L'édito du lundi 6 mars 2023 : sacré Twickenham

Par Léo Faure
  • L'impressionnante enceinte de Twickenham a accueilli la dernière rencontre de l'Angleterre dans le Tournoi des 6 Nations, face à l'Italie.
    L'impressionnante enceinte de Twickenham a accueilli la dernière rencontre de l'Angleterre dans le Tournoi des 6 Nations, face à l'Italie. Icon Sport - SUSA
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En matière de rugby comme de tout ce qui se prête à l’effort d’analyse, il y a ce qui se comprend. Ce qui se déconstruit, se décortique, se dissèque pour, in fine, en tirer le Graal de la pensée : la logique explicative. La clé. La solution. Chacun trouve la sienne, souvent divergente, et peu importe : une explication fait jour et éclaire chez chacun le problème posé.

Et puis, il y a ce qu’on ne comprend pas vraiment. Ce qui ne présente pas de logique apparente, bien qu’on le retourne dans tous les sens. Pourquoi les Bleus de Galthié, si dominants depuis trois ans, n’ont pas (encore) su s’imposer sur le terrain du XV de la Rose, si décevant ?

On retourne le problème, effectivement. On y trouve bien la circonstance atténuante de 2020 et cette équipe de France très largement remaniée par la force d’un règlement domestique qui n’impactait pas la sélection anglaise, alors fournie de ses meilleurs joueurs.

On irait tout aussi bien sur le terrain du sélectionneur Galthié et de quelques observateurs cocardiers qui, en 2021, pointaient du doigt l’arbitrage pour justifier l’échec. La vérité : les Bleus, ce jour-là, à Twickenham, n’avaient clairement pas fait ce qu’il fallait pour s’assurer la victoire.

Alors, la réponse est physique ? On en doute, tant le XV de France n’a, depuis la dernière Coupe du monde, plus rien à envier à personne en matière de profils pachydermiques. Une infériorité stratégique ? Personne ne rivalise à ce sujet avec l’Irlande, ce qui n’a pas empêché les Français de prendre la terre de Dublin, en 2021. Du talent ? Sincèrement, qui croirait que Dupont et sa bande auraient des facilités à envier au sympathique Van Poortvliet, au pataud Dombrandt et aux coups de sang d’Ellis Genge ?

Les faits sont pourtant là : Galthié et ses hommes n’ont jamais fait leur la maison mère du rugby. Pas plus que les quatre sélectionneurs précédents (Brunel, Novès, Saint-André, Lièvremont) et, pour trouver trace d’une victoire française à Londres en compétition officielle, il faut remonter à 2005. Le chef-d’œuvre de Yachvili, qui nous livre ici ses lumières sur le crunch à venir (page 4). Et une éternité, depuis.

Pour comprendre cette disette qu’on ne saurait expliquer, il faut sûrement se tourner vers le sacré, l’imperceptible. Fuyant donc toute logique. S’ouvrir à ce lieu et ce qu’il recèle d’aura, de magie, de pouvoir.

Pénétrer Twickenham, c’est accueillir en soi deux cents ans d’histoire. Celle de tout un sport regroupée en un lieu, justement dénommé ici "le Temple". Twickenham, c’est une éternité qui vous entreprend. Des lions d’or qui vous accueillent en statue. Des coursives serrées de briques rouges, forçant la proximité des plus téméraires, l’étouffement des plus inquiets.

Un Angleterre - France à Twickenham, c’est cet air rempli de courtoise détestation sportive : on vous accueille autour d’un pique-nique sur les vertes pelouses alentour ; on vous propose une blonde au demi-litre et, dans un sourire de tendre défiance, on vous jure qu’on vous battra mais dans le plus grand des respects.

Rien de cette arrogance que l’on brandit en cliché des Anglais. Tout est fait dans l’élégance. On n’est pas bien, là, à la fraîche ? Et comme bercés par la magie, on se prend à croire que la défaite sera douce. Jusqu’au réveil, quand seule reste la défaite. Amère, pas si douce. Fin de la magie et gueule de bois. Cela fait dix-huit ans que cela dure. Il est temps que cela cesse.

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