Champions Cup - À Exeter, Montpellier est mort les armes à la main

Il n’y a que les phases finales pour nous offrir ce genre de match. Il n’y a que le sport pour mobiliser, sur un temps court, autant de sentiments contradictoires. Par quels ascenseurs émotionnels sommes-nous tous passés, dimanche après-midi ? Et finalement, à quel point ce huitième de finale fut-il intense, acharné et sauvage ? Car si les faits clament aujourd’hui de façon abrupte qu’ Exeter, champion d’Europe en 2020, a bel et bien remporté cette rencontre pour s’offrir le droit de disputer un quart de finale à domicile face aux Stormers, le roman de ce huitième est en réalité bien plus touffu, grouillant et complexe que ne veut bien le dire ce résultat sec. 100 minutes de jeu, soixante-six points inscrits, neuf essais, des rebondissements incessants et un épilogue irrespirable, que l’on retranscrirait ainsi : alors que le MHR, en infériorité numérique depuis près de cinquante minutes, menait au score après un essai magnifique de Louis Carbonel, les Chiefs, dotés d’un incroyable instinct de survie, remontaient le ballon, enchaînaient les temps de jeu, marquaient en force par leur talonneur Jack Yeandle puis arrachaient ce match nul les qualifiant d’autorité -et à la faveur d’un plus grand nombre d’essais marqués- pour les quarts de finale de la compétition. Quelle dinguerie, bonne dame… Et quel déchirement pour ces Montpelliérains déterminés, courageux et souvent spectaculaires, au Sandy Park d’Exeter…

Parce qu’eut-on vraiment l’impression que dimanche, les Héraultais avaient évolué la plus grande partie de ce match en infériorité numérique ? Et finalement, les Chiefs surclassèrent-ils les champions de France en titre après l’expulsion de Zach Mercer ? Pas une fois. Jamais. Et il faut donc aujourd’hui reconnaître à l’équipe emmenée par Philippe Saint-André, pourtant privée en Angleterre de cadres tels Alexandre Bécognée et Yacouba Camara, un talent réel lorsqu’il est question de jouer au rugby : choisissant d’écarter au maximum le rideau défensif anglais avant de faire charger plein fer leurs perce-murailles (Jan Serfontein, Ben Lam, Curtis Langdon…), les coéquipiers d’Anthony Bouthier ont marqué quatre beaux essais dans le Devon et prouvé, face aux vice-champions d’Angleterre de 2021, qu’il faudrait probablement compter avec eux pour le sprint final du Top 14.

Ce tournant du match qui passe mal…

Sur quoi s’est donc joué ce match, finalement ? Sur l’acharnement manifesté par Andrew Brace et assistante à la vidéo Joy Neville à l’encontre du MHR ? On n’ira pas jusque-là, bien évidemment. Et les Chiefs, moins forts qu’ils ne l’étaient jusqu’alors, furent naturellement de valeureux adversaires, en huitièmes de finale. Pour autant, il faudra au directeur de jeu irlandais être bon dans l’argumentaire, s’il souhaite un jour nous convaincre que Zach Mercer, second plaqueur sur l’action qui nous fait tant causer, commit bel et bien un plaquage dangereux sur Jannes Kirsten, le flanker d’en face. Trompé par le miroir déformant de la vidéo, craignant probablement aussi qu’un jour maudit, il ne soit rattrapé par une quelconque décision de justice, l’arbitre du match a sans le vouloir fait basculer cette rencontre. On ne le condamnera pas au bûcher pour si peu, certes. Mais ça fait deuil, nom d’une chèvre…

Au moment de poser le point final à l’aventure européenne de Montpellier, on dira donc qu’Exeter n’a pas volé sa qualification mais qu’en l’état, les Chiefs n’ont pas la moindre chance de tordre le cou aux Stormers la semaine prochaine, en ces mêmes lieux. Quant aux Héraultais, ils ont aujourd’hui le devoir de basculer au plus vite vers un Top 14 où ils sont encore loin d’avoir validé leur place dans les six mais sont bel et bien toujours en droit de défendre leur titre. Chiche ?