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Top 14 - Exclusif : Teddy Thomas (La Rochelle) sur ses 10 ans de carrière : "Il me tarde de redevenir un mec banal"

Par Vincent BISSONNET
  • "Ce qui me tarde, c’est de redevenir un mec banal"
    "Ce qui me tarde, c’est de redevenir un mec banal"
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Mars 2013 : le Top 14 voit débouler un ailier de 19 ans et demi, espoir du Biarritz olympique, aux cheveux longs et aux jambes de feu. Le dénommé Teddy Thomas est immédiatement prédit à un grand avenir. Dix ans et 95 essais plus tard, l’ailier, désormais joueur de La Rochelle, est devenu une figure incontournable du championnat, par-delà les blessures et les débats autour de sa personne. En janvier, l’international aux 28 capes avait ouvert la boîte à souvenirs et s’était confié sur cette décennie au plus haut niveau. Sous tous ses angles.

Vous avez effectué vos débuts professionnels il y a 10 ans, en mars 2013. Qu’est-ce que vous inspire cette sorte d’anniversaire ?

Dix ans, ça fait beaucoup. Le temps passe très vite et l’on ne s’en rend pas forcément compte. Je suis content, après dix ans, d’être encore en Top 14 car ce n’est pas facile. Quand les vieux disaient à l’époque : "Attention, il faut profiter car ça défile", je n’y croyais pas. Je vois qu’ils avaient raison.

Le Teddy Thomas d’il y a 10 ans ressemble-t-il à celui d’aujourd’hui ?

En partie seulement. Il y a l’insouciance qui m’a quitté un peu avec l’âge, il y a des responsabilités, aussi, qui sont arrivées en dehors. Je suis plus lucide sur les règles du monde professionnel, sur la concurrence qui est de plus en plus présente. À l’époque, je jouais avec mes copains, sans pouvoir imaginer tout ce que ça pouvait engendrer ni avoir conscience de tous les regards qui étaient sur moi. En tout cas, je garde la même joie de vivre et le plaisir de jouer au rugby comme lorsque j’étais enfant. Mais j’espère que le Teddy Thomas d’il y a 10 ans a évolué positivement.

Que vous a apporté le rugby ?

Un cadre dans la vie privée et professionnelle, des amitiés, des expériences. Une belle vie, j’ai envie de dire. Tout le monde rêverait de se lever le matin et d’aller faire sa passion en guise de travail. Ça passe par des moments cools, parfois il y a des moments un peu chiants, mais comme dans n’importe quel métier. Nous sommes des privilégiés. On vit bien, on fait rêver des gens, on a une influence sur les jeunes. Toutes ces choses-là sont rares.

La lassitude vous touche-t-elle ?

Il y a des hauts et des bas et parfois je me dis : "Je ne vais pas continuer longtemps comme ça." En tant qu’être humain, on est saoulé parfois. Mais la lassitude finit toujours par passer. Une fois que tu rentres chez toi, tu te dis que tu ne peux pas te plaindre. Disons qu’à 90 %, on peut s’estimer heureux. Je fais ce que j’aime.

Et physiquement ?

Je suis fatigué, franchement. Je sens la différence avec mon corps de 18 ans : au début de l’entraînement, je pouvais taper des drops de 50 mètres puis claquer des sprints en suivant. Là, ce n’est plus possible. Je n’ai pas été épargné par les blessures et ça marque sur la durée. J’ai la chance d’avoir des qualités qui me permettent de courir vite mais ça me demande beaucoup d’entretien, de repos et d’exigence. Sur le long terme, c’est usant.

Les sensations sont-elles les mêmes le samedi ?

Quand je suis sur le terrain, tout va bien. C’est plutôt le dimanche et le lundi que ça grince. Le club est heureusement à l’écoute de notre ressenti et nous sommes vraiment bien gérés.

Les sacrifices sont-ils devenus inévitables pour rester performant ?

À 18 ans, je pouvais sortir le vendredi et jouer le samedi sans problème. Là, si je fais un dîner le jeudi, je le sentirai le samedi. Sur la nutrition, le sommeil, j’ai apporté plus d’exigence à mon quotidien. Mais ce sont des choses qui ne se voient pas.

Mentalement, comment avez-vous traversé ces 10 ans, faits de haut et de bas ?

Ça a été dur. D’un côté, ça m’a forgé un caractère. Mais ce qui est sûr, c’est que si l’on m’avait dit, quand j’étais jeune, tout ce qui allait avec une carrière de sportif "pro", je ne suis pas sûr que j’aurais accepté. Je n’aurais jamais pensé attirer autant de critiques et de méchanceté. Je joue pour m’amuser, pour rigoler, pas pour être jugé. Ce qui me tarde vraiment, maintenant, c’est de finir ma carrière et de ne plus être, entre guillemets, dans cette lumière que l’on met sur moi. Car ce n’est pas moi qui la mets. Voilà, je veux juste redevenir un mec banal, qu’on me laisse tranquille et que je puisse faire ce que je veux.

Trouvez-vous qu’on vous a fait des procès injustes au niveau, notamment, de votre comportement ?

Je le pense, mais c’est mon point de vue.

Considérez-vous que l’image donnée de vous auprès du grand public est fausse ?

Clairement. La façon dont on m’a décrit ne correspond pas à la réalité. Si vous demandez à n’importe qui me connaissant réellement, amis et famille, "reconnaissez-vous le Teddy Thomas que vous lisez la presse ?", ils vous répondront "pas du tout". Voilà… Je pense aussi que beaucoup de gens avaient d’énormes attentes envers moi. J’ai dû décevoir pas mal de personnes qui en sont devenues énervées et qui ont dit des choses pas très gentilles. C’est comme ça. Et je sais que ça va continuer. C’est ma vie, c’est ma carrière.

Rugbystiquement, êtes-vous devenu le joueur que vous vouliez être ?

Franchement, oui. Je voulais être un joueur qui crée des différences, qui fait quelque chose de nouveau, qui donne envie aux gens de le regarder jouer. J’ai toujours été attiré par des gars un peu extravagants, différents. Joe Rokocoko a bercé mon enfance avec tous ses essais, ses crochets. Il m’a inspiré.

Teddy Thomas s'appuie sur des qualités de vitesse pour donner le tournis aux défenses adverses
Teddy Thomas s'appuie sur des qualités de vitesse pour donner le tournis aux défenses adverses Icon Sport - Icon Sport

Et concernant les basiques du poste, choses qui ont pu vous être reprochées…

Je n’ai pas de lacunes défensives. Si tu viens sur moi, je vais te plaquer. C’est juste que mon implication est tellement différente entre l’attaque et la défense… Disons qu’il y a un "gap" entre mon jeu avec et sans ballon. Je sais que je peux marquer un essai de 80 mètres tout seul, vu que je mets la barre haute en attaque. Il faudrait qu’elle le soit aussi en défense. Mais ça me fait moins kiffer, voilà. Ce que j’aime, c’est avoir le ballon entre les mains. Après, on voudrait que je sois beaucoup plus décisif en défense et c’est normal. Il y a des efforts à faire et j’essaye d’être plus impliqué. Franchement, avec les exigences que Ronan me met sur ce secteur, j’y trouve de plus en plus mon compte et je prends même du plaisir.

Si vous aviez un regret…

Je n’ai aucun regret. De toute manière, je n’aime pas ressasser le passé. Tout ce que j’ai fait, je l’ai choisi, on ne m’a jamais forcé à rien. Quand je suis parti de Biarritz, c’était voulu. Que le club descende en Pro D2 ou pas, c’était ma volonté. Le départ du Racing, aussi, est arrivé au bon moment : j’avais envie et besoin d’autre chose pour me relancer.

Quel est votre plus grand objectif pour la suite ?

Je veux continuer à rendre fier ma famille. Et apporter le meilleur de moi-même à mon club en étant décisif.

Gagner un véritable titre, aussi, évidemment…

Oui mais c’est tellement logique. Tout le monde joue pour ça. Il n’y a que les titres qui restent. Ce n’est pas le nombre d’essais que j’aurais marqué, ça c’est personnel. C’est important, bien sûr, et j’ai envie de laisser une trace à ce niveau-là aussi mais ce n’est pas ce qui compte le plus. Je ne sais même pas à combien j’en suis, d’ailleurs. Les trophées, quand tu te lèves le matin, il n’y a que ça que tu peux regarder et te dire : "Ça, je l’ai gagné, on ne me l’enlèvera pas."

On ne peut pas ne pas vous poser de questions sur l’équipe de France, dont vous n’avez plus porté le maillot depuis le 17 juillet 2021 en Australie pour votre 28e sélection. La sélection est-elle et restera-t-elle toujours un objectif à vos yeux ?

Quand tu as été au meilleur des niveaux, tu ne peux qu’avoir envie d’y retourner. L’équipe de France restera un objectif jusqu’à la fin de ma carrière. Je n’ai pas le niveau actuellement pour y prétendre. Si je fais de bons matchs et s’ils ont besoin de renfort à un moment donné, je serai toujours présent. Mais chaque chose en son temps : déjà, il faut que je joue bien à La Rochelle.

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