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Cyril Baille : "Si tu sais que tu as tes potes à côté..."

Par Jérémy FADAT
  • Avant le choc face au Leinster en demi-finale de Champions Cup, le pilier toulousain Cyril Baille fait une rétrospective de sa saison.
    Avant le choc face au Leinster en demi-finale de Champions Cup, le pilier toulousain Cyril Baille fait une rétrospective de sa saison. Icon Sport - Icon Sport
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Son opération des adducteurs l’été passé, sa frayeur après la rechute de novembre, la naissance de sa fille trois jours plus tard ou le défi du Leinster, il se livre sur cette saison particulière. Et insiste sur son lien très fort avec ses amis de la première ligne toulousaine.

Votre saison en club est-elle entrée dans une autre dimension ces derniers jours ?

Oui, c’est la fin de saison, les matchs de phase finale sont là. Cette semaine, dans les comportements ou les regards, on perçoit encore plus d’attention que d’habitude. C’est le stress qui crée ça. Le groupe a changé de braquet. Dans ce genre de match, tu n’as pas le doit de manquer de concentration. Face à une aussi grande équipe, la moindre erreur est fatale, on l’a vu l’an dernier…

L’enchaînement du huitième et du quart de finale, face aux Bulls et aux Sharks, a-t-il permis de basculer ?

Bien sûr. On pourrait croire que ça arrive tôt mais on s’entraîne toute la saison pour ça. L’équipe a réalisé deux grosses performances pour ses premiers matchs de phase finale, face à des adversaires très solides. Notre chance est d’avoir un groupe qui se connaît bien. Dans ces moments, il sait se resserrer.

Parce qu’il a peu bougé et que ce sera votre cinquième demi-finale de Champions Cup de rang…

Oui et nous avons appris à chaque fois. La saison dernière a été dure, notamment cette demi-finale au Leinster où nous avons vraiment pris une leçon de rugby. Le groupe en a tiré des enseignements. Il est le même ou presque depuis plusieurs années et chacun réalise sa chance d’être au Stade toulousain, de disputer ce genre de match.

Ce revers revient souvent dans les prises de parole toulousaines. à quel point vous a-t-il marqué ?

On avait pris une valise ! On affronte souvent le Leinster en demi-finale puisque ce sera la troisième fois. On a perdu les deux premières et on a même pris deux leçons. Mais on apprend toujours des équipes meilleures sur le moment. On ne va pas présenter celle-là… Elle est énorme. Il n’y a qu’à voir ses matchs de Champions Cup cette saison. Quand elle joue, c’est quarante points minimum. Le Leinster maîtrise extrêmement bien son rugby. On fera tout pour rivaliser, je pense que nous sommes prêts.

La vexation de l’an passé vous sert-elle ?

(Il hésite) On vit une nouvelle saison. L’an dernier, cela s’est passé comme ça… Mais les choses changent et nous voulons continuer à croire en notre rugby. L’opportunité nous est offerte de retourner à Dublin et d’y faire un grand match. Je peux vous assurer que Toulouse ne manquera ni d’énergie, ni d’envie.

Vous avez également répété votre frustration d’être sortis sans titre la saison dernière…

Quand tu y as goûté, tu n’as qu’une volonté, c’est d’y revenir. Mais on a pu mesurer à quel point c’est difficile. Pour être champion, il faut que toutes les planètes soient alignées. Notre objectif aujourd’hui, c’est de s’en donner les moyens, de passer chaque étape pour s’en rapprocher.

Début février, vous avez aussi perdu avec le XV de France en Irlande, face à une sélection composée aux trois-quarts de joueurs du Leinster…

J’ai compris une chose, c’est que chaque match de niveau international, en club ou en équipe de France, te fait progresser. Surtout quand tu te mesures aux meilleurs. Les Irlandais ont remporté le grand chelem, donc ce sont les meilleurs. Sur les statistiques en club, les joueurs du Leinster sont aussi les meilleurs… Voilà pourquoi on veut se confronter à eux. Ils sont ce qui se fait de mieux en Europe, et peut-être dans le monde.

La finale aura aussi lieu à Dublin. Ont-ils le tapis rouge sous les pieds pour aller au bout ?

Ça leur appartient. De notre côté, on préfère se focaliser sur nous plutôt que sur le contexte. Notre seule obsession, c’est de maîtriser notre jeu, d’être propre sur le terrain.

Le staff avait annoncé dès l’été une plus grande gestion des internationaux pour avoir plus de fraîcheur sur ces rendez-vous. En sentez-vous les bienfaits ?

Oui, surtout que les résultats sont là. C’est possible parce que le groupe est très fort, avec des jeunes joueurs qui émergent et sont performants dès qu’ils sont alignés. Ça permet de souffler et d’offrir du temps de jeu à tout le monde. Au retour du Tournoi des 6 Nations, les internationaux ont eu quasiment deux semaines de repos chacun. évidemment, les corps se régénèrent mieux.

Quand vous débutiez à Toulouse, vous étiez à bonne école avec Steenkamp ou Johnston. Jouez-vous ce rôle de grand frère aujourd’hui auprès des jeunes ?

J’essaye toujours d’être bienveillant. Avec Doudou (Aldegheri), Julien (Marchand), Peat’ (Mauvaka) ou Rod’ (Neti), les plus anciens même si nous ne sommes pas vieux (rires), on sait que la première ligne est faite de postes difficiles et on accompagne Max (Duprat), Paul (Mallez) ou Joel (Merkler). Notre rôle, c’est de leur donner quelques conseils mais ça marche dans les deux sens. Ils sont jeunes mais s’ils ont quelque chose à nous dire, on est à leur écoute. C’est un vrai échange. Il doit les faire progresser et nous aussi.

Vous citez Aldegheri et Marchand, dont vous êtes très proche. Qu’est-ce que cela change avant de pousser sur une mêlée ensemble ?

La première ligne, c’est particulier, on parle souvent de confrérie. Si tu sais que tu as tes potes à côté… Les liens sont extrêmement forts entre nous et c’est le privilège d’avoir un groupe qui évolue peu. C’est vrai aussi avec Peato (Mauvaka), Rodrigue (Neti), David (Ainu’u) ou Charlie (Faumuina). On est sans arrêt ensemble : on s’entraîne ensemble, on pousse en mêlée ensemble, on a notre repas des première ligne tous les mois. Cela crée une grosse complicité qu’il faut faire perdurer. À nos postes, on a besoin de valeurs qui dépassent le cadre du terrain.

Et qui font la différence sur une mêlée décisive ?

J’en suis convaincu. À mes yeux, ce qui la fait la différence dans un groupe et pas seulement en première ligne, c’est l’alchimie. Sur une mêlée, ça donne envie de se surpasser pour le copain d’à côté. à l’inverse, sur celle où tu es moins bien, lui va le faire pour toi. Quand tu arrives à avoir cette vertu dans une équipe… Et je sais qu’on l’a ici. C’est peut-être notre principale qualité.

Votre saison a débuté par une opération aux adducteurs l’été dernier. était-ce plus raisonnable ?

C’est surtout que j’en étais arrivé à un point où je ne pouvais quasiment plus accélérer. J’avais les adducteurs qui tiraient beaucoup trop. La décision de me faire opérer a été prise mais le plus tard possible pour terminer la saison dernière. Je ne pouvais pas repartir comme j’avais fini…

C’est-à-dire ?

C’était trop compliqué. Mon tendon était à deux doigts de lâcher, il fallait trouver une solution. Les médecins et kinés m’ont énormément aidé sur la fin de saison passée, parce que j’avais mal. La douleur était omniprésente et je ne faisais qu’y penser. Je ne me sentais pas à 100 %, j’avais l’impression de ne pas aider l’équipe autant que je le souhaitais. C’était à la fois embêtant vis-à-vis du groupe et douloureux pour moi. J’étais obligé de passer par la case opération, il n’y avait pas d’échappatoire.

Il y eut aussi l’épisode de Marseille avec les Bleus contre l’Afrique du Sud en novembre, quand on a cru que vous étiez victime d’une grave rechute aux adducteurs. Avez-vous eu peur ?

Franchement, c’est dur moralement quand tu te refais mal au même endroit et que le risque de rechute est là. Finalement, c’était beaucoup plus impressionnant que grave. La blessure est toujours un moment difficile pour un sportif. être éloigné des terrains, des coéquipiers… Heureusement, avec le staff médical, nous avons réussi à vite soigner ça.

Le vit-on avec plus d’appréhension quand il y a une Coupe du monde au bout ?

Il faut en faire abstraction. J’ai tendance à croire que lorsqu’on pense tout le temps à la blessure, c’est là que ça arrive… Tu dois continuer à jouer naturellement, sinon tu peux vite perdre un duel au contact, une mêlée. La vie d’un rugbyman, c’est ça et il faut l’accepter. C’est être sur le terrain, en étant conscient qu’on peut se faire mal d’une minute à l’autre. Le danger, c’est de se poser trop de questions.

Vous êtes aussi devenu papa dans la même période…

C’était un peu dingue. Le samedi, à la fin du match face aux Boks, c’était vraiment particulier. J’étais blessé et inquiet mais, d’un autre côté, j’étais aussi content de rentrer à Toulouse car ma copine était hospitalisée et n’allait pas tarder à accoucher. Bon, je boitais et n’arrivais pas trop à me lever ou à marcher…

Ce n’était pas le plus pratique…

Je suis arrivé à l’hôpital où les soignants se demandaient si je venais pour me faire hospitaliser (sourire). Non, j’étais juste là pour rejoindre ma compagne ! Puis, le mardi, ce fut incroyable avec la naissance de notre petite fille. C’étaient les montagnes russes pour moi. Même si on me l’avait dit, on ne peut vraiment pas se rendre compte de tout ce que cela procure avant de l’avoir vécu. La joie d’avoir un enfant est indescriptible.

La naissance de votre fille vous a-t-elle aidé à traverser cette nouvelle épreuve de la blessure ?

Vous voulez la vérité ? En fait, à ce moment-là, je m’en foutais complètement d’être blessé. J’étais tellement heureux, c’était fantastique et ma seule envie était d’en profiter. Je suis quelqu’un d’assez émotif, ce fut très intense pour moi. Je ne pensais qu’à mon bébé, pas à mes pépins physiques. Je voulais protéger ma fille, être présent pour elle et pour sa maman.

On parlait d’ailleurs de la confrérie de la première ligne. Avec vos potes Julien Marchand et Dorian Aldegheri, vous l’avez poussée jusqu’à la paternité rapprochée…

C’est assez drôle. On se suit tous les trois depuis tout jeunes, on a joué nos premiers matchs avec l’équipe professionnelle ensemble, on est très proches dans la vie, même nos copines respectives sont très amies. Et elles ont été toutes les trois enceintes en même temps, ont accouché à quelques mois d’intervalle. Ma fille a trois mois et demi d’écart avec le fils de Doudou (Aldegheri) et un mois avec celui de Julien (Marchand). La vie nous réserve parfois des jolis signes.

Quand vous lisez que vous êtes aujourd’hui le meilleur pilier gauche du monde, qu’est-ce que cela vous inspire ?

(Gêné) C’est la même chose que les blessures, il ne faut pas trop y penser. Cela me fait bien sûr plaisir mais je n’y prête pas vraiment attention. C’est délicat de s’arrêter à des descriptions individuelles dans un sport aussi collectif. Je sais combien les performances, d’un match à l’autre, peuvent varier. Mon objectif reste d’être bon pour mon équipe. Si on dit du bien de moi, tant mieux. Le jour où on en dit moins, à moi de faire en sorte que ça change.

Depuis que vous êtes considéré comme une référence mondiale, le regard de vos adversaires directs a-t-il changé ? Existe-t-il chez eux l’envie de dominer ce qui se fait de mieux ?

Pas plus qu’avant. La mêlée, c’est si spécial… Que tu aies 19 ou 35 ans, que tu comptes 100 ou 5 sélections, ça reste un combat dans lequel tu veux dominer ton vis-à-vis. Ce n’est pas parce que tu t’appelles Pierre, Paul ou Jacques que ça va changer. J’ai toujours répété que chaque mêlée est une histoire différente de la précédente. Peu importe le mec en face.

En parlant de vis-à-vis, Tadhg Furlong est-il le meilleur pilier droit du monde ?

C’est la référence. Furlong, c’est un monstre. J’ai énormément de respect pour lui. On se côtoie assez souvent et j’ai régulièrement l’occasion d’échanger avec lui après les matchs. C’est un mec aussi fort sur le terrain que simple en dehors. Mais j’aime me confronter à lui. Dans l’ensemble, la première ligne du Leinster, c’est du très costaud.

Votre génération marque l’histoire du Stade toulousain et du rugby français depuis quelques années. Mais vous manque-t-il cette victoire face à votre bête noire du Leinster pour franchir encore un cap ?

Si on veut vraiment marquer l’histoire, il faut gagner. Et pour remporter des titres, il faut battre tout le monde. Que ce soient le Leinster ou les autres… C’est vrai, c’est notre bête noire parce qu’on a pris des leçons contre cette équipe lors des dernières confrontations. On a à cœur de faire un grand match samedi. Une victoire validerait sûrement quelque chose de supplémentaire, par rapport à ce qu’on a réalisé jusque-là. Mais ce qu’on veut par-dessus tout, c’est aller au bout.

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