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200 ans d'histoire (9/52) : 1895, perturbé par l’argent le rugby anglais perd le nord

  • Arthur Gould, brillant joueur gallois fut au coeur d'une polémique énorme sur la question du professionnalisme. Et ce, dès le 19eme siècle.
    Arthur Gould, brillant joueur gallois fut au coeur d'une polémique énorme sur la question du professionnalisme. Et ce, dès le 19eme siècle.
Publié le Mis à jour
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Plus tôt qu’on ne le croit, le rugby anglais a été confronté à la question de l’argent. À un point tel que des dizaines de club ont fait sécession… et qu’un nouveau sport fut créé. Quelle crise !

À tous les nostalgiques du rugby d’antan, ne lisez pas ce qui suit. Très tôt, le rugby fut confronté au démon de l’argent. Ce fut la rançon presque immédiate de sa popularité, alors même que son cousin, le football avait opté résolument pour le professionnalisme. Dès les années 1880 on signale des recrutements suspects de joueurs dans les clubs anglais, surtout dans les comtés du nord, le Yorkshire, le Ceshire et le Lancashire qui veulent même créer leur propre championnat. Des joueurs retrouvent après les matchs, des enveloppes pleines de billets glissées dans leurs poches. La jeune RFU est vite informée, mais elle attend des preuves. Au bout de quelques mois, le comté de Cumberland affirme qu’un de ses joueurs a été approché par le club de Preston, et l’enquête aboutit, Preston est suspendu, ce qui provoqua la colère des clubs nordistes.

À la RFU, l’ambiance est à la guerre civile, sur un fond socio culturel très affirmé. Les clubs du nord sont liés à la révolution industrielle, et les joueurs qu’ils veulent recruter sont plutôt issus de milieux modestes. Les clubs du sud sont plutôt traditionalistes, liés aux prestigieux lycées et aux grandes universités. Se dessine une opposition entre une Angleterre ouvrière et urbaine et une Angleterre rurale ou patricienne. Entre 1891 et 1893, la rupture se creuse un peu plus à chaque assemblée générale, la RFU sanctionne David et Evan James, deux frères gallois recrutés par les Broughton Rangers. Le comté du Yorkshire remet la question d’un championnat sur la table et ose même proposer une mesure iconoclaste : l’indemnisation des joueurs qui manquent des heures de travail pour aller jouer en club. Motion refusée avec comme exécuteur en chef, le révérend Franck Marshall, pourtant issu lui aussi du Yorkshire, mais amoureux de l’amateurisme.

Perdu dans Londres, des délégués ne peuvent voter

La situation ne pouvait explose le 20 septembre 1893 à Londres à l’Hôtel Westminster Palace. Les Nordistes avaient préparé leur coup, ils avaient suscité la création de dizaines de nouveaux clubs, affrété deux trains spéciaux. Mais le jour du vote, patatras ! Des délégués nordistes se perdent dans Londres et ne trouvent pas l’hôtel pour voter. De leur côté, les "Sudistes" et les Londoniens se sont organisés pour capter les pouvoirs des présidents qui n’ont pas pu se déplacer : idée décisive de H.E. Steed, président de Lennox.

L’AG refuse le principe des indemnités par 282 voix contre 136, et dans la foulée, verrouille les statuts de la RFU. Pour revenir sur cette "loi", il faudra désormais les deux-tiers des suffrages, plus fort encore, seuls des clubs composés exclusivement d’amateurs peuvent désormais adhérer à la RFU. Le triomphe est total pour les conservateurs qui constatent que les procurations de Steed ont fait pencher la balance, sans elles et sans l’égarement des délégués nordistes, les partisans du rugby salarié l’auraient emporté. Les répercussions de ce vote furent énormes. Elles aboutissent à un schisme irrémédiable.

Dès 1895, 22 clubs nordistes fondent la Northern Football Union (dont Leeds, Hull, Saint-Helens), ils payent six shillings par match à leurs joueurs, la rupture avec la RFU est consommée. En 1897, ils suppriment la touche. En 1898, ils assument clairement la nation de professionnalisme. En 1903, pour rendre le jeu plus rapide, ils réduisent le nombre des joueurs par équipe à treize au lieu de quinze. En 1922, la NFU devient la Rugby Football League. Les deux branches du football rugby vivent désormais leur vie chacune de leur côté : vu de France on appellera ça le quinze et le treize, en Anglais on dira Rugby Union et Rugby League. 128 ans plus tard, les deux univers continuent de naviguer en parallèle avec quelques passerelles, même si ce qui les avait séparés en 1895 a totalement disparu.

En 1995, cent ans après la grande rupture, le quinze a accepté la loi de l’argent. Les clubs conservateurs de naguère versent des salaires parfois mirobolants à ceux qui portent leurs couleurs. Ce qui différencie les deux mondes, ce sont les règles imaginées par les nordistes de la "Belle Epoque", mais aussi les fiefs forgés par plus d’un siècle d’histoire. On joue plutôt à quinze à Londres, à Bath ou à Leicester, plutôt à treize à Leeds, Widness, Saint-Helens ou Bradford. On préfère le treize en Australie ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée et le quinze en Nouvelle-Zélande ou en France.

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