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6 Nations 2023 - Angleterre - France : C’était « Kiffenham », un samedi de kiff à Twickenham !

Par Marc DUZAN
  • Grégory Alldritt lors du match face aux Anglais.
    Grégory Alldritt lors du match face aux Anglais.
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On parlera longtemps, très longtemps même, de la dernière victoire du XV de France à Twickenham (10-53). On vous retrace, ici, le récit d’une journée inoubliable, l’étrange histoire d’un "kiff" impensable…

On ne sait pas vraiment ce qu’ont trouvé les enquêteurs de l’Inspection Générale des Finances dans les placards de Marcoussis, lundi dernier. On sait en revanche ce qu’ils y trouveront demain : la charrette qui collait au cul de Freddie Steward lorsqu’il voulut coincer samedi soir Thomas Ramos, la crème de jour de Maro Itoje et, plus globalement, la dépouille encore fumante de l’Angleterre. Parce qu’on a ri comme des bossus, à Londres, en voyant Clive Woodward, Jonny Wilkinson et Lawrence Dallaglio, nos tortionnaires de 2003, tenter d’expliquer la tronche déconfite et via moult contorsions pourquoi le XV de France venait de saccager Twickenham. On s’est marré en repensant à ce soir d’automne où, sous la drache de Sydney, ces mêmes hommes avaient souillé nos rêves, nous rappelant brutalement qu’au rugby, il fallait aussi savoir jouer sous la pluie. Ni trop humble ni trop modeste par nature, on a même voulu embrasser ce bon "Yach", lorsque le consultant de Francetélévisions hurla aux 7 millions de pékins rassemblés devant le Crunch : "Fermez les portes de Twickenham pour les empêcher de sortir ! Il faut qu’ils profitent du spectacle jusqu’au bout !" Quel pied c’était, sainte mère. Et comme il nous fut impossible de contenir ces élans de gauloiserie emmurés dans dix-huit ans de malheurs en ce lieu portant en lui l’aube du monde, ce temple revendiquant quasiment la paternité du rugby ! "Quand on vient à Twickenham, disait Fabien Galthié en fin de match, on ne rêve pas. C’est un lieu unique, un stade qui récompense la bravoure et les équipes qui se livrent collectivement. Samedi, on a été braves, engagés, déterminés." Mais pas que, nom d’une Rose.

Passé l’un des plus grands kifs de l’ovale contemporain, on revoit non sans émotion les pas de danse d’Antoine Dupont face à ce rideau anglais fort empoté, les multiples passes acrobatiques de Thibaud Flament, dieu Shiva du pack français, ou encore l’essai en première main aplati par Damian Penaud en fin de match, tableau de maître imaginé par Laurent Labit, si l’on en croit la façon dont ses collègues du staff couvrirent d’amour le chef de l’attaque tricolore lorsque Ben O’Keefe valida le septième essai français. Sept essais, sacrebleu ! Cinquante-trois points comme autant de beignes et un Temple du rugby se vidant, au fil de la rossée, de ses 81 850 administrés à qui l’une de nos indélicates connaissances proposa alors un nouvel hymne : "God Save The Team"*…

Fabien Galthié : "On sent une montée en puissance"

Mais alors, dans quel état de détresse le rugby de la couronne fut-il abandonné, samedi soir ? Était-il seulement comparable à ce que la morsure des Springboks au Parc des Princes (10-52, en 1997) ou l’humiliation vécue dix ans plus tard face aux All Blacks dans le tombeau de Gerland (3-47) avait alors provoqué chez nous ? Au bout du bout, on comprit finalement ce que voulut nous dire Eddie Jones sur WhatsApp, à la mi-temps de ce Crunch, lorsqu’il nous écrivit ceci : "Je ne peux pas regarder… C’est trop dur…" Peut-on se réjouir du mal-être anglais ? Doit-on réellement considérer le récent écroulement du XV de la Rose comme une bonne nouvelle ou pire, la juste riposte du karma ? D’évidence, non. Et d’aussi loin qu’on se souvienne, l’Angleterre est avec la France la locomotive économique d’un sport historiquement menacé par la consanguinité et comptant à l’heure actuelle, sur son podium, deux micropays de quatre millions d’habitants (l’Irlande et la Nouvelle-Zélande). "Il ne faut pas avoir la mémoire courte, confiait d’ailleurs le capitaine tricolore Antoine Dupont samedi soir. Quand nous sommes venus ici il y a quatre ans, nous avions pris trente points en trente minutes et à la mi-temps, on ne voulait même pas ressortir du vestiaire." Rappelons-nous en, donc, avant de solennellement demander aux darons du vieux Tournoi à ce que la Géorgie n’y remplace bientôt la Rose…

À l’heure de tourner le dos à Twickenham et au moment où se dessine le dernier round de la compétition, c’est donc un irrépressible regain de foi qui nous pousse à ranger sous le tapis les quelques doutes nés d’un début de Tournoi 2023 assez ordinaire, lequel avait suivi une tournée d’automne un brin miraculeuse, eu égard aux difficultés rencontrées face à l’Australie puis l’Afrique du Sud. Alors que les trois premiers matchs de l’hiver avaient laissé croire que ces Bleus étaient rincés par l’accumulation des matchs et un championnat long comme le pont du Clémenceau, ceux-ci dominent pourtant aujourd’hui leur sujet dans les duels, frappent l’adversaire balle en mains et le brutalisent en défense. Pour tout dire, Antoine Dupont et ses coéquipiers semblent même à ce point pétulants que samedi, sur un terrain lourd et sous cette flotte londonienne rappelant que le climat de l’Angleterre fut l’explication la plus légitime à l’aventure coloniale de l’empire britannique, ils jouèrent 74 % de leurs rucks en moins de trois secondes. "Au fil des matchs, enchaînait Fabien Galthié après la rencontre, on est mieux. On sent une montée en puissance dans la dimension physique mais aussi dans le jeu au sol, par exemple."

Jusqu’ici, le plan du sélectionneur -qui avait déjà passé cinquante points aux Anglais en juin dernier à la tête des Barbarians Britanniques (21-52)- se déroule globalement sans accroc : à une semaine de la fin du Tournoi, les Chelemards tricolores sont toujours en course pour gagner la compétition et entreront samedi, au Stade de France contre le pays de Galles, fouettés par l’ardente volonté de remporter une édition plus acharnée que la précédente, et une compétition probablement plus resserrée que jamais. Ils compteront, cette fois encore, sur leur casseur de briques Jonathan Danty, dont le retour a rappelé à quel point, par sa seule faculté à bonifier des ballons de merde et renverser la pression, il était devenu indispensable au XV de France.

Ils s’appuieront, une nouvelle fois, sur Thibaud Flament, qui se dispute avec les Irlandais Caelan Doris et Hugo Keenan le titre de meilleur joueur du Tournoi. Ils salueront enfin le retour en grâce de Uini Atonio, qui pourrait densifier un peu plus le "Gargantuan pack" ** que décrivaient nos confrères britanniques avant la branlée que l’on sait. Mais quoi qu’il se passe ce week-end, face aux Gallois, rien ne pourra biffer de nos mémoires l’immense élan de fierté et la bouffée d’amour-propre qu’a provoqué sous nos latitudes ce dernier Crunch inoubliable. Il disait quoi déjà, Thierry Roland ? "Après ça, on peut mourir tranquille… Enfin, le plus tard possible…"

* Que Dieu sauve l’équipe…

** Le pack gargantuesque

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Les commentaires (1)
Frenchie Il y a 1 année Le 12/03/2023 à 21:14

Un moment d'une tres grande intensite. C'etait merveilleux. Merci Les Bleus!