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Pro D2 - "Quitte à mourir, je voulais mourir avec mes convictions" : Vincent Etcheto revient sur sa saison avec Soyaux-Angoulême

Par Vincent Franco
  • Malgré le maintien, Vincent Etcheto ne sera plus le manager du SAXV la saison prochaine.
    Malgré le maintien, Vincent Etcheto ne sera plus le manager du SAXV la saison prochaine. Icon Sport
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Il y a une semaine, le SAXV a validé sa place en Pro D2 la saison prochaine grâce un point de bonus défensif arraché chez le leader, Oyonnax. Avec calme et sérénité, Vincent Etcheto revient sur cet exploit. Le désormais ancien manager angoumoisin évoque la saison toute en rebondissements des Violets, mais également les raisons de son départ. Il en profite aussi pour livrer son point de vue sur le rugby moderne.

À froid, quels sentiments restent dans votre esprit après ce maintien arraché avec Soyaux-Angoulême ?

L’impression d’avoir accompli ma mission. Le président Didier Pitcho est venu me chercher à l’automne 2020 alors que le club était en crise. J’ai débuté en tant que consultant, et je suis ensuite passé manager alors que je n’en avais pas l’envie au départ. Mais comme je me plaisais au club, je suis tout de même resté trois saisons au sein du SAXV et avec ce maintien, je termine sur une excellente note. Monter de troisième division et se maintenir l’année qui suit en deuxième, c’est tout de même un exploit puisque ce n’était plus arrivé depuis 2018, c’était Provence Rugby à l’époque.

Ce dernier match à Oyonnax restera-t-il comme un de vos plus beaux souvenirs en tant qu’entraîneur ?

On va dire que cela ne pouvait finir que comme ça. Pendant toute la semaine, j’avais dit aux joueurs qu’il ne fallait pas compter sur Provence Rugby, et c’est bien normal. Les Provençaux n’avaient plus rien à jouer, on n’attendait rien d’eux et ils n’avaient rien à nous donner surtout. Et d’un autre côté, pour avoir connu cette situation avec Bayonne, je savais aussi que les Oyonnaxiens n’allaient pas vouloir se faire mal avant la demi-finale. Ils voulaient simplement réciter leur rugby et continuer à se balader à la maison. Notre objectif était d’être dans le match à l’heure de jeu, afin de marquer des essais en fin de partie, comme nous avons souvent su le faire durant la saison. La réussite était tout de même avec nous, mais il en faut toujours un peu.

Qu’avez-vous dit à vos joueurs dans le vestiaire à l’issue de la rencontre ?

Rien. On s’est tout dit sur la pelouse. Parfois, il n’y a pas besoin de mots. Il y a eu énormément d’embrassades après le coup de sifflet final. On s’est simplement rendu compte qu’on l’avait fait, tous ensemble. Avec Matthieu Ugalde, nous avions les larmes aux yeux puisque c’était notre dernier match à chacun au sein du SAXV. On ne pouvait pas finir tristement notre aventure en violet. Un peu plus tard dans la soirée, il y a eu quelques "cul sec" dans le bus et dans le bar d’Oyonnax qui a eu la gentillesse de nous accueillir. On n’a pas beaucoup parlé mais on a énormément chanté. C’était une vraie troisième mi-temps à l’ancienne.

À la seizième journée, vous étiez lanterne rouge. Avez-vous senti à ce moment-là votre groupe se résigner ?

Vous savez, les joueurs ont cette faculté de souvent passer à autre chose après une défaite. Dès le lundi, ils arrivent avec la musique à fond dans la salle de musculation et passent du bon temps. Bien évidemment, les têtes sont basses lors de la séance vidéo, mais une heure après, tout est oublié. C’est aussi la force d’un rugbyman. Le meilleur symbole pour expliquer cela, ce sont les joueurs des îles. Ils donnent tout, perdent, prient entre eux à la fin de la rencontre et vont manger au McDonald’s trente minutes plus tard. Ils le vivent autrement. La pression, c’est le staff qui l’a. Il y a parfois le président qui appelle, par exemple... Notre période dans la zone rouge aura également agrandi les brèches qui existaient déjà au sein de l’encadrement technique.

Que voulez-vous dire ?

On a souvent été en désaccord dans le staff, mais on a essayé de ne pas trop le montrer devant le groupe. Pour vous faire une image, c’était un peu comme lorsque deux parents se séparent, on ne le montre pas trop pour protéger les enfants. C’était un peu pareil. Je me suis trompé lors de la dernière intersaison en prenant un entraîneur des avants jeune mais qui n’est pour moi pas aguerri pour le Pro D2. De ce fait, cela a parfois été très difficile de travailler ensemble.

Quels sont les moments marquants de votre saison ?

Je dirais qu’il y en a trois. Le premier, c’est notre victoire à Massy après un match de faible niveau, que l’on gagne de justesse. C’était en plein hiver, durant la période où je m’ennuyais facilement devant certains matchs car ce n’est pas très glamour, le Pro D2 dans la boue. Ensuite, il y a ce match face à Montauban où Matthieu Ugalde nous délivre d’un drop de quarante mètres contre le vent, à la dernière seconde. Pour finir, j’ai envie d’évoquer notre succès à Carcassonne après un match abouti de notre part. Ce succès a été prépondérant pour la suite des évènements.

Depuis le début de votre carrière, vous prônez votre amour pour le jeu. Au cœur d’une époque dans laquelle le pragmatisme est souvent vanté, est-ce une fierté supplémentaire pour vous d’avoir réussi à atteindre vos objectifs grâce à un rugby de mouvement ?

Partout où je suis allé, et partout où j’irai, j’essaierai d’apporter cette touche de folie. Le pragmatisme, ça m’ennuie donc je ne veux pas faire passer un message auquel je ne crois pas. Nous avons énormément souffert en conquête cette année donc je savais qu’en faisant des ballons portés, on n’y arriverait pas, en plus de s’emmerder. Je suis resté fidèle à ma philosophie et les joueurs m’ont facilement suivi. Ils ont pris du plaisir et savaient qu’à tout moment, on pouvait marquer un essai de quatre-vingts mètres. Ce style de jeu m’a parfois valu des engueulades avec mes collègues. Je n’ai pas voulu faire machine arrière en plein milieu de la phase régulière en réduisant notre volume de jeu et en jouant tous les ballons au pied. J’ai été têtu, peut-être, mais quitte à mourir, je voulais mourir avec mes convictions. On ne joue jamais trop. Parfois, on ne joue pas bien, mais on ne joue jamais trop.

Malgré ce maintien, vous allez tout de même quitter Soyaux-Angoulême…

Il y a quelques mois, j’avais déjà prévenu le président que je ne retournerais pas en Nationale. Je n’en avais simplement pas l’envie. Je ne voulais pas sacrifier les années d’entraîneur qu’il me reste, même si la Nationale est un très beau championnat. Une fois que j’avais expliqué mes intentions, j’aurais aimé que la direction me dise que si on restait en Pro D2, elle me gardait, chose qu’elle n’a pas faite. On m’a fait attendre jusqu’à ce que j’annonce mon départ. De plus, je souhaitais remanier mon staff en vue de la saison prochaine, avec notamment l’arrivée d’un entraîneur des avants au niveau et expérimenté, chose qu’on m’a refusée. Je ne suis pas un manager qui fait de la politique : ce qui m’intéresse, c’est le terrain, rien de plus. J’aurais aimé maîtriser le recrutement de A à Z, par exemple, ou la façon de gérer les plannings de l’équipe… Je ne voulais plus fonctionner dans l’à peu près.

Voulez-vous rebondir dès la saison prochaine ?

Je ne sais pas. Après mon titre de champion de France de Pro D2 avec Bayonne (2020), je voulais couper pendant plusieurs mois. Pourtant, j’avais craqué dès que Didier Pitcho m’avait appelé pour venir au SAXV. Désormais, je ne ferme plus de porte. J’ai besoin de travailler, déjà. Je n’ai que 54 ans et l’âge du départ à la retraite a été repoussé... (il sourit) Et puis il faut écouter toutes les propositions. Quand je vois les parcours de Patrice Collazo, Jérémy Davidson ou encore Xavier Garbajosa, je me dis qu’on a tous droit à une seconde chance et une rédemption. Je suis parti de l’UBB après une qualification en Champions Cup, j’ai quitté Bayonne sur un titre de champion de France et là j’ai réussi à maintenir Soyaux-Angoulême en Pro D2. Je ne suis pas si pourri que ça. J’ai bien sûr encore des progrès à faire, mais le bilan n’est pas trop mal.

Êtes-vous en contact avec d’autres clubs ?

Mes deux agents savent depuis plusieurs mois que je veux changer d’air et je leur avais demandé de me mettre sur le marché. Me viennent aux oreilles des noms d’entraîneurs qui veulent travailler avec moi, d’autres qui ne veulent pas mais pour l’instant il n’y a rien de concret. Je ne suis pas forcément inquiet pour mon avenir dans le rugby. Et puis au pire, j’ai cotisé donc je serai chômeur.

Cela fait désormais quatorze ans que vous avez débuté votre carrière d’entraîneur. Comment jugez-vous l’évolution du rugby ?

Notre sport évolue bien. Au niveau du jeu, on voit les avants se déplacer de plus en plus à l’image d’un Thibaud Flament, qui incarne cette image du mec qui joue devant mais qui sait tout faire. D’ailleurs, je me régale à regarder le Stade toulousain tous les week-ends avec des joueurs exceptionnels et surtout un ballon qui voyage tout le temps. Mais on l’a vu face au Leinster en demi-finale de Champions Cup, ils ont pris une leçon face à un rugby qui m’attire un peu moins, mais qui a également son charme. Ensuite, pour ce qui est du hors-terrain, il ne faut pas trop se prendre au sérieux non plus. Je côtoie parfois des managers qui se prennent pour des ingénieurs de la NASA. ça ne sert à rien ! On reste des artisans et les joueurs, eux, ne changent pas. Ils ont les mêmes envies, ils veulent toujours autant faire la fête mais comme dirait Philippe Guillard, ils se cachent désormais pour éviter d’être filmés et finir sur les réseaux sociaux. Je ne veux pas passer pour le vieux con mais les hommes restent des hommes, c’est ce qu’il faut retenir.

Avez-vous des sources d’inspiration pour continuer de progresser en tant que manager ?

Pas vraiment. Je ne suis pas très fan des livres sur le management, pour tout vous avouer. Chacun a sa façon de voir le rugby, de construire un effectif, un staff… Je m’inspire beaucoup de ce que je vois, par contre. Je joue au golf sur mon temps libre et je n’ai jamais été bon pour les leçons, mais en regardant les meilleurs joueurs à la télévision, on se dit qu’on apprend plus vite. Pour revenir au ballon ovale : je regarde les matchs, tout simplement. Que ce soit du Top 14, du Pro D2, du Super Rugby et même le championnat italien. Toutes les combinaisons sont bonnes à analyser, il y a toujours quelque chose à garder d’une équipe, même chez celles qui perdent. Lors du dernier Tournoi des 6 Nations, l’Italie m’a beaucoup plu même si elle n’a pas gagné un match. On n’est pas obligé de regarder seulement les gagnants pour trouver de l’inspiration.

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Les commentaires (1)
Aberwrach Il y a 11 mois Le 12/05/2023 à 15:00

On a hâte que Mr Etcheto retrouve un club à entraîner pour qu'il démontre que le beau jeu paye.