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Portrait - Le soldat Semesa Rokoduguni doit sauver Montauban

Par Yanis GUILLOU
  • L’ailier montalbanais et ancien international anglais Semesa Rokoduguni doit guider les siens vers le maintien. Photos Stéphanie Biscaye
    L’ailier montalbanais et ancien international anglais Semesa Rokoduguni doit guider les siens vers le maintien. Photos Stéphanie Biscaye Midi Olympique - Stéphanie Biscaye
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Arrivé l’été dernier dans le Tarn-et-Garonne, l’ancien international Anglais compte sur son passé de militaire pour permettre à Montauban de réussir sa mission finale : sauver le club.

À peine l’interview commencée qu’il était impossible de ne pas lui poser la fameuse question qui hante tous les Anglais. « Semesa, avez-vous vu Angleterre - France ? » Hilare, le très souriant Rokoduguni, ailier aux quatre sélections (pour autant d’essais) sous le maillot frappé de la rose concédait : « Je savais que vous alliez me le demander ! Oui j’ai vu ce match. C’est la première fois que je voyais l’Angleterre jouer comme ça. Le rugby en Angleterre est dans la difficulté en ce moment… » Bathonien de toujours, l’intéressé fait partie de ces nouveaux exilés, qui quittent progressivement la perfide Albion pour rallier la France. Et alors que l’on pourrait penser qu’un club de Top 14 pouvait accueillir un joueur de son standing, c’est finalement Montauban qui a fait le gros coup en signant le Fidjien d’origine.

Il faut dire que les dirigeants Montalbanais avaient mis le paquet : « J’ai été approché par David Gérard à l’époque. Ensuite, le président Maillard lui-même est venu me voir en Angleterre pour me parler. C’est quand même quelque chose quand le président vient vous voir. » Convaincu par ce geste fort, le phénomène l’a aussi été par plusieurs autres arguments. Le premier d’entre eux, c’est la proximité que Rokoduguni pouvait retrouver avec son frère Peni, joueur de Colomiers, ainsi qu’avec son cousin, qui n’est autre que l’ailier montalbanais Josua Vici. "Ma mère et son père sont frère et sœur, détaillait celui que l’on surnomme "Roko". On se voit souvent. Lors de la dernière semaine de coupure par exemple, nous sommes restés ensemble."

Guidé par la foi

Une fois arrivé, l’ancien militaire a alors découvert le Pro D2, et s’est d’abord heurté à ses préjugés. « Quand je suis venu ici, je pensais que ça allait être facile, car c’est un niveau en dessous par rapport au Top 14. Mais en fait, c’était vraiment dur, parce que le jeu dans ce championnat est très physique. J’étais choqué de voir le niveau de jeu ici. C’est comme jouer un autre Premiership. » Mais très vite, le gaillard a su s’imposer sur l’aile du côté de Sapiac. Remarquable sur le terrain, discret en dehors, il fait partie des rares joueurs qui ont donné satisfaction côté montalbanais cette saison, tout comme Bastien Guillemin sur l’autre aile. Grâce à son physique robuste (1,84 m pour 102 kg), Rokoduguni sait peser sur les défenses et profite du système de jeu montalbanais, dans lequel les ailiers sont très souvent impliqués dans le jeu courant.

Malgré ses 35 printemps et son style de jeu parfois frontal, Rokoduguni n’a manqué que deux petits matchs en Pro D2 cette saison. Une vraie prouesse lorsqu’on connaît l’âpreté de ce championnat. « Il n’y a pas de secret, juste bien s’entraîner et bien récupérer, lançait-il simplement avant de dévoiler une nouvelle facette de sa personnalité. La première chose que je fais sur le terrain est de prier pour mon rugby. Je prie pour moi et l’équipe. » Très croyant, l’Anglais se voit même en serviteur de Dieu sur le terrain, chose qui lui donne sa force selon lui : « Spirituellement, Dieu m’aide beaucoup. Quand je suis sur le terrain, je me vois comme quelqu’un qui représente Dieu. Et quand on me demande : « Comment tu as fait cela ? Comment tu as marqué cet essai ? Comment as-tu plaqué ce gars ? » Je dis que ce n’est pas moi, mais que c’est le Dieu que je sers qui m’a donné la force de faire cela. Quand je suis stable spirituellement dans mon for intérieur, je suis en confiance dans mon jeu. »

L’Afghanistan a forgé l’homme qu’il est

Soldat de Dieu sur le terrain, Rokoduguni a aussi servi dans l’armée anglaise plus tôt dans sa vie. Un épisode qui reste gravé dans sa mémoire et qui l’aide dans sa profession de rugbyman. « Ça vous aide à avoir un bon physique déjà. Quand vous êtes soldats, vous travaillez beaucoup et poussez votre corps à la limite sept jours sur sept. Avoir cette expérience dans ma vie me permet de faire les exercices de rugby facilement. Vous savez, j’ai couru des kilomètres avec du poids sur mes épaules en Afghanistan… » Au Moyen-Orient, où la guerre continue d’exister, Semesa Rokoduguni a aussi appris une leçon de vie. Il est désormais facile pour lui de prendre du recul sur ses actions quotidiennes et d’avoir la tête sur les épaules.

« L’Afghanistan est la chose la plus dure que j’ai faite. Vous êtes là-bas et quelqu’un peut vous tirer dessus à tout moment… Vous entendez aussi les nouvelles « Quelqu’un vient de se faire tirer dessus », des choses comme ça… Donc après ça, vous appréciez la vie. Ici, vous pouvez faire une erreur, vous reviendrez la semaine prochaine. Là-bas, vous faites une erreur, il n’y a pas de retour. » C’est aussi cet esprit de soldat que l’ailier tente d’inculquer à ses coéquipiers, alors que Montauban vit une saison plus que compliquée. En danger pour sa survie, l’USM enchaîne les mauvaises prestations et ce, malgré l’apport de Rokoduguni. « Nous ne sommes pas là où nous devrions être. Nous visions le top 6, même le top 4… Mais l’esprit de l’armée, c’est que ce n’est jamais fini. C’est quelque chose que j’aimerais inculquer ici aux gars. Soyez assez disciplinés et travaillez pour les autres, pas juste pour vous-même. » C’est ainsi qu’à lui tout seul, ou presque, « Roko » avait relancé le match à Vannes il y a quelques semaines.

C’est aussi de cette manière qu’il souhaite désormais relever la barque montalbanaise, qui est en train de couler. Toujours positif et souriant, Semesa Rokoduguni jurait : "Je refuse de croire que nous pouvons descendre. Nous devons travailler dur… Je dois travailler dur pour éviter que cela n’arrive." Au pied du gouffre, les Montalbanais ont cruellement besoin de guerriers sur le terrain. Rokoduguni, c’est sûr défendra coûte que coûte le blason vert et noir.

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