L'édito : L’amour fou

Par Léo FAURE
  • Mathieu Acebes célébrant contre Bordeaux-Bègles au stade Aimé Giral
    Mathieu Acebes célébrant contre Bordeaux-Bègles au stade Aimé Giral Icon Sport - Icon Sport
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L'édito du 12 mai 2023 par Léo Faure.

C’est ici qu’on identifie le point de bascule et c’est Mathieu Acebes, capitaine de l’Usap, qui nous le montre du doigt : entre passion dévorante et passion débordante, il y a donc un rien. Un fil. Une ligne tracée et qui se franchit si facilement. Il suffit d’une étincelle.

Acebes le sait mieux que quiconque, lui qui marche justement sur ce fil passionnel depuis seize saisons et plus de 300 matchs que sa carrière a commencé. C’est son rugby, celui de l’énergie à tout prix, généreuse quand elle est canalisée mais qui peut tout emporter sur son passage, jusqu’à sa lucidité. Celui d’une certaine exagération, parfois. Et d’un franc craquage, c’est lui qui le dit, au soir du 31 décembre 2022 et ce coup de tête asséné à Jonathan Danty, alors au sol. Un bon vieux coup de carafe. Bonne année. Et la santé, surtout.

À ce sujet, Acebes, évidemment coupable, a payé le prix fort de la sanction officielle. Onze semaines de suspension. Logique, et pas question ici de le plaindre. Lui-même ne s’en plaint d’ailleurs pas, dans l’interview qu’il nous accorde (voir page 4). La première et dernière fois qu’il reviendra sur cet épisode douloureux dans sa vie de joueur.

Acebes a aussi payé le prix de la vindicte populaire, parfois sans limite, si prompte à lyncher plus que de raison quand elle est anonyme et emportée par la foule. Drôle de chose que l’être humain, si fort quand il est en bande. Jusqu’à la déraison. Et ces mots d’une violence parfois inadmissible, à l’encontre de celui qui a fauté.

Plus surprenant, il a aussi payé la passion de son propre club. Drôle d’environnement que celui de l’Usap, où tout est exacerbé. À l’autre cap de la côte méditerranéenne, Toulon et Perpignan partagent cette idée que "ici, tout est différent". Tout se vit plus fort. Les bons comme les mauvais moments.

Ainsi va donc la vie de Perpignan, souvent excessive. Un souvenir revient alors : un soir de crise à l’ASM, où les résultats n’étaient certainement pas ceux escomptés et avaient provoqué quelques remous en interne, on avait questionné Franck Azéma sur son ressenti et l’affection que pouvait provoquer chez lui la situation. Le technicien catalan, alors patron de l’ASM, avait baissé la tête, l’avait secouée puis avait souri. "Comprenez que j’ai entraîné à l’Usap. Clermont est une grande maison, une belle maison, mais les secousses ici n’ont rien à voir. J’ai connu des crises à Perpignan, la tension, c’était autre chose…". C’est à la fois le charme et l’écueil de ce club. Cet amour fou qui le baigne.

Saisi de cette ambiance si particulière, où le stade conspue puis se vide quand tout va mal, où il déborde puis explose quand tout va bien, le Basque Acebes s’est découvert un lien catalan. Capitaine de ce club un peu fou, nouant avec lui une relation aux effluves amoureuses, il le guidera encore, ce samedi face à Toulouse avec l’objectif du maintien toujours ancré mais qui vacille, depuis une semaine un peu plus que le concurrent briviste est allé l’emporter sur la pelouse de Montpellier. Il le dit, quel que soit le scénario de fin saison, il passera ensuite le relais, sûrement, de ce capitanat qui l’a usé. Car l’Usap use, c’est vrai. C’est le propre des gens qui vivent vraiment.

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