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Hommage - Les adieux à Bernard Lapasset

Par Jérôme PRéVôT
  • Les adieux à Bernard Lapasset
    Les adieux à Bernard Lapasset
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Mardi, en la cathédrale de Tarbes, on a dit adieu à Bernard Lapasset. Les trente dernières années du rugby français et mondial ont défilé devant nous avec cette vision que le talent au rugby ne s’exerce pas que crampons aux pieds. En costume, Lapasset l’a aussi servi avec brio.

Bernard Lapasset l’avait dit lui-même au début des années 2000 : "On est tous de quelque part." C’était dans un contexte bien particulier, mais la phrase nous est revenue mardi dernier devant la cathédrale de Tarbes. Bernard Lapasset nous disait au revoir au même endroit où il vit le jour il y a 75 ans. L’espace d’une matinée, Tarbes, préfecture des Hautes-Pyrénées, deux fois championne de France est donc (re) devenue le centre du rugby français et international.

En ce 9 mai pluvieux, on a vu défiler les trente dernières années du rugby avec tous ces bouleversements souhaités, accompagnés, parfois subis ou combattus par Bernard Lapasset. De son élection surprise de 1991 à son ultime combat, les JO de 2024, on a revu les témoins de toutes les étapes de son parcours de dirigeant exceptionnel, flegmatique dans toutes les tempêtes.

Bill Beaumont et la paix des braves

Fonction et stature obligent, le plus impressionnant fut Bill Beaumont, successeur de Bernard Lapasset à la tête de World Rugby (nouveau nom de l’IRB). Les deux hommes avaient rompu des lances, ils s’étaient même présentés l’un contre l’autre en 2011 et "B.L." l’avait emporté in extremis après trois votes serrés et un double revirement asiatique, beau souvenir de batailles passées.

Mais la paix des braves s’était instaurée depuis longtemps. L’ancien deuxième ligne et capitaine du XV de la Rose n’a pas retenu ses mots, traduits par Aubin Hueber, qui ont résonné sous la voûte décorée de séraphins : "Nous sommes réunis pour évoquer l’un des meilleurs dirigeants du sport mondial, un visionnaire. Un grand leader se juge sur sa capacité à transformer une idée en réalité. Il se sera bien battu pour plein de causes. Le rugby féminin, le rugby à sept. Et j’avais trouvé normal aux JO de 2016 qu’il remette les médailles alors qu’il n’était plus président."

Les adieux à Bernard Lapasset en présence d'Abdelatif Benazzi, ancien capitaine du XV de France, et Jean-Michel Baylet, président directeur général du groupe La Depeche du Midi.
Les adieux à Bernard Lapasset en présence d'Abdelatif Benazzi, ancien capitaine du XV de France, et Jean-Michel Baylet, président directeur général du groupe La Depeche du Midi.

Transportés par le chœur, la puissance des notes de Giuseppe Verdi et son "chant de la liberté", ou la mélodie mélancolique de "Alleluiah" de Lenoard Cohen, on put mesurer l’épaisseur de cette destinée assez extraordinaire, d’un haut fonctionnaire des douanes, aspiré par sa passion du ballon ovale dont il devait devenir un manitou. Une brigade de jeunes Gabelous en uniforme se mit au garde à vous au passage de leur ancien collègue. C’est dans cette administration que Bernard Lapasset avait démarré sa vie d’adulte et découvert son propre sens des responsabilités. Dans la foule, un homme était venu avec un costume violet aux armoiries du PUC, club fantasque dont Bernard Lapasset porta un temps les couleurs, après celles de Bègles et d’Agen et avant celles de l’AS Douanes.

L’empreinte de Lapasset restera attachée au passage au professionnalisme de 1995 et au développement sans précédent de notre sport naguère si conservateur. Les jeux Olympiques, le Sept, le rugby féminin, World Rugby élargi. Un vent de modernité qui, sous ce ciel maussade, nous a éclatés au visage comme pour nous faire remarquer que, sur le moment nous n’avions pas été assez impressionnés.

Dehors la foule s’était rassemblée autour de la cathédrale, avec des têtes connues du grand public, Max Guazzini très ému, des personnalités plus discrètes, des anonymes. Des visages qui parlaient aux connaisseurs, comme ses plus proches collaborateurs, Jacques Laurans, Alain Doucet, Jean-Louis Barthès et Claude Atcher qui l’auront fidèlement assisté, trois anciens sélectionneurs du XV de France aussi, Marc Lièvremont, Bernard Laporte et Jean-Claude Skréla.

Marc Lièvremont fut celui que Bernard Lapasset est allé chercher alors que les pronostiqueurs ne pensaient pas à lui : "Je lui dois beaucoup. Il m’a fait confiance en 2007, j’ai pris un immense plaisir à passer du temps avec lui et je suis conscient de tout ce qu’il fait pour notre sport, et pour le sport en général jusqu’à ce dossier des JO 2024."

Les hommages de Fabien Pelous et de Tony Estanguet

Bernard Laporte aussi fut d’abord nommé par B.L. à la tête des Bleus avant de lui succéder (indirectement) dans le fauteuil présidentiel en 2016. Il n’a pas non plus ménagé ses hommages : "C’est un jour de deuil. C’était un dirigeant passionné et très efficace, un homme de dossiers. Il a fait beaucoup pour le rugby, il l’a aidé à passer professionnel. Et sur le plan personnel, je me souviens qu’il m’a accordé par deux fois sa confiance." Ancien troisième ou deuxième ligne aux 78 capes Abdelatif Benazzi nous rappela un moment magique pour lui : "C’est lui en 1996 qui m’a donné le coup de fil inoubliable qui m’annonçait que j’allais être capitaine du XV de France que je devais m’y préparer… Quelle émotion ! Je sais aussi combien il a défendu la voix de la France dans les instances, face aux Anglo-Saxons."

Fabien Pelous, 118 sélections, débuta chez les Bleus sous sa présidence. Il évoqua le "premier" Lapasset patron du rugby français et indirectement du XV de France. "Bernard, mon président. Tu savais fédérer en ignorant ou en feignant d’ignorer les différences des uns et des autres. Oui, fédérer, faire l’union, c’était ta spécialité. Je me souviens aussi de nos discussions simples et passionnées en marge des matchs. Et surtout, tu as su nous construire une maison, à nous les joueurs, : Marcoussis !"

Tony Estanguet (Président de France 2024) était présent aux obsèques de Bernard Lapasset
Tony Estanguet (Président de France 2024) était présent aux obsèques de Bernard Lapasset

Autre "centenaire" (111 capes), Philippe Sella était venu rendre hommage "à un homme qui a beaucoup donné. Si j’ai pu vivre de mon sport, c’est grâce à lui. C’était un diplomate, un gentleman, même si quand il le fallait, il montrait du caractère. Mais il savait parler en fonction de la personne qui se trouvait face à lui. Je me souviens de ces moments quand il arrivait souriant dans les vestiaires."

Tony Estanguet fut un compagnon du "Lapasset, hors rugby" le Lapasset diplomate du sport, artisan de l’obtention des jeux Olympiques 2 024 par Paris. La dernière victoire du grand dirigeant : "J’ai beau être champion olympique, je me suis senti tout petit quand je l’ai rencontré. C’était un champion, mais pas sur le plan individuel. Il faisait gagner les autres et le sport français en général. Il avait toujours un coup d’avance sous des dehors spontanés. Grâce à lui nous avons obtenu les Jeux après cinq échecs." Le patron de France 2 024 décrivit aussi le Lapasset du quotidien qui "accordait la même importance à tous ceux qu’il croisait, du chauffeur de taxi au personnel d’accueil. Et quand il devait annoncer une mauvaise nouvelle à quelqu’un, celui-ci sortait toujours de son bureau avec le sourire…"

Puis vint le tour du Lapasset plus intime à travers les mots de son fils Sébastien qui évoqua les moments ou les siens s’étaient sentis privés de sa présence par tant d’engagements divers. "Mais chacun savait qu’il était aimé par toi. Au moment où les coups de fil se sont espacés, où les visites se sont faites plus rares, les ultimes défis de la vie ont resserré nos liens à tout jamais." Ces liens nous en avons senti leur force dans la modeste salle des fêtes de Louit, son village, son refuge, où la famille et les amis se sont retrouvés, Bill Beaumont était encore là au fin fond de la Bigorre en rappelant qu’il avait dormi naguère dans cet endroit qui fleure si bon la France. Comme un ultime hommage à la capacité de rassemblement de celui qui venait de nous quitter sans doute avec le sentiment d’un certain devoir accompli.

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