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Matt Giteau : « Bernard Laporte m’a regardé en souriant et m’a apporté une bouteille de vodka »

Par Clément Labonne
  • Matt Giteau a pris sa retraite sportive il y a à peine un mois.
    Matt Giteau a pris sa retraite sportive il y a à peine un mois. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Retraité depuis à peine un mois, Matt Giteau (40 ans ; 103 sélections avec l'Australie) s'est longuement confié sur ses meilleurs souvenirs et ses plus grands regrets lors de sa carrière dorée. Le Rugby club toulonnais et Bernard Laporte tiennent d'ailleurs une place importante dans le coeur de l'ancien Wallaby.

Que ressentez-vous maintenant que vous êtes retraité ?

Effectivement je ne suis plus un joueur de rugby officiellement (rires). Je suis actuellement au Japon pour un court séjour de sept jours, mais je cherche de nouveaux travaux dans lesquels je compte m’épanouir. Parce que jusqu’à présent, je n’ai joué qu’au rugby toute ma vie. C’est une transition difficile mais je compte bien y arriver !

Quelles ont été les raisons qui vous ont amené à arrêter votre carrière ?

(il coupe) Mes enfants. Mes deux garçons ont neuf et onze ans donc je ne peux pas me permettre de les faire voyager six mois par an, en les faisant changer d’école. Ils ont besoin de stabilité, d’être avec leurs amis, d’avoir une vie normale en fait ! Étant donné que je suis passé aux États-Unis et au Japon, mes enfants ont dû se faire de nouveaux amis perpétuellement, aller et revenir dans des écoles… Et je ne crois pas que c’était juste pour eux, je ne veux pas être égoïste. Mais je vais bien, je suis en bonne forme, je suis toujours un compétiteur… Même quand je joue aux cartes je dois gagner (rires) ! Cela ne changera jamais !

Concrètement, quelle va être votre reconversion ou votre nouvelle passion ?

C’est une grande question, vraiment. Depuis que j’ai quitté l’école, je n’ai connu que le rugby. Depuis que j’ai arrêté, j’ai essayé beaucoup de choses, mais si un domaine m’excite en particulier je pense que j’irai à fond. Je suis en ce moment au Japon pour une semaine afin de donner quelques interviews sur le mode de vie ici, et je vis à Canberra, en Australie. Mais comme je l’ai dit, c’est vraiment difficile. Le rugby est ma passion ultime. C’était mon travail de rêve. Maintenant c’est fini, cela m’a pris de longues années, j’ai été très chanceux mais j’ai besoin de trouver autre chose. Ma famille me donne beaucoup d’amour et de volonté, et j’ai la chance d’avoir deux enfants, ma femme, mon père, ma mère, des frères et des soeurs… Et puis il faut ramener de l’argent (rires) ! J’ai besoin de trouver quelque chose !

Aujourd’hui, quelle est votre plus grande fierté et votre plus grand regret ?

Le but ultime d’un joueur de rugby est de gagner la Coupe du monde. Donc il y a une partie de moi qui n’est pas « complète » à cause de cette défaite en finale face à la Nouvelle-Zélande en 2015. Je le ressens encore. Mais j’ai eu l’opportunité de disputer trois Mondiaux, avec deux finales. J’ai joué dans tellement de pays. Partout où je suis allé, j'ai construit des relations incroyables. Maintenant que je suis retraité, je sais que je peux compter sur certains de mes anciens coéquipiers et qui m’ont d'ailleurs envoyé des messages. J’ai pu gagner le respect de tous mes coéquipiers et mes entraîneurs dans tous les pays où je suis allé, c’est ma plus grande fierté. Je n’oublie pas les supporters, j’espère leur avoir montré que je n’étais pas juste là pour l’argent mais que je voulais apporter quelque chose à leur club.

Maintenant que vous êtes retraité, quels sont les plus grands souvenirs qui émergent dans votre esprit ?

D’abord, ce sont les sélections avec l’équipe d’Australie. Chaque fois que j’ai joué pour mon pays c'était spécial. Mais le souvenir qui me marque le plus est que je croyais qu’en allant à Toulon, ma carrière internationale était terminée. Que j’étais « fini » pour ce niveau. Je dois tellement au RCT et au rugby français parce que j’ai retrouvé mon amour pour le jeu là-bas. J’ai gagné tellement de titres à Toulon, deux de mes trois enfants sont nés là-bas… Jouer à Toulon m’a également permis d’atteindre les 100 sélections avec l’Australie parce que je faisais partie d’une équipe merveilleuse. Je pensais que j’étais fini et j’ai été à nouveau sélectionné avec les Wallabies, donc ce club aura toujours une place spéciale dans mon cœur et je crois que c’était une étape très significative dans ma carrière. C’est dur de dire que cette expérience à Toulon était la meilleure de toutes parce que toutes les opportunités que j’ai eues ont été excitantes, mais les supporters, la ville et tout l’environnement autour du club ont été plus qu’incroyables.

Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre Toulon ?

Comme je l’ai dit, je ne pensais plus avoir le niveau international. J’ai signé un contrat de dix-huit mois au RCT après la Coupe du monde 2011 et je pensais que j'allais vivre une expérience en France avec l’idée de prendre ma retraite ensuite. Je n’étais plus sélectionné avec les Wallabies et à cette époque et Philippe Saint-André m’a contacté pour venir à Toulon à travers Matt Henjak. Nous venons tous les deux de la même région, à Canberra, donc inévitablement, j’aurais eu un ami ici. Ensuite, Toulon est à côté de la mer donc c’était attrayant (rires), et à la fin je suis resté cinq ans et demi ! Imaginez-vous, je pensais jouer dix-huit mois en prenant ma retraite ensuite et au final j’ai joué cinq ans de plus, puis trois ans au Japon et ensuite deux années à Los Angeles, aux États-Unis. Ma carrière n’a fait que grandir à partir de ce moment-là. J’ai rejoint le RCT aussi parce que le fait de ne plus jouer avec les Wallabies m’a aidé. Saint-André m’a contacté, mais quand je suis arrivé, Bernard Laporte était aux commandes.

Comment Bernard Laporte était-il avec vous ?

Très dur, vraiment. Il attendait de moi que je joue à un très haut niveau et j’ai senti qu’en arrivant à Toulon, je devais prouver ma valeur et que je pouvais apporter quelque chose à cette équipe en gagnant des titres. Donc finalement, tout s’est mis en place parfaitement.

Et avec le président Mourad Boudjellal ?

Pas de relation (rires) ! Mourad, c’est Mourad. C’est un fou, il a payé des joueurs de classe mondiale, mais il était guidé par Bernard. J’ai eu très très peu de discussions avec lui autres que « bonjour, ça va ? » tous les matins. Je n’ai jamais discuté rugby avec lui, mais quand mes contrats arrivaient à leur terme, il venait me voir pour me dire que je ne jouais pas un si bon rugby que cela et qu’il fallait peut-être me donner moins d’argent. Mais je savais que je jouais bien, et je voulais aussi plus d’argent ! Donc au fil du temps, c’est devenu une blague entre nous (rires) !

Quelle est votre meilleure anecdote lors de votre passage à Toulon ?

Après une défaite face au Racing 92, en 2012, j’avais manqué un plaquage sur Benjamin Fall et je me rappelle encore de ce moment où je regarde mes coéquipiers en me disant : « je vais être viré ! ». Dans les vestiaires, Bernard Laporte me pointe du doigt en disant : « si nous jouons avec Matt Giteau, on ne gagnera jamais. Tu ne plaques pas, tu ne joues pas bien. Je pensais qu’on avait signé le Matt Giteau des Wallabies, mais en fait nous avons eu un bébé Matt Giteau ». J’étais assis là, silencieux, et après cette rencontre, nous sommes allés en boîte de nuit et Bernard m’a regardé en souriant et m’a apporté une bouteille de vodka en me disant : « fais-toi plaisir ! ». Je crois qu’il est fou ! En « mode rugby », il était intense et honnête et j’ai vraiment adoré cela. Je savais ce que j’avais à faire pour obtenir son respect, mais dès que le match était fini, Bernard était juste. Il ne vous jugeait pas, mais à chaque fois que je revenais sur le terrain je me disais : « je dois bien plaquer pour ne pas me faire engueuler par Bernard, je dois jouer un grand rugby, j'ai besoin d’être cette personne qu’il respecte ». Et même si je suis parti de Toulon, Bernard et moi avons une grande relation, j’ai beaucoup de respect pour lui.

N’avez-vous jamais eu l'envie de jouer pour un autre club en France ?

(il coupe) Non, Toulon à 100%. Tout simplement parce que j’ai construit ma famille là-bas. Ma femme et moi connaissions la boulangerie, le marché, on avait des amis hors-rugby à Toulon… En fait, la seule raison pour laquelle j’aurais pu discuter avec d’autres clubs était que Mourad m’aurait donné un meilleur contrat (rires). Parce que si vous disiez à Mourad que vous aviez envie de rester, il allait vous donner moins d’argent ! Plus sérieusement, j’ai passé des moments incroyables là-bas. Je suis Australien mais je suis aussi Toulonnais !

En parlant de l’Australie, les Wallabies ont connu de mauvais résultats en 2022, quel est votre sentiment à propos de cette équipe aujourd’hui entraînée par Eddie Jones ?

Voilà. Nous avons Eddie Jones. Si quelqu’un peut changer quelque chose dans la culture du rugby australien, c’est lui. J’étais au stade de France quand l’Australie était proche de gagner face aux Bleus en novembre dernier. Le match était très serré et la France était l’équipe parfaite pour se tester. Et avec de nombreux blessés, les Australiens ont poussé le XV de France dans ses retranchements, mais ils ont laissé un seul répit à cette équipe en ne pliant pas la fin de la partie. Je crois qu’ils ont gagné beaucoup d’expérience par rapport à ce match, et je pense qu’Eddie Jones va leur apprendre comment « finir » un test-match. Nous étions proches de gagner face à l’Irlande, très proches de battre la France, la Nouvelle-Zélande également, mais nous avons perdu contre l’Italie. L’Australie alterne les hauts et les bas en ce moment, mais c’est normal pour cette jeune équipe. Nous devons juste trouver cette constance pour se créer de belles opportunités.

Selon vous, les Wallabies sont-ils un prétendant au prochain Mondial ?

Oui je crois qu’ils peuvent le faire, je l’ai toujours pensé. Nous avons de grands joueurs, et je crois surtout qu’Eddie Jones n’aurait pas pris ce poste en pensant que ce serait irréalisable. Lui y croit, et s’il emmène les joueurs avec lui qui sait… C’est l’homme parfait pour l’Australie. De part mon expérience avec lui, je sais une chose : il arrive, et tous les joueurs sont en situation inconfortable. Quand ils font un mauvais match, ils s’attendent à être renvoyés, ce qui n’était probablement pas la même chose avant. Ce qui veut dire que chaque entraînement est une compétition, à chaque session vous devez être meilleur parce que si vous ne l’êtes pas, Eddie voit tout et vous renvoie dans votre club. Avec son approche, vous devez vous entraîner dur, progresser et cela crée une culture différente de ce que l’on a pu connaître. Eddie attend un certain niveau de ses joueurs, ce sera dur pour eux, mais je crois que c’est l’homme idéal pour les Wallabies.

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