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Faumuina : « J'espère vraiment que les Frenchies gagneront contre les All Blacks »

  • Charlie Faumuina Charlie Faumuina
    Charlie Faumuina
Publié le Mis à jour
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Aussi discret dans les médias que percutant sur un terrain, le champion du monde néo-zélandais du Stade toulousain nous a accordé une longue interview pour évoquer ses souvenirs en sélection, son attachement à la France où il s’est installé il y a cinq ans, mais aussi la génération de surdoués tricolores qu’il côtoie en club et à qui il souhaite de vaincre « ses » Blacks au Stade de France dans quelques semaines…

Pat Lam, qui fut votre entraîneur aux Blues d’Auckland, a dit un jour que vous aviez le jeu de jambes d’une ballerine… Dites-nous tout, est-ce que vous portez souvent des tutus ?
(Il éclate de rire) Ooooh non bien sûr que non ! Je pense que Pat a dit ça parce qu’il trouvait que j’avais de bons appuis avant contact, que je tentais toujours un petit cadrage débordement avant d’aller défier la défense, mais cela s’arrête là !

Il a aussi dit que vous étiez un bon danseur, c’est vrai ?
(rires) Non non non, ce n’est pas vrai… Là, il a menti !

Plus sérieusement, d’où vous viennent ces appuis que l’on retrouve rarement chez les piliers droits ?
Quand on est petit, on veut tous jouer derrière, porter le ballon le plus souvent possible, marquer des essais et faire les mêmes feintes que Carlos Spencer ou Joe Rokocoko. C’était le cas pour moi. Je voulais faire comme eux, être comme eux… Le problème, c’est que j’ai été rapidement bien trop costaud pour jouer à leurs postes. Donc on m’a rapidement déplacé à l’avant de la mêlée, et j’y suis resté. J’ai tout de même continué à travailler ces appuis, parce que cela me plaisait et que cela était utile sur le terrain.

Vous rêviez donc d’être un trois-quarts ?
Quand tu joues à toucher avec des potes, tu veux être celui qui fait le jeu. C’est un peu comme en foot US où tous les gamins rêvent au départ de devenir le quaterback plutôt que de jouer dans la ligne défensive. Moi, j’avais envie de marquer des essais, de faire des feintes de corps ou de taper des coups de pied rasants pour traverser la défense !

Carlos Spencer était-il votre modèle ?
Il en fait partie oui, mais Jonah Lomu m’a également énormément influencé quand j’étais môme. Cela venait notamment du fait qu’il était issu de la banlieue sud d’Auckland, là où j’ai grandi.

Votre gabarit vous a donc empêché de jouer derrière, vous n’êtes donc pas heureux de ce corps que vous a offert Dame Nature ?
Oh si, ce corps m’a donné plus de quinze ans de rugby professionnel, et ce n’est pas encore fini. Grâce à lui, je peux nourrir ma famille. Je suis heureux de jouer au rugby, et de surcroît depuis aussi longtemps. Donc non, je suis très reconnaissant envers Dame Nature.

On demande de plus en plus aux piliers de participer au jeu courant. En ce sens, vous faites figure de précurseur, puisque ces habiletés techniques ont toujours été vos points forts…
Je ne me considère pas comme un précurseur, tout comme je ne pense pas que mes habiletés techniques soient si bonnes que cela… N’importe quel joueur de rugby doit être capable d’attraper le ballon, de le passer, de courir… J’essaye donc juste de faire mon boulot du mieux possible, mais je ne suis pas le premier dans le genre. D’autres piliers qui m’ont précédé avaient de très bons skills également. Et puis comme vous l’avez dit, le rugby moderne l’exige de plus en plus. On doit savoir faire tout cela, et il faut s’exercer tous les jours, même si on est un pilier.

Charlie Faumuina lors de son entretien
Charlie Faumuina lors de son entretien

Le staff des All Blacks vous demandait-il de travailler ces skills de passes, d’appuis, etc?
Oui, cela faisait partie des fondamentaux. Quand je regarde en arrière, c’est ce qui me plaisait le plus avec les All Blacks : ils demandent que les choses les plus simples soient faites de manière parfaite. Les gens pensent que faire une passe est facile, et que cela ne mérite pas de passer beaucoup de temps dessus, qu’il vaut mieux se concentrer sur les systèmes d’attaque, de défense… C’est faux. Les Blacks travaillent ces systèmes bien sûr, mais tous les jours ils révisent ces fondamentaux. Chaque entraînement débute par des ateliers simples de passes ou de petites habiletés techniques. Avant de faire tous les trucs spectaculaires comme les offloads, il faut s’assurer que les fondations sont solides. Et les bosser tous les jours.

Vous avez aussi commencé par jouer au rugby à XIII, qu’est-ce que votre formation de treiziste vous a apporté ?
J’ai commencé le rugby à XV quand j’avais dix ans. J’y ai joué deux ans puis je suis passé au XIII pendant environ cinq ans, jusqu’à mes 17ans. Le rugby à XIII m’a permis de comprendre comment il fallait courir vers une défense, quelle ligne suivre. J’ai aussi bien bossé mon sens du timing, ainsi que les passes après contact qui sont essentielles à XIII. La défense aussi, car on travaille beaucoup la technique de plaquage. Avec le recul, je peux dire que cette discipline m’a beaucoup apporté. Et puis j’ai adoré ça : j’adore plaquer, j’adore défier balle en main… Tu ne fais que ça au rugby à XIII !

Pourquoi n’avez-vous pas continué ?
L’équipe de rugby à XV de mon lycée m’a proposé de participer à une tournée en Afrique du Sud. Je n’ai pas pu refuser, c’était trop tentant. Ensuite, je suis revenu, j’ai intégré un club à XV et j’y suis resté. Et puis après j’ai intégré les sélections nationales de jeunes…

Vous n’avez pas de regrets quant au fait d’avoir abandonné le XIII ?
Non, franchement, je suis très heureux de la direction que j’ai prise. Je suis très content de ma carrière. Je continue à regarder quelques matchs à XIII et je supporte naturellement les Warriors ! (seule franchise néo-zélandaise qui évolue en NRL, et basée à Auckland, N.D.L.R.).

Comment avez-vous pris la décision de mettre fin à votre carrière internationale?
La décision a été difficile à prendre. Ce n’était pas facile de quitter mon pays. Mais je suis arrivé à un point où je prenais moins de plaisir à jouer, j’avais besoin de changement. Et puis on ne va pas se mentir : financièrement, signer ici me permettait d’assurer l’avenir de ma famille. On ne peut pas dire qu’on n’est pas venu pour ça, car de toute évidence, la dimension financière est souvent présente dans les transferts d’un hémisphère à un autre. Après, l’argent n’explique pas tout. Comme je vous le disais, j’avais besoin de retrouver l’étincelle. J’ai adoré tout le temps passé aux Blues ou avec les All Blacks, mais je voulais découvrir quelque chose de différent.

En cinquante sélections, vous n’avez été titulaire qu’à douze reprises. Votre carrière internationale a-t-elle été frustrante ?
Je l’ai été par moments, notamment au début, quand je n’ai plus commencé les matchs. Mais j’ai compris que l’équipe ne se limitait pas aux titulaires. Certes, j’ai souvent démarré sur le banc mais j’ai toujours eu un rôle, une mission. Et c’était le cas pour tout le monde, même ceux qui n’étaient pas sur la feuille. Tout le monde avait quelque chose à faire pour que l’équipe soit prête. On était tous obnubilés par le fait de gagner le week-end. Il fallait tout faire pour et on savait que discuter sur qui est titulaire ou non ne mènerait à rien. Bien sûr que je voulais démarrer le match, je n’aurais pas laissé ma place ! Mais on fonctionnait comme ça au sein des All Blacks.

Quand vous prenez cette décision vous n’avez que 30 ans, 50 sélections, un titre de champion du monde et une participation à la tournée des Lions Britanniques, sur laquelle vous avez arrêté. Aviez-vous le sentiment d’avoir tout vécu ?
Ça fait pas mal de trucs oui ! Mais je n’ai pas eu le sentiment d’être arrivé au bout, ou d’en avoir assez. C’est assez typique de cette équipe : elle ne veut jamais s’arrêter, elle en veut toujours plus. Quand je suis arrivé en France, on me disait « Wow, tu es champion du monde! » mais moi je n’avais pas le sentiment que cela venait terminer quoi que ce soit, ou que cela me rassasiait. Cette équipe veut être la meilleure de tous les temps, point barre. Il y a des tas d’équipes qui ont été très fortes, qui ont marqué l’histoire du rugby. Mais on voulait être la meilleure de toutes. On chassait en permanence les records de toutes sortes : le pourcentage de victoires, les séries de victoires, les statistiques, etc. Et on ne se limitait pas à la saison en cours. On s’intéressait à l’histoire, au passé. Même quand il n’y avait rien à gagner, on voulait gagner quand même car la victoire nous rapprochait de tel ou tel pourcentage.

C’était donc sans fin ?
C’est exactement ça : c’était sans fin. Cela nous permettait de rester mobilisés en permanence. On dit souvent qu’après un titre mondial, les équipes ont tendance à faiblir, voire à s’effondrer après avoir atteint leur pinacle. Nous, on voulait faire mieux que ça. On voulait rester au sommet, tout le temps. C’est pour cela que les All Blacks voulaient remporter une troisième Coupe du monde d’affilée en 2019 : parce que cela n’a jamais été fait auparavant. Et pour faire ce genre de trucs, tu n’as pas seulement besoin de 15 ou 23 mecs : tu as besoin de tout le monde.

Quel rugby avez-vous découvert en France?
Toulouse pratique un rugby qui ressemble assez à celui de chez moi, donc je n’ai pas été trop dépaysé. Ici, on privilégie le jeu debout, on fait des passes après contact ou devant la défense, comme en Nouvelle-Zélande. En revanche, ce que j’ai appris ici c’est qu’il faut être patient. Il ne faut pas essayer de marquer un essai d’emblée, mais plutôt construire une dynamique, enchaîner les temps de jeu pour gagner de la vitesse avant d’essayer de marquer.

Faumuina et ses coéquipiers lors de la finale du TOP 14 2019
Faumuina et ses coéquipiers lors de la finale du TOP 14 2019 Icon Sport - Icon Sport

Vous avez aussi découvert l’importance que l’on donne en France à la mêlée ?
Oh oui… C’est vraiment révélateur de l’état d’esprit du rugby français. Ici, gagner une pénalité sur une mêlée donne un avantage psychologique quasiment équivalent à la marque d’un essai. En Nouvelle-Zélande, la mêlée ne sert qu’à donner le ballon aux trois-quarts. La mêlée n’est pas une fin en soi chez nous, alors qu’ici c’est un vrai match dans le match. Mentalement, tout le monde se remonte autour de la mêlée : les supporters, mais aussi nos arrières. Quand la mêlée va bien, tout va bien.

Les piliers sont donc les stars de l’équipe ?
Un peu oui ! Mais quand je suis arrivé, ce fut difficile pour moi. J’ai mis du temps à comprendre tout ça, à me rendre compte de cette importance. Mes partenaires m’ont expliqué. Maintenant ça va mieux. En match, quand Julien (Marchand) ou « Cissou » (Cyril Baille) me disent : « Ok, celle-là, elle est importante, il faut la gagner », je me dis « Allez, c’est parti, on va chercher à gagner la pénalité ». En Nouvelle-Zélande, les piliers préfèrent s’économiser en mêlée pour aller ensuite jouer avec les trois-quarts. Je pense que toutes les nations arrivent aujourd’hui à un équilibre. On ne peut pas jouer à fond toutes les mêlées, mais il y en a certaines que l’on ne peut se permettre de perdre.

On nous a raconté que c’est Dorian Aldegheri qui vous a initié aux secrets de la mêlée à la française… C’est vrai ?
Oui, c’est vrai, mais il n’a pas été le seul. À mon arrivée, j’ai pas mal travaillé avec William (Servat), qui m’a expliqué que la mêlée était là où l’on construisait les victoires en France, et où les piliers étaient valorisés par les supporters et dans la presse. Et j’ai totalement adhéré à cette façon de penser : maintenant, j’estime que c’est un match dans le match.

Vous vous retrouvez donc dans ce jeu à la française ?
Oui. Je dirais même qu’on ne comprend pas l’importance de la mêlée tant qu’on n’a pas joué en France.

Jerome Kaino vous a rejoint à Toulouse l’année suivant votre arrivée. Avez-vous joué un rôle dans sa venue ?
(rires) Je ne sais pas si j’ai joué un vrai rôle, mais on a pas mal échangé par téléphone, par textos ou de vive voix. Il m’a demandé ce que je pensais de l’équipe, je lui ai répondu que cette équipe était en plein développement, qu’elle progressait vite et qu’elle jouait un bon rugby. Elle a beaucoup de talent, elle a besoin d’expérience et de repères pour continuer à se développer.

Ce n’est pas bizarre d’être entraîné par son ami, son ancien coéquipier en club et en sélection ?
Oh non, vous savez Jerome reste mon pote et puis il dégage tellement qu’il impose le respect. Contrairement à d’autres entraîneurs, tu n’as pas vraiment envie de le charrier ou de discuter ce qu’il dit. Je dis ça pour les entraîneurs « normaux », entre guillemets : ce n’est pas facile de garder 40 mecs concentrés en permanence sur tout ce que tu dis. Je n’ai jamais entraîné, mais je l’imagine. Parfois, nous, les joueurs, on peut se lasser du quotidien quand on s’entraîne tous les jours avec les mêmes techniciens. Certains joueurs ont tendance à glander un peu, à faire les imbéciles. Mais je vois qu’avec Jerome, les joueurs n’osent pas. Je le vois dans leurs yeux : Jerome, c’est Jerome. Il est double champion du monde, c’est un monument de notre jeu et c’est absolument génial que l’on possède un mec de ce calibre dans notre club.

Vous jouez avec un grand nombre de membres du XV de France. Pensez-vous qu’ils battront les All Blacks en novembre?
Je pense que l’équipe de France a une bonne chance de les battre, oui. S’ils commencent bien leurs tests contre l’Argentine et la Géorgie, s’ils gagnent assez de confiance, ils auront une vraie chance. Le plus dur, dans les tournées, ce sont les premières semaines. Il faut rapidement créer une dynamique. C’est ce que les Français devront faire car à la différence des Blacks, ils ne jouent pas ensemble depuis deux ou trois mois. Alors certes, ils seront un peu fatigués par l’enchaînement du Rugby Championship et de la tournée, mais ils maîtriseront leur rugby sur le bout des doigts. Tout sera en place, et ils sauront en plus que ce sera leur dernier match avant de rentrer à la maison. Donc ils donneront absolument tout.

Quels joueurs du XV de France vous impressionnent ?
Il y en a déjà quelques-uns ici ! Je vais citer Romain Ntamack, « Toto » (Antoine Dupont) également… Ces mecs sont tellement doués et talentueux. Antoine, c’est comme un avant supplémentaire pour nous. Quand il a le ballon, il est une telle menace pour la ligne défensive adverse que c’est comme si on avait un deuxième numéro huit ! Il donne tellement de fil à retordre aux défenseurs… Et puis j’hallucine sur sa capacité à enchaîner les matchs : il est avec nous, il joue le 6 Nations, il revient et rejoue direct, il repart avec l’équipe de France… Et tout cela alors qu’il est encore si jeune. Je trouve aussi qu’il a beaucoup de pression sur lui. On l’expose beaucoup, alors qu’il n’a que 22 ou 23 ans et sa carrière est encore très longue… C’est pareil pour Romain, Julien (Marchand), Peato (Mauvaka) ou Cissou. Ces gosses ont une telle passion… Je suis ravi de jouer avec eux.

Et en dehors de Toulouse ?
Je citerais Grégory Alldritt, de la Rochelle. Il est vraiment fort. Il nous pose toujours de sacrés problèmes quand on joue contre lui.

À votre avis quels Tricolores pourraient être titulaires à ce jour avec les All Blacks ?
Wow ! Pas facile cette question… Antoine ? Ah mais en face il y a Aaron Smith, merde… Oh remarque, je crois qu’il pourrait débuter à sa place ! Ensuite, qui d’autre ? Je pense que Cissou et Ju Marchand pourraient débuter aussi. Julien serait en concurrence avec Codie Taylor et le choix ne serait pas évident ! En plus ils se ressemblent vraiment, Ju et Codie sont des joueurs très agressifs. Ensuite, qui je pourrais mettre ? Je songe à des joueurs en dehors de Toulouse… Ah ! Virimi Vakatawa. Je pense qu’il pourrait débuter avec les Blacks, et Gaël Fickou pourrait prendre place sur le banc. Vakatawa est une vraie menace pour les défenses… Il réussit des passes après contacts incroyables.

Charlie FAUMUINA face aux Bleus en quart de finale de la coupe du monde 2015
Charlie FAUMUINA face aux Bleus en quart de finale de la coupe du monde 2015 Dave Winter / Icon Sport - Dave Winter / Icon Sport

Comme Aaron Smith l’a dit il y a quelque temps, pensez-vous qu’Antoine Dupont soit le meilleur demi de mêlée au monde actuellement ?
Je pense qu’il a raison, oui. J’ai joué avec les deux, et je crois qu’Antoine a des qualités très spéciales. Ce sont deux joueurs incroyables, mais qui ont des supers pouvoirs différents.

C’est-à-dire ?
Aaron n’est pas aussi physique qu’Antoine, il défie moins les défenses. En revanche, il a une qualité de passe inégalée. Son génie, c’est que dans n’importe quelles conditions, il va te faire la même passe parfaite. Dans tous les cas, elle sera rapide, longue et tendue. Et ça, c’est extrêmement rare chez les demis de mêlée, dont la qualité de passe dépend généralement beaucoup de la qualité du ruck. Aaron, lui, même si les adversaires contestent, si le ballon est glissant ou s’il est sous pression, il va te taper son coup de pied dans la boîte exactement de la même façon que s’il n’était pas sous pression. Et le ballon tombera toujours au même endroit, à un mètre près. Pareil pour sa passe : même si le ruck n’est pas propre à 100 %, il va trouver le moyen d’extraire la balle et de l’accélérer. C’est hallucinant. Sa qualité technique est incroyable. Aaron est le joueur idéal pour n’importe quel demi d’ouverture. Toto, lui, c’est différent. Il peut te faire un exploit avec rien du tout. Il est vraiment puissant mais il te feinte, il prend le trou, va défier un défenseur et te sert après contact. Tout ça, en quelques secondes. Franchement, je n’aimerais pas l’affronter.

Qui supporterez-vous en novembre ?
Mon cœur me dirait de supporter les AllBlacks… Mais j’espère vraiment que les Frenchies gagneront le match. Qu’ils le gagnent pour eux, pour ce qu’ils ont construit. Et puis ce serait génial en vue de 2023, ça leur donnerait beaucoup de confiance. Mais peu importe le résultat, ils devront continuer à construire en vue du Mondial. La grosse différence avec le passé, c’est que le XV de France a une profondeur d’effectif incroyable maintenant. Avant, ils avaient un pilier, un talonneur, etc. maintenant il y a trois ou quatre talonneurs qui peuvent commencer le match ! C’est grâce à cette concurrence que tu fais progresser l’équipe. C’est ainsi que les All Blacks ont toujours progressé.

En parlant de souvenirs, vous étiez du quart de finale de la Coupe du monde 2015, quand les Blacks avaient laminé la France 62 à 13. Vous souvenez-vous de leur détresse ce jour-là ?
Pas vraiment non… Mais cette équipe n’avait pas eu de chance, franchement. Quand on a appris qu’on affronterait la France en quart, on s’est remontés comme jamais.

Pourquoi ?
Parce qu’historiquement, vous avez toujours été l’équipe qui nous a posé des problèmes, qui nous a mis au fond du seau. Alors on s’est remontés la tête. Du lundi jusqu’au match. Et c’est monté progressivement. On a lu partout que les Bleus pouvaient nous battre, qu’ils pouvaient nous éliminer. On s’en est servis, et on s’est resserrés. Le jour du match, on a ouvert les vannes, et on a relâché cette pression. Par malchance pour eux, les Bleus étaient en face.

Vous avez donc abordé ce match avec la peur de le perdre ?
Non car ce n’était plus de la peur. C’était une gigantesque détermination à montrer au monde qu’on n’allait pas perdre contre les Français. Pas cette fois. Pas comme dans le passé. On était dans un tel état avant le match que je pense qu’aucune équipe ne nous aurait battus ce jour-là. On était absolument sûrs de nous.

En 2016, vous vous étiez imposés de peu face à la France, et vous aviez avoué avoir été battu en mêlée fermée par celui qui allait devenir votre partenaire en club, Cyril Baille…
Les Bleus avaient obtenu une pénalité en mêlée fermée et ils avaient marqué un essai derrière. C’était la première fois que je me retrouvais face à Cissou, et je dois reconnaître qu’il avait gagné cette bataille. Ce jour-là, seulement ! (rires)

Est-ce que porter le maillot des All Blacks vous manque ?
(Il hésite) Hmmm… Je dirais que non. Bien sûr que ne plus jouer avec eux me manque, car ce qu’il se passait dans cette équipe était très spécial. Chacun se préoccupait de l’équipe avant tout. Ce qui me manque, c’est cette camaraderie parce que j’ai vécu des trucs forts avec eux. Mais franchement, j’ai fait mon temps avec les Blacks, et je suis très heureux de ce que j’ai fait. Je ne peux pas me retourner et me dire que j’aimerais y retourner. Je profite autant des moments passés ici, au Stade toulousain.

Et le haka vous manque ?
J’ai pris beaucoup de plaisir à l’exécuter oui… Mais c’est pareil, c’est derrière.

Cela vous fait quel effet de le réaliser avant un match ?
Ce n’est pas pour impressionner l’adversaire ou pour se la raconter, c’est juste pour réaliser quelque chose de façon parfaitement coordonnée et cela donne un sentiment d’unité. Cela montre que toute l’équipe est sur la même longueur d’onde. C’est comme sur le terrain, il faut que tout le monde soit coordonné.

Quelle est votre relation avec la France aujourd’hui ?
Je sens que c’est ma maison maintenant. Je me sens bien ici.

La Nouvelle-Zélande vous manque ?
Pas tant que ça… C’est surtout ma famille qui me manque. Mes parents, par exemple. Mais la France est vraiment devenue ma deuxième maison.

Votre contrat s’arrête en juin 2022, que ferez-vous après ?
J’aimerais vraiment faire encore une année ici. Je veux être ici pour la Coupe du monde 2023.

Et si les All Blacks vous rappelaient, suite à une cascade de blessures comme c’est arrivé pour le pilier australien Greg Holmes, qui a été rappelé en septembre dernier à l’âge de 38 ans ?
Franchement, je ne sais pas si j’en serais capable… Je pense que je n’ai plus le niveau. Il me semble très très improbable que les All Blacks aient besoin de moi. S’ils le faisaient, c’est qu’ils seraient vraiment désespérés ! (rires)

On sait aussi que vous prenez souvent de jeunes joueurs à la fin des séances sur de petits ateliers techniques. Est-ce pour progresser individuellement, pour transmettre aux jeunes, ou pour préparer une reconversion au poste d’entraîneur ?
Je ne me vois pas en tant qu’entraîneur. Du moins, ce n’est pas ce à quoi je rêve. Après, je pense que c’est dans mes cordes car les jeunes sont souvent très contents de ce que je leur propose. Après, j’estime que c’est dans mon devoir que de transmettre ce que j’ai appris en 15 ans de carrière. Tu le fais pour ton équipe, pour qu’elle progresse sans cesse. Les numéros un doivent aider les autres à se hisser à leur niveau. Et puis tu le fais aussi pour toi : le fait d’expliquer ta technique de plaquage ou le nettoyage d’un ruck te permet de les travailler, tout simplement. Et encore une fois, il faut travailler ces bases toutes les semaines. Sinon, tu rouilles.

Charlie Faumuina en finale de coupe d'Europe face à Atonio
Charlie Faumuina en finale de coupe d'Europe face à Atonio Icon Sport - Icon Sport

Raserez-vous un jour votre barbe ?
Wow… ça fait tellement partie de mon look ! J’ai toujours porté une barbe. Je l’ai rasée à deux occasions : une fois pour mon mariage, et une fois pour une opération de charité en faveur de la recherche pour le cancer. Mais à chaque fois, je n’ai fait que la raccourcir. Je ne l’ai jamais coupée complètement…

Vous savez qu’elle est l’un des facteurs qui fait que l’on vous confond avec le pilier rochelais Uini Atonio…
Je le sais ! Un jour, en Nouvelle-Zélande, je suis tombé sur un couple de touristes français qui m’ont pris pour lui ! Ils m’ont abordé en m’appelant « Uini », et j’ai tout de suite compris car je connaissais déjà Uini Atonio. Ils m’ont demandé une photo, j’ai accepté avec plaisir mais je leur ai expliqué que je n’étais pas celui qu’il croyait. C’était assez drôle ! Je connais d’ailleurs très bien son grand frère et depuis, on s’est pas mal croisé sur les terrains.

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