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Portrait - Alban Placines, nature humaine

Par Jérémy Fadat
  • Alban Placines lors d'un match face à Perpignan.
    Alban Placines lors d'un match face à Perpignan. MIDI OLYMPIQUE - PATRICK DEREWIANY
Publié le
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Alban Placines (Troisième ligne de Toulouse) - Depuis toujours, le flanker stadiste est instinctivement attentif aux autres et au monde qui l’entoure. C’est ce caractère profondément altruiste, et le fait d’avoir grandi au bord de l’océan à Biarritz, qui sont aussi à l’origine de ses convictions environnementales et éthiques.

Saison 2013-2014, celle qui a vu le grand Biarritz chuter en Pro D2. Qui a aussi offert à Alban Placines, à 20 ans, ses premières apparitions. "C’était incroyable, il y avait encore des joueurs que j’admirais à la télé plus jeune, sourit-il. Dimitri Yachvili, Imanol Harinordoquy, Damien Traille, Benoît August… Je me suis beaucoup entraîné et j’ai un peu joué avec eux, avant la relégation. C’était assez intimidant." À l’étage inférieur, il a ensuite fait ses gammes et changé peu à peu de dimension. Mais il n’a jamais oublié l’apport des cadors cités précédemment. "Quelque part, ils m’ont accompagné. Aujourd’hui, j’ai encore pas mal de nouvelles d’Imanol avec qui je discute régulièrement." De manière générale, c’est le genre d’échange qui lui tient à cœur.

"J’aime garder contact avec des anciens. Il y a toujours des bons conseils à prendre. Quand j’étais à l’école de rugby biarrote, je me rappelle que Michel Celaya était souvent au bord des terrains. Il était discret, parlait peu mais c’était toujours intéressant d’aller le chercher, lui parler. Certains de ses mots sont encore d’actualité sur des bases de rugby, de mouvement. J’aime cette transmission entre générations. C’est une richesse du rugby. D’ailleurs, je trouve magnifique ce que le Stade toulousain a réussi à faire sur ce plan, avec Didier (Lacroix, N.D.L.R.), Ugo (Mola), tous les entraîneurs. C’est mon idéal rugbystique, de créer une grande famille, d’entretenir des relations qui vont bien au-delà du rectangle vert." Dès ses premières prises de parole, pour réaliser ce portrait, Alban Placines évoque les autres. Toujours. Parce qu’il est constamment porté vers le monde qui l’entoure, ce qu’il associe instantanément au sport qu’il pratique : "Pour moi, le rugby, c’est ça. On ne peut pas jouer seul mais à quinze, vingt-trois, ou même quarante dans la semaine. Si chacun peut prendre un peu soin des autres et amener quelque chose de supplémentaire, ça va rendre l’individu encore plus performant. Ce sera au service du collectif. Tout part de cette démarche."

Une conviction ancrée. Une limite aussi ? Parce qu’un sportif professionnel doit également savoir penser à lui dans univers ultra concurrentiel. "Il y a quelques années, je vous aurais dit que ce n’était pas naturel chez moi. Avec l’âge, j’arrive plus facilement à le gérer, à me concentrer sur moi, sur mon rugby. J’ai mis du temps à me dire que penser à soi n’était pas forcément à être égoïste. Je me suis déculpabilisé là-dessus."

Capitaine à Biarritz… Puis à Toulouse

Voilà pourquoi Placines a toujours fait l’unanimité humainement dans un vestiaire et pourquoi il s’est retrouvé plusieurs fois capitaine. D’abord au BOPB, à 24 ans. "C’était lors de ma quatrième et dernière année de Pro D2. Cette expérience m’a beaucoup apporté, pour essayer de créer des choses autour de l’équipe. Malheureusement, il y avait des divergences sur la direction, c’était une époque trouble avec des discussions sur la fusion dont nous n’étions pas trop au courant. Il y avait de l’extrarugby à gérer et cela a été enrichissant pour la suite." Peut-être plus inattendu encore, il fut nommé capitaine de Toulouse lors de la douloureuse période de doublons la saison passée. Il l’est encore en ce moment. "J’ai voulu le prendre le plus simplement possible, ne pas modifier ma manière de faire. Mais j’étais hyper fier d’être un capitaine du Stade toulousain, c’était gratifiant qu’Ugo me confie ce rôle. J’aime participer, échanger avec les coachs ou les joueurs, mais sans en faire trop. J’ai notamment beaucoup évoqué ce rôle avec Maxime Lucu, qui a aussi été capitaine à Biarritz."

Mais son dévouement et son altruisme dépassent très largement le cadre des rapports humains. "La question environnementale me tient à cœur. Surtout que je viens de Biarritz. Quand on grandit au bord de l’océan, on peut voir directement la pollution. Dès qu’il y a des grandes marées, on constate tout le plastique qui débarque et il arrive régulièrement qu’on ne puisse pas se baigner. La pollution de l’eau, c’est terrible. Nous sommes confrontés à cela au quotidien, et ça me touche. On doit essayer de faire des choses, chacun à son niveau. La grosse différence pour la suite viendra notamment de tous les petits gestes de chacun. La situation écologique est complexe mais réclame un engagement de tous."

"L’eau, on en a tous besoin, c’est vital"

Lui s’est d’ailleurs investi dans la partie RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) de son club. Avec Clément Castets et Louis-Benoît Madaule, il fut par exemple à l’initiative des gourdes personnalisées pour les joueurs toulousains, évitant le gaspillage de nombreuses bouteilles plastiques. Il est aussi à l’origine d’opérations de ramassages de déchets sur les bords du Canal du Midi. "Il existe des associations qui s’occupent de ça et j’aide quand j’en ai la possibilité. Je me suis aussi rapproché de Surf Rider Fondation, qui est très actif sur le côté scientifique, qui essaye d’avoir des prélèvements de mer sur le taux de pollution. Je veux apporter ce que je peux. Forcément, j’ai un lien particulier avec la mer. Après le Bac, j’étais ainsi parti une année à Bordeaux en fac de médecine et elle me manquait. L’eau, on en a tous besoin, que ce soit la mer, le Canal du Midi, la Garonne, etc. C’est vital. J’ai ce lien naturel fort mais tout être doit l’avoir. On doit respecter l’eau et la préserver au maximum."

Une philosophie de vie axée sur la préservation de la nature. Et lui profite même de ses vacances pour l’allier avec sa passion : le sport. "Je fais un peu d’escalade, de course à pied, de trail. J’aime aller loin dans l’effort et c’est sympa de visiter en courant, ça permet de voir une plus grande surface en moins de temps, ça offre un regard différent. Je me souviens de footings incroyables en Islande il y a quatre ans. Je courais en montagne et c’était dingue. J’ai récemment fait Amsterdam à vélo aussi pendant quatre jours. C’est le cliché classique mais c’est top."

Des conseils de surf à Romain Ntamack ?

Aujourd’hui pleinement concentré sur sa carrière, ce jeune papa d’un petit Léon né il y a quelques mois – "Un nouveau métier. Quand on n’a jamais goûté à la paternité, on ne sait pas tout ce que ça apporte, mis à part le peu de sommeil (rires). Cela m’a permis de prendre encore plus de recul, de changer mes priorités" – sait que sa reconversion sera en partie dictée par ces profondes croyances. "J’ai des pistes mais pas encore d’activités concrètes pour la suite. Je ne me ferme aucune porte, je suis ostéopathe de formation, j’ai investi dans une usine agro-alimentaire au Pays basque sur laquelle on essaye de respecter l’environnement et la production locale. Je suis simple investisseur mais il y a ce côté éthique qui me parle, sinon je ne serais pas parti dans cette aventure. Dans notre société actuelle, le travail est important mais à condition qu’on se sente confortable en termes d’éthique. L’engagement social et environnemental continuera et peut guider mes choix de vie. Le plaisir aussi. Cela tournera forcément autour."

Au Pays basque ? "Je ne sais pas encore." C’est très cliché mais, avec sa longue crinière blonde, beaucoup l’imaginent pourtant se couler des jours heureux en famille, sur sa planche de surf… "J’ai eu pas mal de fichages comme ça en arrivant à Toulouse (rires). La vérité, c’est qu’Alban Placines, il "surfiote" quand il en a le temps. Mais je suis plus baignade que surf. Cela fait très longtemps et j’ai pris un peu de poids depuis la dernière fois que je suis monté sur une planche. Il m’en faudrait une épaisse pour flotter ! Mais je peux donner quelques conseils à Romain Ntamack pour surfer sur le Bouclier de Brennus, car j’ai vu quelques faiblesses sur la position."

Chez les Placines, le rugby est une histoire de famille. "Mon père jouait à Agen en réserve. Ma mère y jouait aussi. Mes parents ont créé une branche féminine au BO. Elle jouait, lui entraînait. J’étais toujours autour du stade à courir. Mais, quand j’étais petit, je leur disais que je ne voulais pas faire de rugby car c’était un sport de filles, ils aiment bien me le rappeler (rires). C’est cocasse mais je ne voyais que ma mère jouer. Il y a un vrai univers rugby chez nous, c’était compliqué de faire autre chose, même si j’ai aussi pratiqué le judo et l’athlétisme. Ma sœur a joué et mon frère joue encore en Belgique, en première division, à La Hulpe."

Il a naturellement été élevé au biberon du Biarritz olympique, où sa maman était ensuite dirigeante. Il y a gravi tous les échelons. "Le club était au plus haut niveau à ce moment-là. Forcément, les duels Biarritz-Toulouse à l’époque… C’étaient toujours des matchs durs, souvent en phase finale. Quand on est en école de rugby, affronter le Stade toulousain est toujours particulier. C’est l’équipe à battre, les joueurs à battre, les meilleurs de France à chaque poste. Déjà à cet âge. Mais il y a une différence entre ce qu’on peut percevoir de ce club de l’extérieur et ce qu’on y vit de l’intérieur. On s’imagine un truc absolument incroyable. Certes, c’est le cas mais tout est simple à Toulouse. Il y a une vraie simplicité dans le rugby, avec une culture qui perdure depuis tant de temps, dans les relations entre les joueurs, les entraîneurs et même le président."

Digest

Né le : 23 avril 1993 à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques)

Mensurations : 1,89 m ; 110 kg

Poste : Troisième ligne

Clubs successifs : Coarraze-Nay, Biarritz Olympique, Stade toulousain

Palmarès : Vainqueur du Championnat de France (2019 et 2021) ; vainqueur de la Champions Cup (2021)

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