haut niveau. Mettre en place la technique ou la capacité de décider dans des moments décisifs, il faut le faire à très haute intensité. Et on ne la retrouve que très peu dans notre championnat. Pareil chez nos jeunes. Les Irlandais sont dans une construction différente, où les changements de rythme sont supérieurs et la capacité à soutenir ce rythme plus importante.

À Dublin, le match a atteint 46 minutes de temps

de jeu effectif…

Ce n’est même pas tant le fait de tenir une telle durée de temps de jeu effectif. Le problème, c’est la faculté, notamment sur les changements de rythme, à mettre de la très haute vitesse dans les actions, à conserver une relation forte entre technique et tactique dans ces moments. Les Irlandais sont aujourd’hui rompus à cet exercice, savent parfaitement jouer avec cette intensité et dépassent les Français sur cet aspect.

La France n’a que le quatrième bilan, après deux journées, sur le pourcentage de rucks rapides…

J’ai conscience qu’il y a des rucks mais ils doivent, pour moi, rester des accidents de jeu. Cela ne doit pas être une volonté d’en provoquer. Je ne suis pas partisan d’en faire une possibilité de jeu derrière. Mais, quand ils arrivent, il faut être les premiers à l’endroit où se situe le ballon pour que ce soit des rucks qui n’en sont pas, si rapides qu’ils ne rompent pas la dynamique d’avancée. Cela demande de déployer une énergie, une capacité à accélérer au bon moment pour répondre à ce que fait le porteur de balle. Que ce soit debout ou au sol. L’idée, c’est de comprendre comment fonctionne la circulation offensive, de pouvoir agir beaucoup plus vite et de façon plus pertinente pour éviter ces rucks ou mieux les gérer pour ne pas trop ralentir le mouvement.

N’avez-vous pas trouvé les Bleus émoussés ?

Je les ai quand même trouvés moins bien. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec Fabien (Galthié) quand il dit que les deux équipes étaient au même niveau à la mi-temps. Sur le plan physique, on a senti une formation prendre le dessus en deuxième période.

Sur le système offensif, le sélectionneur a annoncé une évolution avant le Tournoi, parlant d’un passage de la "dépossession" à la "repossession". La voyez-vous se matérialiser ?

Non. Au-delà de la sémantique et des éléments de langage sur lesquels il faut être vigilant, le chantier offensif est un des plus problématiques pour chaque équipe. C’est peut-être celui qui prend le plus de temps. Il faut savoir ce qu’on va faire du ballon. Le truc, ce n’est pas de le conquérir, parce que la conquête française est bonne, mais comment on va l’utiliser. Je trouve, on l’a encore vu, qu’il y a une volonté des Irlandais de jouer de leur propre camp.

On parle souvent d’un rugby qui gagne en année Coupe du monde. Est-ce que ce sera celui-ci en 2023 ?

Je pense en tout cas qu’on verra de plus en plus, à l’avenir, d’équipes qui vont profiter de ce genre de situation et abandonner l’idée de fonctionner par zones, avec des zones de marque, de sortie de camp, etc. à mon sens, cette idée est ridicule. Par exemple, dans tes 22 mètres, tu peux utiliser l’espace. C’est une zone où les joueurs sont positionnés de manière étagée en défense, sur plusieurs rideaux. Tu as donc la possibilité de maintenir la défense à un endroit pour utiliser l’espace à un autre. Alors que, quand tu te rapproches de la ligne adverse, tu observes souvent quatorze, voire quinze joueurs sur la même ligne. Là, c’est plus compliqué et il faut être plus dans la création d’espaces.

Vers quoi le XV de France doit-il tendre ?

Je suis convaincu que cette équipe, avec le potentiel offensif qu’elle a, a tout intérêt à attaquer de beaucoup plus loin. Cela doit être, à mon avis, une vraie volonté. Je ne veux pas trop m’avancer mais je crois effectivement qu’on verra sur la Coupe du monde des équipes qui vont marquer en partant de très loin.

Donc vous ne partagez pas le constat selon lequel les Bleus se sont trop exposés en première mi-temps ?

Pas du tout. Quand on est parti de loin, on a marqué un essai superbe avec Damian Penaud. Pourquoi s’arrêter là ? Cela s’est fait à travers un jeu dans le désordre, dans lequel on doit être le plus performants possible. Bien sûr, il faut insister et s’appuyer sur le fait de retrouver de la cohérence et de remettre de l’ordre quand c’est désordonné. Mais, avec de la créativité collective sur le plan offensif, cette équipe a vraiment les moyens de lancer le jeu de beaucoup plus loin et donc de pouvoir franchir le rideau adverse de manière plus prononcée. C’est une évidence à mes yeux.

Avez-vous été frustré de voir les Français rendre davantage le ballon en deuxième période ?

évidemment. Mais on en revient à l’idée énoncée au départ. Pour partir de plus loin, il faut être prêt sur le plan athlétique et surtout rompu à cet exercice. Il faut pouvoir supporter ces séquences de façon répétée et l’avoir déjà fait. Il y a donc une corrélation entre l’aspect physique et l’aspect décisionnel ou technique. La technique, parlons-en. Ce fut décisif sur ce match, à savoir la qualité supérieure des transmissions irlandaises par rapport aux nôtres.

Appelez-vous à persévérer sur la volonté d’être

plus ambitieux offensivement ?

Complètement. Cette équipe n’exploite pas son potentiel offensif à 100 %. J’en suis certain, alors qu’elle a tout pour le faire. Mais cela réclame une réflexion profonde et un engagement total dans un jeu qui génère sûrement du déchet au départ. Ce sera pour mieux se trouver et prendre les bonnes décisions à haute intensité. Ce n’est pas simple parce qu’il faut vivre ces expériences, connaître l’échec pour avoir la solution. Cela ne peut pas se faire sans provoquer les choses. On appelle ça la construction par l’action. Mais, je le répète, la France a tout pour y parvenir. Dans ce Tournoi des 6 Nations, je vois deux équipes au-dessus, l’Irlande et la France. Sans leur faire injure, quand j’ai regardé le match entre l’écosse et le pays de Galles, je n’ai pas constaté le même niveau.

On a souvent présenté la défense comme un point fort de ce XV de France, qui a encaissé sept essais en deux matchs. êtes-vous inquiet ?

Honnêtement, non. L’état d’esprit de cette équipe est remarquable. Elle est irréprochable, n’a rien lâché à Dublin. Cette défaite vient peut-être au meilleur des moments. Les Français ont passé énormément de temps à défendre. Et, quand tu subis beaucoup, tu prends des essais. J’ai toujours pensé, et c’est un large débat, qu’il faut marquer plus de points que l’adversaire. Mais je n’ai jamais dit que la défense était secondaire, au contraire. Elle doit être forte, comme la conquête mais tu ne peux pas passer ton temps à défendre. Ce n’est pas possible. Sinon, tu t’exposes et tu cèdes.

Pour finir, certaines absences, dont celle de Jonathan Danty au centre, sont-elles trop préjudiciables aujourd’hui ?

Je ne pense pas tant que ça. Je crois surtout qu’il y a des réglages à trouver, peut-être au niveau de la charnière et notamment du numéro 10. à mon sens, Romain Ntamack doit plus attaquer la ligne et créer de l’incertitude autour de lui, avec un positionnement plus proche de la défense. Il est tout à fait capable de le faire mais encore faut-il que cela soit travaillé à l’entraînement et que cela soit mis en place pour le convaincre d’évoluer vers des placements plus variés.

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