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"Folie maritime" : la grande fête rochelaise ne s'arrête jamais

Par Vincent Bissonnet
  • Que jamais la fête  ne s’arrête
    Que jamais la fête ne s’arrête
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Le Stade rochelais a surclassé Exeter au terme d’une prestation de très haut niveau. Les joueurs comme les 30 000 supporters venus à Bordeaux ont rendu la journée mémorable. Reportage au cœur d’un dimanche de folie.

Il n’y a rien de plus beau qu’une promesse qui est tenue. Dimanche, les quelque 30 000 Rochelais ayant déferlé dans les travées d’un Matmut Atlantique à guichets fermés ont vécu le dimanche qu’ils avaient tant espéré. La fête en terres girondines a été belle, grandiose même. Elle aurait mérité de ne jamais s’arrêter. Elle a, à la fois, fait office de communion et de confirmation : La Rochelle est un grand club d’Europe, sportivement et bien au-delà. Depuis le concert de klaxons sur l’A10 jusqu’au coup de sifflet final scellant un succès implacable en passant par l’arrivée enfumée du bus et la liesse dans les tribunes, le scénario s’est déroulé comme dans un rêve.

Grégory Alldritt et ses partenaires ont été à la hauteur des attentes et de leur statut pour décrocher une troisième qualification de suite en finale. Ils en viendraient presque à rendre ordinaire l’exceptionnel : "On ne prend jamais l’habitude de jouer une demi-finale de Champions Cup, évoquait le capitaine, lors de la veillée d’armes. C’est magique et on essaie justement de ne pas banaliser. Ce n’est pas parce que ça fait trois fois d’affilée que c’est quelque chose de normal." Ça ne l’était pas. Cette troisième demi-finale ne ressemblait en rien aux deux autres. Il y a deux ans, les Maritimes avaient vaincu le Leinster dans un Deflandre sonnant désespérément creux. La saison passée, au bout de phases finales aux allures de Challenge Sud Radio, ils avaient été contraints par le Racing 92 à une délocalisation dénuée de sens à Lens, dans un stade Bollaert aux deux tiers vide. Cette fois, tout ce que l’on est en droit d’attendre d’un match couperet d’une grande compétition transcontinentale était réuni : une affluence des grands jours, une ferveur maximale, du prestige sur le papier, du bleu dans le ciel et l’excitation supplémentaire d’une adversité venue d’ailleurs. Le décor ne pouvait être plus prometteur, plus exaltant. Grégory Alldritt s’y projetait dès la veille : "Je pense qu’on a énormément progressé dans l’organisation, dans l’approche du match, que ce soit sur le plan sportif ou dans le club au niveau général."

Alldritt n’avait "jamais connu ça"

L’enjeu et le contexte exigeaient une performance de haut niveau : elle l’a été, sur le terrain et tout autour. Pour avoir une grandiose rencontre, il vaut mieux, d’ailleurs, avoir deux belles équipes. En signant une entame tonitruante, les Chiefs ont poussé la bande à O’Gara à donner le meilleur d’elle-même et à livrer son meilleur rugby. La Rochelle a été portée par son ébouriffante dynamique – neuf victoires consécutives toutes compétitions confondues et quinze d’affilée sur la scène continentale – autant que par son vécu des événements majeurs. Sa partition a tenu du récital. Ce dimanche, on a vu tout ce que l’on aime chez le champion d’Europe en titre : une puissance démentielle devant, une justesse stratégique frisant la perfection, un allant offensif rafraîchissant, un Alldritt monumental, un Wardi omniprésent, un Kerr-Barlow au sommet de son art et on en passe… Les grands moments appartiennent aux grands joueurs, paraît-il. "Nous sommes très contents de la victoire mais on est loin d’avoir sorti le match parfait", tempérait Grégory Alldritt dans l’après-match. Encore heureux, doivent se dire les Chiefs…

Avec sa communauté d’adeptes à la ferveur inégalée et peut-être même inégalable, le Stade rochelais a vécu un superbe dimanche européen. À Bordeaux, sur les terres de ce rival régional, où il a déjà connu tant de beaux moments. Dans la semaine, Romain Sazy avait extirpé de la boîte à souvenirs l’émotion de la finale d’accession de 2014 à Chaban et Ronan O’Gara rappelé l’importance de la trilogie de succès face à l’UBB au printemps 2022. Un an après, au Matmut, le Stade rochelais a écrit une nouvelle belle page de son histoire moderne, sportive et populaire. "Ça a été incroyable, sourit Grégory Alldritt. On en parlait dans le vestiaire. Je n’ai jamais connu ça. Vous n’imaginez pas la force que ça nous procure." "Avant de taper le coup d’envoi, j’ai cherché à profiter de ces moments, de cette ambiance", confesse Antoine Hastoy.

"Il nous faudra relever l’impossible"

Même Ronan O’Gara, passé de la Red Army à la marée jaune, s’est accordé quelques instants de contemplation, au coup de sifflet final, pour apprécier le spectacle, après avoir consenti à une poignée de "selfies" dans les travées. Et l’expression "on joue au rugby pour vivre ces moments", reprise par Alldritt ce dimanche, de prendre tout son sens. En voyant les supporters verser dans l’ivresse et leurs héros se régaler de leur rugby, les mots du sage Tawera Kerr-Barlow trouvaient aussi un heureux écho entre les parois du chaudron girondin : "Avec l’âge, ce que j’apprécie le plus et ce qui est devenu ma raison de jouer même, c’est de me créer des beaux souvenirs avec mes potes, avec ma famille." Un nouveau, éminemment splendide, est venu s’ajouter dans sa collection personnelle. Pour le prolonger, le rendre encore plus mémorable, il devra intégrer un trophée à la fin. Après la folie de Bordeaux, les conquérants de l’Ouest vont désormais s’avancer dans l’enfer de Dublin. Où les attend le plus grand défi que l’on puisse poser à tout rugbyman de club au monde : vaincre le Leinster, qui plus est à domicile, qui plus est revanchard… La Rochelle devra être encore plus grand, plus beau, plus fort, le 20 mai : "Être qualifié en finale, ça ne nous suffit pas, reprend le capitaine. Il nous faudra maintenant relever l’impossible, on a hâte d’y être."

Dès samedi soir dernier, Jack Conan se frottait les mains à l’idée de retrouver leurs bourreaux de Marseille : "Ça pourrait être bien d’affronter La Rochelle pour prendre notre revanche sur l’année dernière. On sait à quel point cette équipe est bonne et ce serait bien de prendre le dessus cette fois." Cette finale, jour du jugement ultime, Andrew Porter et les siens y pensent depuis onze mois : "Ils nous ont battus deux fois, à chaque fois on les a laissés imposer leur jeu. Ce sont deux défaites qui sont ancrées dans nos esprits, des mauvais souvenirs pour toute l’équipe." Le décor de l’Aviva Stadium est déjà posé. Et il a de quoi filer des frissons aux Rochelais et à leurs dizaines de milliers de soutiens enfiévrés. "Ça tombe bien, on adore les gros défis, conclut Grégory Alldritt dans un sourire carnassier. On n’y va pas en se disant que l’on n’a rien à perdre, on y va pour se dépasser collectivement et individuellement. On veut finir cette compétition sans regret. Le meilleur moyen est de soulever la Coupe à Dublin." Pour que la fête soit la plus belle possible. Et qu’elle mérite de ne jamais s’arrêter.

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