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Mola au sujet du XV de France : « L’essentiel à préserver, c’est la fraîcheur mentale »

Par Nicolas Zanardi
  • Ugo Mola a dû faire face à de sérieuses blessures dans les rangs toulousains.
    Ugo Mola a dû faire face à de sérieuses blessures dans les rangs toulousains. Midi Olympique - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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C’est au cœur d’une semaine infernale, troublée par six graves blessures (Jelonch, Capuozzo, Tolofua, T. Ntamack, Épée, Youyoutte) qu’il a accepté de se livrer sur le crucial sujet de la gestion des hommes en vue de la prochaine Coupe du monde.

Votre équipe a enregistré de nombreuses blessures cette semaine, dont celle d’Anthony Jelonch, dont la particularité est d’être la première susceptible de faire manquer la prochaine Coupe du monde à un joueur. S’agit-il d’un paramètre de plus à gérer, désormais ?

Ce serait faux de dire qu’on n’y réfléchit pas. Au contraire, on cherche à anticiper ce genre de situation. Par exemple, nous avons mis en place autour de nos blessés de longue durée un fonctionnement particulier, en faisant en sorte qu’ils enchaînent les allers-retours en centre de rééducation pour alterner leur temps passé au club, afin de rendre leur convalescence moins lourde et routinière. D’abord, c’est une façon de les régénérer mentalement, mais aussi de protéger ceux qui sont en pleine possession de leurs moyens. C’est humain : lorsqu’on est en forme et qu’on fréquente des joueurs blessés, le niveau d’empathie peut augmenter. Sauf que, en conséquence, c’est le niveau d’éveil qui peut baisser…

Pour parler crûment, est-il possible d’envisager que des joueurs se « garent » volontairement, de crainte de manquer le Mondial ?

Dans le quotidien de tout sportif, le risque de la blessure fait partie intégrante du métier. C’est un facteur qu’il faut évidemment prendre en compte. Plus la Coupe du monde approche et plus tout le monde calcule les temps de jeu des uns et des autres… Ce ne sont pas seulement les joueurs mais la nation toute entière qui a la pression, le staff du XV de France, l’organisateur de la compétition, les supporters, les clubs… Tout le monde a tellement envie que France 2023 soit un succès que tout le monde est en permanence sur la brèche. Mais la vérité est que j’ai du mal à prendre part à ce débat : j’ai l’impression qu’on peut dire tout et son contraire.

Comment cela ?

À sur-protéger les joueurs, non seulement le spectacle et l’intérêt des compétitions peut en pâtir, mais je suis surtout persuadé que cela peut aussi être contre-productif pour eux. Je suis de ceux qui pensent que le haut niveau appelle le haut niveau. Quand tu t’en éloignes, tu peux le payer. L’exemple le plus édifiant et le plus récent, c’est celui des Saracens. Eddie Jones a lui-même reconnu que son récent échec à la tête de l’équipe d’Angleterre était étroitement lié à la descente des Saracens en deuxième division anglaise. Pourtant, au départ, tout le monde pensait que cela allait être bénéfique au XV de la Rose. Sauf que leur descente a impacté le niveau de jeu et d’exigence des joueurs des Saracens. L’épine dorsale a soudain moins performé avec l’équipe nationale, même s’ils étaient physiquement reposés comme jamais.

Le déclin de la sélection anglaise coïncide avec la relégation des Saracens de Billy Vunipola en deuxième division.
Le déclin de la sélection anglaise coïncide avec la relégation des Saracens de Billy Vunipola en deuxième division. Icon Sport - PA Images

L’équipe de France aurait tout à gagner d’un bon parcours du Stade toulousain sur les fronts nationaux et européens, à vous en écouter…

Je suis très à l’aise sur le sujet de la gestion de nos joueurs. Quand j’entends le préparateur physique du XV de France évoquer le temps de jeu des internationaux, la seule chose que je crains, c’est l’effet Pygmalion : à force de n’entendre parler que de temps de jeu, certains vont commencer à cogiter… Sauf qu’au-delà du facteur athlétique, l’essentiel à préserver à mes yeux demeure la fraîcheur mentale. Dans cette optique, le temps de jeu n’est qu’un paramètre parmi d’autres.

Développez…

En Top 14, même si la moyenne est à la hausse, le temps de jeu effectif d’un match se situe entre 28 et 30 minutes. Alors, forcément, lorsqu’il s’agit de jouer une rencontre à 46 minutes comme en Irlande, il en manque un peu… Mais le haut niveau appelle le haut niveau : si les ressources physiques des joueurs ont pu être impactées à court terme, comment mesure-t-on les bénéfices d’un tel match sur le temps long en termes de confiance, d’expérience ?

Antoine Dupont a rappelé la semaine dernière qu’il n’avait jamais reçu autant de vacances que cette saison. Preuve qu’il est aussi possible que les cadres des Bleus soient préservés par leur club pour les matchs « ordinaires »…

(il coupe) Que mes joueurs ne soient sollicités que sur des matchs de très haut niveau, je veux bien. Mais je vous mets au défi de les choisir pour moi. Si je pouvais m’assurer que des joueurs comme Antoine Dupont, Julien Marchand, Cyril Baille, Romain Ntamack ou Thomas Ramos ne jouent plus que deux ou trois matchs de Top 14 et qu’on les prépare pour disputer les phases finales et - je l’espère - celles de Champions Cup, je ne souhaiterais que ça. Mais la réalité du terrain n’est pas aussi simple. Comme je l’ai toujours dit, jamais je ne sacrifierai les résultats du Stade toulousain au profit de ceux de l’équipe nationale. Il n’y a qu’une chose au-dessus de tout…

Laquelle ?

Les joueurs et leur santé. Je pense à ce titre qu’au club, nous avons su créer depuis quelques années une relation saine avec beaucoup d’échanges, de confiance réciproque. En fonction de tout ça, on arrive à gérer au mieux les uns et les autres, en fonction de leur âge, de leurs petits bobos, et bien évidemment de leurs objectifs personnels.

On en revient à notre point de départ : au vu du précédent Jelonch, certains peuvent-ils être tentés de se « garer » ?

D’abord, en ce qui concerne « Antho », il ne doit pas abandonner ses espoirs de disputer la Coupe du monde. La marge est très fine mais potentiellement, il peut encore revenir et nous l’aiderons de notre mieux en ce sens. Ensuite, que l’on redoute des blessures, ce sera le cas jusqu’au dernier entraînement avant le premier match. Lors de la Coupe du monde 1999, par exemple, six joueurs avaient quitté l’aventure avant le début de la compétition, d’autres pendant. En 2011, les All Blacks ont été champions du monde avec quatre ouvreurs différents. Je veux bien qu’il y ait des spécialistes des scénarios au sein du XV de France mais la réalité, c’est qu’on ne peut pas tout prévoir et qu’au-delà des différents scénarios possibles, l’essentiel est surtout de savoir s’adapter à toutes les situations.

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