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Faits divers - Au tribunal, Mohamed Haouas a soldé son passé neuf ans après des faits de violence

Par Jérôme PRÉVÔT
  • Mohamed Haouas, le jour de l’audience. Le joueur de Montpellier et de l’équipe de France connaîtra sa condamnation le 30 juin prochain. Photos Jérôme Prévôt et Icon Sport
    Mohamed Haouas, le jour de l’audience. Le joueur de Montpellier et de l’équipe de France connaîtra sa condamnation le 30 juin prochain. Photos Jérôme Prévôt et Icon Sport
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Le joueur de Montpellier et du XV de France comparaissait vendredi devant le Tribunal Correctionnel de Montpellier. Une audience sur des faits de violence vieux de neuf ans. 24 mois de prison avec sursis probatoire ont été requis contre lui. A l’audience, il a évoqué son évolution et son parcours rédempteur.

Est-on le même homme neuf ans après ? Mohamed Haouas comparaissait vendredi devant le tribunal correctionnel de Montpellier, pour violences aggravées et dégradations. Le moment fut poignant, impressionnant, choquant par moments. Il témoignait de l’imperfection de la justice des hommes. Mohamed Haouas et quatre personnes étaient jugés pour des faits vieux de plus de neuf ans (un cinquième prévenu ne s’est pas présenté à l’audience). Le premier janvier 2014 au matin, Mohamed Haouas fut mêlé à une rixe dans une boulangerie de Montpellier. Une éruption de violence dont il est accusé d’avoir été le meneur. Il avait alors 19 ans.

Haouas est devenu depuis rugbyman professionnel, international et père de famille. Il évolue désormais dans un univers beaucoup plus apaisé. Est-il encore la même personne ? Ce débat est au cœur de l’idée de justice depuis la nuit des temps. Il fut ravivé par la verve et l’éloquence des avocats, Marc Gallix, conseil du joueur du XV de France et son neveu Paul, conseil d’un autre prévenu.

La quinzaine de jeunes hommes sortaient d’une boite de nuit puis ont vécu une altercation avec un homme, Laurent Mathan, client de la boulangerie. Que s’est il passé ? Laurent Mathan est sorti précipitamment pour aller au secours de sa fille qui l’attendait dehors et qui l’avait appelé. À partir de là, comme souvent, les versions divergent. "J’ai reçu un coup de poing", explique le pilier du MHR. La présidente Anne-Flore Bondidier évoque des témoignages accusant Mohamed Haouas d’avoir au préalable importuné physiquement et verbalement la fille de M. Mathan, avec des gestes brusques et des paroles vulgaires. Mohamed Haouas conteste : "Je ne fais jamais ce genre de gestes. Je ne suis pas un sauvage." Mohamed Haouas se dit victime d’abord d’un coup de poing donné sans discernement à la première personne qui se trouvait là. Il s’est dit ensuite effrayé par une arme brandie et utilisée par M. Mathan (tirs en l’air). Les images ne prouvent rien à ce sujet, elles ne montrent que les scènes qui se sont déroulées à l’intérieur du magasin. Le cœur de l’histoire est là. Que s’est il passé ? Laurent Mathan avait-il vraiment une arme ? A-t-il tiré un ou plusieurs coups de feu ?

La vidéo, moment fort de la journée

Tout s’est enchaîné avec ces onze hommes qui pénètrent dans la boulangerie pour défendre leur ami. Les coups sont violents, M. Mathan se réfugie au fond de l’établissement. À l’audience, on projette des vidéos. Évidemment, ce fut l’acmé de la journée. Un saisissant voyage dans le temps, avec un écran partagé entre quatre angles de caméras. On voit en effet le Mohamed Haouas de 19 ans très virulent, muni d’une barre de fer (le mât d’un parasol en fait) frapper un présentoir.

Les détails ont été passés au peigne fin. Mohamed Haouas reconnaît avoir été violent, oui ; mais pour désarmer son prétendu agresseur qui aurait eu une arme de poing, alors que Laurent Mathan n’a parlé que d’une bombe lacrymogène et d’un talkie-walkie. Mais elles n’ont pas été retrouvées. Il fut question de l’intervention du fils de M. Mathan, Alexandre, venu par la suite à la rescousse de son père avec une arme de type "Gomm Cogne", un pistolet de défense non létale. Lui a tiré, c’est vrai, pour faire diversion.

Le premier acte de violence (coup de poing) fut donc exercé contre Mohamed Haouas, fait établi. Le pilier international était-il pour autant en légitime défense ? Le représentant du parquet dit non : "Il n’y avait rien de proportionnel dans les actes de ces jeunes hommes, on a assisté à un déferlement de haine. On a vu une meute de loups se jeter sur un individu. "

Le destin de Mohamed Haouas n’était pas ignoré des magistrats. On a donc parlé de rugby pur à la barre. Les deux cartons rouges contre l’Écosse ont été analysés comme une difficulté à gérer ses émotions. Mohamed Haouas explique : "Le rugby est un sport de combat collectif. Les adversaires provoquent, taquinent. C’est un sport où on veut faire mal." Maître Gallix prend alors la parole pour expliquer combien le rugby actuel est devenu un sport "d’une férocité et d’une vitesse extrême. Mon client joue pilier droit, le poste le plus difficile. Si son parcours sportif n’était pas exemplaire, il ne serait pas en équipe de France." Avec ses mots choisis et percutants, il fait revivre les deux moments fatidiques en expliquant en quoi il avait trouvé les cartons sévères (en 2020, les Écossais avaient su le faire disjoncter).

Petit rebondissement, les "adversaires" judiciaires de Mohamed Haouas ont paradoxalement rendu hommage à son parcours. "Oui, il y a dix ans, si j’avais traité de cette affaire, j’aurais parié que M. Haouas aurait vécu un destin judiciaire plus lourd en s’installant dans la délinquance. Son parcours nous donne de l’espoir. Il s’en est sorti grâce au sport, même si le temps écoulé ne dissout pas les responsabilités", a expliqué le représentant du parquet, M. Despotovic.

Les excuses du joueur

Plus surprenant, l’avocat des parties civiles, maître Le Targat a aussi rendu hommage à la carrière du joueur du MHR. Tout en lui reprochant d’avoir inventé une fable pour atténuer sa responsabilité (la question de l’arme à feu de M. Mathan). "Mais quand on joue au rugby, qu’on a l’esprit rugbyman, on fait une bêtise, on prend un coup de poing et ensuite on passe à autre chose." M. Despotovic a ensuite prononcé ses réquisitions : 24 mois de prison avec sursis probatoire pour Mohamed Haouas, sur 36 mois.

Marc Gallix a demandé la clémence de son client compte tenu de son évolution. "Neuf ans, c’est un délai très long. Pour les magistrats, le seul intérêt d’un dossier traité si longtemps après les faits, c’est de mesurer l’évolution de monsieur Haouas. Je connais bien ce jeune homme, j’ai de l’affection pour lui. Je l’ai ramené plusieurs fois chez lui de l’entraînement quand il était jeune. Ne parlons pas de ces fameux cartons rouges, au niveau international on se fait titiller. En Top 14, il n’a pris qu’un un carton rouge en quatre ans. En France, il est moins provoqué. Comprenez que Mohamed Haouas a beaucoup travaillé. Il n’a pas été sauvé par le rugby, mais il a fait en sorte de s’élever dans la vie grâce au rugby, par son labeur. Il change de club, pour mettre toutes les affaires qu’il a vécues à Montpellier derrière lui. Je vous assure que Monsieur Haouas est un colosse sensible : si j’ai besoin de lui pour un service, à n’importe quelle heure, je sais qu’il sera toujours là, pour moi et pour mon fils avec qui il a joué."

Puis Mohamed Haouas a pris la parole. "Je tiens à m’excuser auprès de la famille Mathan et auprès des gens de la boulangerie. J’espère ne plus remettre les pieds ici, dans ce tribunal. Je pense que depuis dix ans, j’ai évolué dans ma vie." Le jugement a été mis en délibéré au 30 juin.

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Les commentaires (2)
Pendejo34 Il y a 11 mois Le 16/05/2023 à 17:10

C est surtout que cela lui fera du bien de quitter un environnement devenu toxique pour lui

Herman59 Il y a 11 mois Le 15/05/2023 à 17:25

Excellent joueur à son poste. Mais Momo peine à garder son sang froid. Deux cartons rouges, cela commence à laisser des traces. Cela devient cornélien pour le selectionneur, quand les joueurs portent la tunique frappée du coq .
Sans tirer sur l'ambulance et en ayant espoir dans un bon jugement le 30
Juin , on pourrait rappeler à Mohamed Haous, que le rugby fut jadis présenté comme "un sport de voyous joué par des Gentlemen ".