Abonnés

Champions Cup - Les 10 ans du premier titre européen de Toulon : c’est l’histoire d’une "dream team"

Par Vincent Bissonnet
  • Les Toulonnais ont remporté leur premier titre européen face à Clermont en 2013.
    Les Toulonnais ont remporté leur premier titre européen face à Clermont en 2013. Spi / Icon Sport - Spi / Icon Sport
Publié le Mis à jour
Partager :

Il y a dix ans, le RCT montait sur le toit de l’Europe. S’ouvrait une ère aussi fulgurante que tonitruante qui a vu une galaxie de stars tout rafler ou presque sur son passage. Retour cette épopée fantastique qui n’a laissé personne indifférent.

C’était il y a seulement dix ans mais c’était un autre monde : à l’époque, les géants de la décennie d’avant, Toulouse et Biarritz en tête, sont sur le déclin, le XV de France commence à sérieusement patauger, les Jiff et le salary cap en sont encore au stade du balbutiement. L’actualité du rugby français est alors en grande partie rythmée par les sorties en tous genres de Mourad Boudjellal et par les coups d’éclat des vedettes empilées sur les bords de la rade.
"Ici, tout est différent" : rarement un slogan aura été si bien choisi pour décrire un club. Le RCT ne ressemble à aucune autre écurie avec son vestiaire débordant de stars internationales, compilées au fil des années : Andrew Sheridan, Matt Giteau, Carl Hayman, Jonny Wilkinson, Bakkies Botha, Danie Rossouw, Chris Masoe… Le projet est clair et net : constituer une ligue des champions, sorte de « Dream Team » ovale, pour collectionner un maximum de trophées. Les tenants du rugby de terroir et les garants d’une conception idéalisée du collectif ne taisent pas leur incompréhension pour ne pas dire plus. Toulon excite, Toulon dégoûte, Toulon fascine : en clair, Toulon ne laisse personne indifférent. Les détracteurs se gaussent des échecs initiaux de l’armada : en 2010 et 2012, elle échoue en finale de Challenge Cup ; en 2011, elle termine à une piteuse huitième place au classement final du championnat ; l’année d’après, elle craque in extremis face à Toulouse dans sa quête de Brennus.

"Des rock stars, des mercenaires…"

L’année 2013 marque un tournant. Un juge de paix. Clermont, avec son collectif si bien huilé, son projet équilibré, son identité fièrement portée en étendard, est promis à la gloire. On prédit volontiers une belle dynastie à Cotter et ses protégés. Tel paraît alors être le sens de l’histoire. Le 27 avril, à La Mosson, l’ASM domine d’ailleurs le Munster de Ronan O’Gara (16-10) pour accéder à la première finale de H Cup de son histoire. Le lendemain, Toulon a rendez-vous sur la pelouse des Saracens pour un défi majuscule. Les Varois pénètrent dans l’arène de Twickenham avec l’espoir de rejoindre leur rival auvergnat. Le RCT ne produit pas un jeu aussi léché et n’est pas aussi constant dans ses performances mais il porte en lui un instinct de vainqueur sans égal. À Londres, il en fait l’épatante démonstration, comme l’avait promis Steffon Armitage dans l’avant-match : "On a beaucoup dit que nous étions des rock stars et des mercenaires. Si cela signifie que nous voulons gagner des trophées et faire plaisir au public, alors oui, c’est ce que nous sommes. Nous voulons montrer à tout le monde que nous sommes une équipe et il n’y a pas de meilleur moyen d’y parvenir que de gagner cette compétition." Ce qui peut passer pour de la prétention n’est rien d’autre que de la confiance. Car les mots sont suivis par des actes. Le 18 mai 2013, à Dublin, la destinée de la bande de rock stars ou de mercenaires, c’est selon, va prendre forme. Dominé dans le jeu et au tableau d’affichage, sur le point de craquer devant la déferlante de vagues jaunes et bleues, le RCT va finalement crucifier l’ASM grâce à une résilience étonnante et à un réalisme assassin.

"On ne méritait vraiment pas de gagner cette finale"

Carl Hayman se souvient de ce jour unique qui avait marqué l’avènement de ce groupe si particulier : "Sur le plan sportif, on avait tout laissé sur le terrain. Clermont avait tous les ballons, on ne faisait que plaquer, notre défense était massive. Je crois d’ailleurs que c’est le match où j’ai fait le plus de plaquages. On ne méritait pas vraiment de gagner cette finale. Mais avec la détermination et l’essai de Delon Armitage, nous avons finalement réussi à gagner." Le pari de Mourad Boudjellal, aux manettes de la console de jeux, se révèle payant pour le plus grand bonheur des Fadas et autres Fils de Besagne : à compter de ce 18 mai 2013, sa galaxie de champions va se mettre à briller encore plus fort jusqu’à tout éblouir. Les grognards Carl Hayman, Bakkies Botha et Juan Smith règnent avec autorité sur le combat d’avants, Jonny Wilkinson et Matt Giteau, les deux cerveaux de l’équipe, retrouvent toute leur superbe, Steffon Armitage et Mathieu Bastareaud renversent tout sur leur passage… Avec ses centaines de sélections et son arc-en-ciel de nationalités, le RCT parvient à se forger une osmose. Autour d’un objectif commun : tout rafler.

"À mon arrivée, Toulon avait recruté une quinzaine de joueurs, se remémore Carl Hayman. Par la suite, il y avait eu de moins en moins de recrues. Au début, nous étions peut-être éclatés, mais, au fil des saisons, je crois que le groupe s’est resserré. Chacun était extrêmement professionnel, nous avions un groupe assez âgé et beaucoup de critiques avaient émergé en disant que nous étions une bande de mercenaires. Ce n’était pas le cas. Nous avons eu des hauts et des bas mais nous avons toujours travaillé comme des fous. Je peux dire aujourd’hui que le temps fort de ma carrière a été mon passage à Toulon. Tous les titres que nous avons gagnés, l’ambiance dans la ville, les joueurs avec qui j’ai joué… C’était fou !"

"C’étaient des bêtes de combat"

Après avoir laissé filer de peu le doublé en 2013, la bande à Wilko réalise cette performance formidable au printemps 2014 avant de conquérir, un an plus tard, un troisième titre européen consécutif. Une fois encore face à Clermont. Quoi que puisse en penser une partie du rugby français, ce sont les gagnants qui écrivent l’histoire. Et qui posent la morale de l’histoire. Elle est simple mais implacable : quand vous empilez les joueurs au palmarès conséquent, des champions du monde, des internationaux de renom, vous avez plus de chance de soulever des trophées. La science de la victoire était en eux. Comme inscrite dans leur ADN. Jacques Delmas, alors entraîneur des avants, se souvient : "Je me rappelle encore des séances de mêlée. Au bout de vingt minutes, Bakkies levait la tête et me demandait : "It’s OK, Jackie ?" Pourquoi est-ce que j’aurais forcé, pourquoi leur en demander plus ? Je savais que les gars seraient prêts le jour J. En phases finales, c’étaient des bêtes de combat." Des champions. Des capitaines chacun à leur manière. "Le grand Toulon n’avait pas besoin de coach", osait même récemment Matt Giteau. "Tu leur donnais un ballon et tu leur disais : "Faites ce que vous savez tous faire.""

Pour mener la troupe à bon port, Mourad Boudjellal n’aurait tout de même pu trouver entraîneur plus approprié que Bernard Laporte. Avec son aura et son franc-parler, l’ancien sélectionneur a su gérer les ego de chacun et mobiliser l’état d’esprit de ces compétiteurs. Dix ans après, nombreux sont les observateurs à apprécier que l’ère des galactiques du RCT, tumultueuse, onéreuse, cosmopolite, appartienne au passé. Mais plus aucun ne peut aujourd’hui affirmer – à moins d’une mauvaise foi carabinée – que le RCT du milieu des années 2010 n’était qu’une bande de mercenaires. Ce qui était à l’origine une équipe de rêve sur le papier est devenu une incroyable machine à gagner. La plus clinquante, peut-être, qu’ait connue le rugby français à l’ère professionnelle.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?