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6 Nations 2023 - Bonus et peur bleue : comment le XV de France a forcé son destin

  • Antoine Dupont, ici sous la menace écossaise, dégage le camp tricolore.
    Antoine Dupont, ici sous la menace écossaise, dégage le camp tricolore. PA Images / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Vainqueurs de l’Ecosse avec le bonus offensif, les Tricolores ont pourtant souffert mille morts, dimanche après-midi. Doit-on s’inquiéter ?

Distrayant sans être inoubliable, ce France-Ecosse aura au moins eu le mérite de clore le débat déchirant notre petit monde depuis quelques mois. Dépossession ou repossession ? French flair ou pragmatisme Boer ? Grands coups de pompe ou relances, buste droit et tête haute, depuis son propre en-but ? Disons qu’à Saint-Denis et face à "la meilleure équipe d’Ecosse de tous les temps" (Fabien Galthié), ces Bleus ayant très majoritairement laissé le ballon, l’initiative et l’occupation au Chardon menaient pourtant 19-0 après vingt minutes de jeu, ont fini par remporter ce troisième round du Tournoi avec un bonus offensif et malgré la défaite en Irlande, sont encore en mesure de défendre leur titre.

En ce sens, que ceux qui imaginent encore le XV de France renouer un jour avec les farandoles du rugby de papa prennent donc leur mal en patience : jusqu’à ce que ce cycle de quatre ans ne connaisse son crépuscule à l’automne prochain, Antoine Dupont et ses coéquipiers se limiteront à se nourrir des cagades de l’adversaire et prier, bonne mère, pour que toutes les nations du monde comptent un Finn Russell dans leurs valises. Parce que le demi d’ouverture écossais a beau « être en feu » depuis quelques semaines, pour paraphraser Galthié, il a aussi offert au XV de France quelques présents délicieux dimanche après-midi, à commencer par cette passe sautée de vingt mètres qui ne s’imposait pas et qui termina dans les bras de Thomas Ramos, lequel finit sa course dans l’en-but adverse. Et qu’on le veuille ou non, Finn Russell ressemblera toujours à ce vieux pote de soirée, irrésistible aux prémices de la fête et tournant lourd, au fur et à mesure que ne tombent les cervoises…

Parce que sans ce cadeau-là, que serait-il advenu du XV de France à Saint-Denis ? Dans quel bourbier auraient terminé ces Bleus, si le bon Finn n’avait pas offert une passe décisive au bon Thomas et 19 points d’avance aux Tricolores ? On a beau prendre cette deuxième victoire dans le Tournoi par tous ses bouts, on peine aujourd’hui à effacer de notre disque dur les retards au soutien que l’on prête généralement à des hommes éreintés ou, tout aussi préoccupants, les errements entraperçus dans le jeu tricolore lorsqu’il fut question d’utiliser la gonfle et faire reculer l’Ecosse autrement que par des coups de pompe. Alors, il y eut bien ces charges de Cyril Baille, les deux gros tampons d’Anthony Jelonch sur ce grand cheval de Duhan van der Merwe et les rares éclairs de Gaël Fickou. Mais il y eut surtout, à Saint-Denis, ces mauls pénétrants écossais impossibles à ralentir, ces mêlées pour le moins bancales, ces ballons gauchement promenés devant la ligne, ces attaquants français trop souvent enfermés dans la nasse et ne pouvant même plus compter sur les coups de reins de Yoram Moefana, étrangement timide depuis le début de la compétition. "Il y a deux ans, disait néanmoins Fabien Galthié en fin de rencontre, on a perdu ici sur la dernière action du match. Aujourd'hui, on est allés chercher le bonus offensif ; on a pris 5 points et eux 0. Après l’Irlande, le thème, c'était tomber et se relever : c’est la seule bonne façon de continuer, quoi qu'on en pense."

Plonge, Ethan… Plonge…

Galthié a-t-il raison ? Est-on finalement trop dur avec cette équipe de France, deuxième ex aequo d’un Tournoi qu’elle a débuté par deux déplacements, dont un face à la meilleure équipe du monde ? Allez savoir. Toujours est-il que passé ce troisième match, ce sont d’autres images qui persistent à nourrir ce sentiment d’insécurité qui n’existait pas l’an passé, lorsque l’on causait de la bande à Galette. Au vrai, on se demande encore pourquoi Ethan Dumorthier n’a pas marqué cet essai à la 63 ème quand il lui suffisait de plonger comme l’aurait fait Gabin Villière, dont le fantôme rôde encore sur l’aile gauche de la sélection.

On se demande aussi pourquoi Mohamed Haouas n’a su, une nouvelle fois, s’affranchir au chaos propre à un match international : car s’il n’y eut pas débat, lorsque Grant Gilchrist, dûment crucifié par un carton rouge, projeta son épaule au visage d’Anthony Jelonch, il n’y eut pas non plus scandale, lorsque l’arbitre géorgien Nika Amashukeli dégaina une biscotte de couleur identique à l’attention dudit Momo, coupable sur le demi de mêlée Ben White d’un déblayage aussi déraisonnable que meurtrier.

Mais franchement, que s’est-il donc passé dans la tronche du pilar montpelliérain, dont la poire adressée au capitaine écossais Jamie Ritchie à Murrayfield avait, trois ans plus tôt, eu pour lui les mêmes conséquences ? On n’en sait foutre rien. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que Mohamed Haouas, qui jouait une partie de sa carrière internationale sur ce seul match, a probablement perdu tout espoir de disputer le prochain Mondial en France. Parce qu’à moins qu’une épidémie de peste noire ait soudainement fauché tous les piliers potentiellement sélectionnables que compte le territoire, on voit mal Fabien Galthié -qui a triqué Brice Dulin pour une seule relance hasardeuse en 2021- s’entêter avec un joueur ayant reçu deux cartons rouges en quinze sélections…

À Twickenham, l’heure de vérité

On n’en est pas là, nous direz-vous. Et il est pour ce XV de France d’autres batailles à mener, avant de trouver des doublures à Uini Atonio. De fait, cette équipe de France qui chasse les records et a fait tomber en trois ans les écueils rencontrés par ses aînées les uns après les autres, ne s’est encore jamais imposée à Twickenham, temple inviolé par une sélection tricolore depuis près de vingt ans. Si la bascule doit s’opérer dans ce Tournoi jusqu’ici moins convaincant qu’on ne le rêvait avant son coup d’envoi, elle devra avoir lieu contre le grand Satan britannique, où le chantier qui attend Steve Borthwick est passablement similaire à celui qu’avait connu Fabien Galthié à son arrivée en poste, il y a trois ans.

En Angleterre, le temps sera alors venu de savoir si cette équipe de France a encore pour elle le système défensif qui avait écœuré ses adversaires successifs, l’année passée. Le temps sera venu de savoir, face à un pack de près d’une tonne, si les récentes difficultés des Français dans le combat collectif ne sont finalement qu’une vue de l’esprit. Le temps sera venu, surtout, de savoir si le chant des sirènes nous ayant tous projeté vers un premier titre mondial était oui ou non prémédité…

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