Abonnés

200 ans de légendes (10/52) - 1941 : un simple trait de plume assassine le XIII

Par Jérôme Prevot
  • Retour sur un épisode les plus édifiants de l’Histoire du sport français.
    Retour sur un épisode les plus édifiants de l’Histoire du sport français. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
Partager :

Comment le régime de Vichy a rayé le rugby à XIII du paysage du sport français. Retour sur un épisode les plus édifiants de l’Histoire du sport français.

Le 19 décembre 1941, une décision politique provoqua une énorme explosion dans le rugby français. Un simple trait de plume, un décret pour une désintégration. Le texte stipulait : « L’association dite Ligue française de rugby à XIII, dont le siège social est à Paris, 24, rue Drouot, est dissoute, l’agrément lui ayant été refusé. » Au bas de ce document figure la signature du Maréchal Pétain et,curieusement, celle de l’Historien Jérôme Carcopino, spécialiste de la Rome Antique, secrétaire d’État à l’Éducation Nationale et à la Jeunesse. À la manœuvre ; Joseph Pascot, colonel de l’armée de terre et ancien demi d’ouverture international entre 1921 et 1927, chef de cabinet de Jean Borotra (l’ancienne star du tennis) devenu Commissaire à l’Éducation Générale et aux Sports. Le XV est en pleine sinistrose depuis l’exclusion de la France du Tournoi en 1931 et le XIII, apparu en 1934 vit une embellie.

Il compte 225 clubs en 1939 et prône un professionnalisme sans complexe. Mais à la veille du conflit, les Quinzistes réussissent à se rabibocher avec les Britanniques sous la pression, il est vrai, du foreign office. L’heure est à l’entente pour contrer Hitler, les dates du Tournoi 1940 sont même prévues. Mais la déclaration de guerre fait tout tomber à l’eau. La défaite française actée, le rugby français réussit à se fondre dans l’ambiance « maréchaliste ». Il remplace une danse du ventre pro britannique en génuflexion pétainiste. Un homme joue un rôle essentiel, Paul Voivenel, médecin psychiatre, romancier, journaliste, chroniqueur radiophonique. Il préside le comité des Pyrénées après avoir fait partie des fondateurs du Stade Toulousain.

Encore des galères à la Libération

C’est à lui que Jean Borotra avait command é un rapport et Voivenel fait un parallèle entre la montée du XIII et l’esprit de déliquescence des années 30 qui selon lui, aurait amené à la défaite : « Pureté de la naissance ; pollution de la dissidence treiziste sur le corps de notre rugby affaibli. » Il réclame donc l’union des deux sports… à condition qu’on joue à XV et sans professionnalisme. Le décret de 1941 entérine une fusion qui tourne à la captation. Toutes les richesses du XIII sont absorbées par la FFR : trésorerie, mais aussi stades et matériel. Voilà comment une discipline se voit réduite à néant pendant quatre ans, mais la punition est encore plus dure encore qu’on ne le croit. Après tout à la Libération, les Treizistes auraient pu espérer récupérer leur argent et leurs biens. Sauf que le XIII a toutes les peines du monde à retrouver une fédération en bonne et due forme. « Il a fallu attendre un décret de… 1949 qui a consacré l’appellation de Jeu à XIII et non pas de rugby à XIII. Le tour était joué, comme ce n’était pas le même nom, on ne pouvait pas demander de retrouver des richesses d’avant-guerre. » nous expliqua un jour Robert Fassollette, historien du XIII.

Dans le maelström de la Libération, la FFR profite de la victoire des alliés pour retrouver le Tournoi, condition sine qua non pour remonter la pente. « Il faut savoir que les clubs treizistes sont repartis totalement à zéro fin 1944. En 1947, ils ont signé un protocole qui leur interdisait de créer des clubs en terre quinziste. Ils devaient se cantonner à leurs bastions traditionnels, Carcassonne, Albi, Roanne, Perpignan... Et ne pas compter plus de deux cents professionnels. Paul Barrière, le président de l’époque, m’a confié qu’il avait été obligé d’en passer par là.»

Paul Barrière avait été un authentique résistant mais à la libération, iL se heurte à un mur pour redonner au XIII sa vraie place. Il bataille pour entrer au Conseil National des Sports, en 1946. C’est là qu’il découvre ce fameux terme : « Jeu à XIII ». En plus, à la Libération beaucoup passent entre les gouttes. Le Colonel Pascot avait fini Secrétaire d’État de Pierre Laval. Un pedigree lourd à assumer ? Pas tant que ça. S’il est d’abord condamné à cinq ans d’indignité nationale, il fait annuler la condamnation en produisant des certificats de résistance. Paul Voivenel échappe aussi aux sanctions en se trouvant des alliés dans le camp des vainqueurs. Les résistants de la vingt-cinquième heure avaient tous leur truc. Dans cet immédiat après-guerre, les treizistes, impuissants, comprennent qu’ils ne pourraient compter que sur eux-mêmes.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?