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6 Nations 2023 - Yannick Bru : "Les choix en fin de match montrent la fierté et l’ambition du XV de France"

Par Simon Valzer
  • L’épine dorsale des Bleus, ici l’ouvreur français Romain Ntamack, a respecté le cadre fixé par Fabien Galthié avec succès.
    L’épine dorsale des Bleus, ici l’ouvreur français Romain Ntamack, a respecté le cadre fixé par Fabien Galthié avec succès. Midi Olympique - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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Depuis l’Afrique du Sud où il collabore avec les Sharks, le technicien Yannick Bru a accepté de décrypter ce France-Écosse.

Quel sentiment vous laisse cette victoire de la France ?
Déjà, on a vu un vrai bon match international : beaucoup d’intensité, des rapports de force qui s’inversent et une équipe de France qui triomphe d’un combat que l’on a cru remporter facilement, un temps, alors qu’il a fallu attendre les cinq dernières minutes pour tuer la bête écossaise…

Les Bleus ont cherché d’emblée à défier les Écossais frontalement…
C’est vrai. Sur le premier quart du match, on a retrouvé une équipe de France conquérante, avec un jeu très direct et du défi. Le premier essai vient comme ça, avec des séquences à une passe où les Tricolores sont dominants physiquement. Le deuxième essai vient d’un jeu au pied d’occupation très bien maîtrisé qui provoque un turn-over et amène un essai ; le troisième essai est une interception qui s’appuie sur une bonne assise défensive. Les trois premiers essais ont montré ce qui a fait la force du XV de France sur les dernières années. Je nous ai aussi sentis dominants dans l’agressivité et dans les contacts. À mon sens, Anthony Jelonch a très bien incarné ceci en sulfatant les Écossais, et non les moindres, avec des plaquages appuyés.

En tant que manager, que diriez-vous à Mohamed Haouas ?
C’est une question difficile. Le rugby d’aujourd’hui, au plus haut niveau est fait de règles et de lignes infranchissables. Il n’y a pas de volonté de faire mal de sa part mais aujourd’hui, se projeter vers l’avant avec la tête, tout comme Gilchrist qui projette son épaule en hauteur au niveau de la tête de Jelonch, ce sont des fautes techniques graves.

Le deuxième essai français ne serait-il pas la parfaite illustration du jeu de dépossession, en rendant le ballon sous pression à l’adversaire pour profiter d’une faute ?
Les Écossais ont eu beaucoup de possessions aujourd’hui, mais ils ont eu souvent recours à ces "front foot kick", ces jeux au pied dans la profondeur accompagnés de "chasses" pour presser le réceptionneur. C’est une arme offensive importante que les Français maîtrisent très bien depuis plusieurs saisons. Ce deuxième essai est dans l’identité de jeu du XV de France depuis deux ou trois saisons.

Qu’avez-vous pensé des réorganisations contraintes des deux équipes, qui ont dû faire sortir des joueurs importants comme Watson et Alldritt ?
La sortie d’Alldritt, conjuguée au rouge de Haouas et à la blessure de Jelonch n’est pas étrangère à la sensation de domination athlétique des avants écossais sur l’ensemble de la rencontre. J’ai été surpris par la puissance de leurs mauls. On les savait toujours performants dans les airs mais ils ont aussi été menaçants sur leurs mauls. Ils nous ont mis en difficulté mais ils ont manqué d’efficacité près des lignes en première mi-temps. En revanche, je les ai trouvés très performants sur leurs coups d’envoi : avec un temps de suspension du ballon long et un maximum de pression sur le receveur français au point de chute. Derrière, on a aussi eu deux mauvaises sorties de camp, dont une d’Antoine Dupont, ce qui est très rare.

Vous parliez des mauls écossais : faut-il s’inquiéter de cette défaillance en vue du prochain choc contre l’Angleterre ?
Pour faire des mauls, il faut des sauteurs mais aussi des kilos. On a perdu Uini Atonio suspendu, puis Mohamed Haouas à cause de son carton rouge, puis Greg Alldritt et Anthony Jelonch. Ces mecs sont des gros combattants et des mecs qui pèsent dans cette phase de jeu. Pour l’Angleterre, on récupérera Alldritt. Je pense que c’est plus conjoncturel que structurel, même si l’écosse a surpris et confirmé qu’il fallait compter avec elle devant, tant dans les mauls qu’en mêlée fermée.

Ne fallait-il pas tenter de les contrer en l’air pour se prémunir de leurs mauls ?
C’est très difficile de contrer l’écosse dans les airs ! Ils ont des mecs très aériens qui mesurent plus de deux mètres et qui montent vite. On a essayé de les contrer mais on a été battus par leur vitesse, ce qui est souvent le cas contre cette nation.

69 % des libérations écossaises ont été rapides, avec des ballons recyclés dans les rucks en moins de trois secondes. C’est édifiant…
J’ai bien observé les soutiens offensifs écossais et ils m’ont impressionné. Ils étaient d’une réactivité… Ils sont souvent entrés dans les collisions en même temps que le porteur de balle et ils ont éliminé les menaces françaises quasiment avant la création du ruck. Très souvent, j’ai vu nos principales armes comme Julien Marchand, François Cros ou Charles Ollivon éliminées au moment même où le porteur de balle touchait le sol.

Comment avez-vous jugé la mêlée française ?
Les mêlées se sont neutralisées. Les réorganisations n’ont pas été neutres, avec l’absence d’Atonio, Haouas relancé et Falatea qui s’inscrit davantage dans un rôle de finisseur, un gars très mobile qui apporte de l’impact dans le jeu ouvert. Le scénario du match a donc été particulier. L’Écosse a pris un petit avantage dans le bras de fer entre la 55e et la 65e où l’on s’est un peu inquiétés. Là, on a senti un moment de flottement mais le pack français s’est bien repris en fin de match avec cette belle poussée sur une mêlée à cinq mètres de la ligne. Mais il est vrai qu’on n’a pas eu la domination habituelle au Stade de France.

Avez-vous compris les choix des Bleus d’aller en touche en fin de match plutôt que de prendre les trois points ?
Ils n’ont pas perdu de vue le fait de remporter le Tournoi. Ils savaient que la victoire bonifiée, ainsi qu’une défaite sèche de l’écosse allait peser dans le décompte final. À la rigueur, j’ai moins compris leur choix de prendre les points à la 57e minute, alors qu’ils ont un vrai temps fort qui leur redonne une vraie dynamique après un beau lancement après mêlée. À mon sens, c’était le moment de reprendre l’ascendant psychologique. Mais je comprends leurs choix en fin de match. Cela démontre encore une fois la fierté, le caractère et l’ambition de cette équipe.

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