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Comment World Rugby espère réguler le bal des cartons rouges

Par Nicolas Zanardi.
  • Zach Mercer, santionné d’un carton rouge par Andrew Brace a finalement été blanchi par une commission de discipline  indépendante.
    Zach Mercer, santionné d’un carton rouge par Andrew Brace a finalement été blanchi par une commission de discipline indépendante. PA Images / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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C’est un sujet qui divise, à moins de six mois du Mondial en France : ces cartons rouges ou jaunes qui placent World Rugby le séant entre deux chaises, à l’heure où il doit à la fois ménager l’essence du jeu et le sujet brûlant de la sécurité des joueurs. C’est pourquoi, d’ici la Coupe du monde, l’instance réfléchit à la création d’un « bunker » susceptible de se donner le temps de prendre la bonne décision. Une révolution, rien que ça...

À quoi se jouera la prochaine Coupe du monde, présentée comme la plus disputée et la plus incertaine de l’histoire ? Si l’on redoute plus que tout que ce soit sur un carton ou une décision lourde de conséquences, difficile de ne pas imaginer pareille hypothèse, à la lumière des actualités récentes... Le problème ? World Rugby se trouve actuellement en plein dilemme cornélien, prisonnier de sa politique légitime de la sécurité des joueurs (rappelons qu’au mois de juillet 2022, un groupe de 180 joueurs britanniques souffrant de dommages neurologiques ont porté plainte contre World Rugby et leurs Fédérations) et du respect de l’essence du jeu. Laquelle, par excès de précautions, se trouve parfois bafouée, à l’image des cartons rouges récemment reçus par l’arrière du XV de la Rose Freddie Steward contre l’Irlande lors du dernier Tournoi, ou celui du Montpelliérain Zach Mercer la semaine dernière à Exeter. Deux actions qui ont pour point commun d’avoir été annulées par les Commissions de discipline indépendantes De bonnes nouvelles, certes, mais qui ne compensent pas le préjudice subi de la défaite, d’autant plus cruel et irrémédiable dans le cadre d’une Coupe du monde.

La grosse sortie de Rob Baxter

Voilà pourquoi, partant de tous ces constats, de nombreux acteurs du jeu se sont levés pour prôner une utilisation différente de l’arbitrage vidéo. Le directeur du rugby d’Exeter Rob Baxter fut ainsi le dernier à dégainer, admettant sportivement après le carton rouge de Zach Mercer (dont son équipe a pourtant amplement profité voilà huit jours) « ne pas aimer l’ensemble du processus du TMO (arbitrage vidéo, N.D.L.R.). Il contribue à faire du rugby ce qu’il ne devrait pas être. On devrait pouvoir profiter d'un match à 15 contre 15, sans chercher à distribuer des cartons pour le plaisir du public. Rien de tout cela n'est positif pour le jeu. » L’Anglais ciblant particulièrement l'habitude de diffuser les actions au ralenti sur les grands écrans, à la vue d’un public qui fait nécessairement peser une pression sur le décisionnaire, sommé de prendre une décision dans l’urgence. Cela fait partie du folklore, diront certains ? Certes. Sauf que l’avantage du terrain n’est pas grand-chose en rapport avec la justice, Baxter estimant urgent de « faire quelque chose à ce sujet. Que les décisions soient bonnes ou mauvaises, ce regard alambiqué sur la rediffusion pour voir s'il s'agit d'une pénalité, d'un carton jaune ou rouge avec la foule huant à chaque collision, je n'aime tout simplement pas ça. ».

Moins de pression sur les arbitres

Le propos de Baxter n’était à ce titre évidemment pas anodin, celui-ci ayant bien évidemment entendu parler du principe du « bunker » actuellement en activité dans le Super Rugby, qui devrait être mis à l’épreuve lors du prochain Rugby Championship, voire lors de la Coupe du monde U20 en Afrique du Sud. En attendant, en cas d’expérimentation positive, d’être mis en service lors de la prochaine Coupe du monde ? Dans l’interview qu’il nous a accordée (voir ci-contre), le patron mondial des arbitres Joël Jutge se garde bien d’acter la petite révolution, mettant légitimement en avant les limites et les interrogations que ne manqueront pas de générer un tel processus. Mais il ouvre la porte à une expérimentation express, dans des délais suffisants pour rendre le dispositif actif pour le prochain Mondial en France…

Reste que si ce dernier pouvait permettre d’ôter un peu de pression sur les épaules des arbitres et garantir que le rythme des matchs s’en trouve moins haché, le progrès pourrait bien s’avérer considérable. D’autant qu’en le couplant avec la technologie hawk-eye et une réalisation indépendante (voir encadré), l’arbitrage vidéo pourrait enfin franchir un nouveau cap en matière de fiabilité et d’équité lors de la prochaine Coupe du monde. Ce qui ne serait pas superflu, après un mondial de foot au Qatar où la VAR a encore été au centre de toutes les discussions…

Le « bunker », mode d’emploi

En quoi consisterait un « bunker » ? Joël Jutge l’explique fort bien : « En cas de décision à 50-50, l’arbitre a la possibilité de donner un carton jaune afin que le jeu reprenne le plus vite possible, tandis que des arbitres placés dans le « bunker » ont les 10 minutes de l’expulsion temporaire pour décider si celle-ci doit être muée en expulsion définitive. » Ce qui s’est passé le week-end dernier en Super Rugby, où le deuxième ligne des Reds Angus Blyth a finalement été (justement) exclu après avoir reçu un carton jaune de l’arbitre néo-zélandais Ben O’Keefe. Techniquement, le fonctionnement du « bunker » serait calqué sur celui du football anglais, dont les arbitres vidéo officient à distance. Selon les rumeurs, dans le cadre de la Coupe du monde 2023, ledit bunker pourrait même être situé dans les bureaux de la société Hawk-Eye à Basingstoke, dont le système de ralentis sera utilisé lors de la prochaine Coupe du monde. Mais il ne s’agit évidemment que de rumeurs, puisque le principe du « bunker » doit encore être débattu avant d’être éventuellement testé cet été.

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