Abonnés

Servat : «Au Stadium, j’ai vécu des moments fous»

Par Jérémy FADAT
  • Servat : «Au Stadium, j’ai vécu des moments fous»
    Servat : «Au Stadium, j’ai vécu des moments fous» Icon Sport - Icon Sport
Publié le
Partager :

William Servat (Co-entraîneur de la conquête et des tâches spécifiques du XV de France) - L’ancien talonneur, qui revient sur la victoire face aux Springboks et ce qu’elle représente, va vivre un rendez-vous particulier dimanche au Stadium, lui qui n’a connu que le Stade toulousain dans sa carrière en club.

Aviez-vous déjà observé, au bord du terrain, une intensité à la hauteur de celle de samedi dernier dans le duel face aux Sud-Africains ?

En fait, on vit les choses différemment suivant le prisme que l’on a. Quand j’étais sur le terrain, je ne m’en rendais peut-être pas compte mais, en tant qu’entraîneur aujourd’hui, j’ai l’impression d’être bien plus fatigué après les matchs que lorsque je jouais (sourire). Cela peut paraître incroyable mais c’est tellement vrai. L’intensité des rencontres que l’on vit, dont celle-ci évidemment, est juste fantastique, presque irrationnelle.

À ce point ?

Oui, on a la chance de baigner dans notre passion et de ne vivre que des moments d’une intensité folle avec cette équipe de France. Fabien (Galthié, NDLR) dit parfois qu’on touche le sublime dans notre préparation et dans tout ce que l’on y met. C’est vraiment le cas.

Mais, sur le plan physique, le défi que vous avez eu à relever à Marseille a été immense…

J’ai affronté les Sud-Africains en tant que joueur, notamment à Toulouse d’ailleurs en 2009. Et je sais ce que cette équipe représente, ce que l’avoir en face signifie. Mais je sais aussi ce dont notre XV de France actuel est capable. Ce que nous avons fait jusque-là est bien sûr déjà très bien, parce qu’on a la chance d’avoir un groupe de joueurs bons sur le terrain et au sein duquel la relation humaine est saine, mais affronter les Springboks était encore autre chose. On a des mecs d’une grande générosité et, quand on décide de partir ensemble au combat… (Il s’arrête) Vous savez, on ne va pas à la guerre et on ne risque pas grand-chose, si ce n’est une blessure liée à un coup. Mais lorsqu’on atteint cette notion de combat qui autorise et nécessite le dépassement de soi, on a vraiment des garçons qui répondent présent et en lesquels j’ai une confiance absolue.

Dans la construction de cette équipe, en quoi fallait-il, à un moment, se mesurer aux champions du monde en titre et à ce qu’ils représentent ?

C’était très important. On avait eu le privilège d’affronter les autres principales nations du sud, que sont l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Argentine. À chaque fois, c’est une nouvelle étape, une nouvelle marche. Chacun de ces matchs fut une possibilité de grandir en tant qu’équipe. Et on les a gagnés. L’Afrique du Sud était donc la seule nation que nous n’avions pas encore eu l’opportunité d’affronter. Les Springboks, ce sont tout de même les champions du monde en titre.

Ce qui compte dans l’esprit des compétiteurs que sont les Bleus actuels…

Oui, l’Afrique du Sud est l’équipe référence de la dernière Coupe du monde. C’était donc bien évidemment un match particulier pour les joueurs et pour nous. Après, on a bien conscience que l’hémisphère Sud vit sa fin de saison, quand nous sommes en début de saison. La réalité se jugera sur la prochaine Coupe du monde avec un départ sur la même ligne pour tous.

Le XV de France a-t-il grandi samedi dernier ?

Ce match était capital dans la construction de notre équipe. Il fallait passer par cette phase. Pour nous, c’était de la construction. Mais, quand on affronte l’Afrique du Sud, on sait que c’est souvent de la destruction. Samedi dernier, nous avons tapé et nous avons mesuré l’intensité que les Springboks étaient capables de mettre. Je pense sincèrement, du moins je l’espère, que cette rencontre va nous faire grandir dans l’approche de nos futurs rendez-vous et avoir une maturité bien plus importante que celle que l’on avait avant ce match.

D’autant que, comme l’Australie une semaine auparavant, votre adversaire a su vous contrarier stratégiquement mais vous avez encore trouvé les ressources pour l’emporter sur la fin…

Oui, c’est positif sur le scénario du match, par rapport aux soucis qu’on a pu rencontrer, notamment le carton rouge de Toto (surnom d’Antoine Dupont, NDLR), notre capitaine qui est ô combien important par sa qualité de joueur mais aussi par ce qu’il représente humainement dans le groupe. Mais je retiens la prestation de ceux qui sont entrés en jeu. Entre l’équipe qui a démarré l’aventure du dernier grand chelem et celle qui a fini le match contre l’Afrique du Sud, je crois qu’il ne restait que trois joueurs sur le terrain.

Qu’est-ce que cela signifie ?

On discute parfois des quarante-deux joueurs qui sont retenus en début de semaine. Mais ce n’est pas un doux rêve. C’est juste la mise en place d’un système qui permet aujourd’hui d’avoir des joueurs capables d’entrer directement dans le bain, sans période transitoire, et d’avancer.

Vous évoquiez l’exclusion d’Antoine Dupont, qui a laissé place à un flottement à sa sortie au stade Vélodrome et dont l’absence peut peser dimanche…

C’était dû au carton rouge sur le coup mais il n’y a pas eu de flottement. Max Lucu est entré sur le terrain et a été performant, comme il l’a toujours été en équipe de France. Il est notamment allé plaquer un joueur sud-africain (Arendse, NDLR) sur un débordement où il filait à l’essai. Honnêtement, à première vue, il était plus facile de marquer que de ne pas marquer sur cette action. Max a mouillé le maillot, comme un Anthony Jelonch ou un Charles Ollivon qui ont fait tout le match et se sont envoyés (sic) de manière admirable.

Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Cela montre le caractère de notre équipe. Devant, la blessure de Cyril Baille de façon prématurée est quelque chose qui aurait pu nous faire douter mais quand vous voyez l’entrée de Reda Wardi ou celle de Sipili Falatea… Cette force de caractère est énorme aujourd’hui mais elle n’est pas le fruit du hasard. Elle vient de notre manière de vivre, par la confiance qu’on accorde aux joueurs et qui est partagée. La relation est tellement forte qu’elle se retranscrit sur le terrain.

Quand on vient de battre les champions du monde et qu’on termine la tournée face à un adversaire supposé plus faible, comment trouver les ressorts pour ne pas tomber dans une forme de décompression ?

Je comprends toutes les questions qui peuvent se poser sur ce sujet. Mais, justement, le match face à l’Afrique du Sud nous a permis de nous rendre compte que l’on devait encore évoluer. La volonté de faire encore grandir cette équipe est tellement grande qu’elle ne peut pas faiblir sur les matchs à venir. Grandir, c’est quoi ? C’est être précis, efficace et maîtriser encore plus les choses simples et essentielles de notre rugby, quel que soit l’adversaire.

Vous allez donc affronter le Japon à Toulouse. C’est forcément un match à part pour vous…

Bien sûr. Toulouse, j’y suis arrivé quand j’avais 13 ans et j’y vis encore aujourd’hui. J’ai passé vingt-huit ans au Stade toulousain. Forcément, ce match est particulier pour moi. Comme il l’est pour l’ensemble des joueurs qui sont Toulousains ou qui viennent de la région.

Que représente le Stadium de Toulouse dans votre parcours ?

C’est un stade qui, avec mes coéquipiers de l’époque, nous a permis de grandir et de prendre le plus grand plaisir qui soit dans ce sport. Cela a coïncidé avec l’ère du professionnalisme et vivre ça à Toulouse… Moi, c’est mon club de cœur. De toute façon, je ne peux pas dire autre chose, je n’en ai pas connu d’autres (rires). C’est un club qui m’a tout donné. Un club qui n’appartient à personne, ou plutôt qui appartient à tout le monde. Avec le Stade toulousain, j’ai une vraie histoire de famille. Je ne saurais pas le décrire autrement.

Toulouse, c’est l’histoire d’une vie ?

C’est l’histoire de ma vie en tout cas. Vous voyez, même en parlant là, je sens une certaine émotion qui m’envahit et j’ai la petite boule au ventre. Tout ce que j’ai connu dans ma carrière a démarré là.

En quoi le Stadium est-il singulier ?

Quand je pense au Stadium, il me revient tout de suite en tête ces moments où tu es dans le vestiaire et où tu t’apprêtes à en sortir. Tu ne t’entends plus. Tu n’entends que ce stade qui élève la voix pour soulever son équipe et lui permettre de se transcender. Le Stadium, c’était l’honneur des grands matchs pour nous. À Ernest-Wallon, l’engagement et le dévouement étaient évidemment très forts aussi mais, au Stadium, c’était encore plus intense. Ce n’était que des rendez-vous singuliers. Des matchs de phase finale, des derbies, des grosses affiches. C’était en fait les matchs que l’on préférait jouer.

Votre premier match européen au Stadium remonte à octobre 2000 contre les Saracens (défaite 22-32) mais, si vous deviez retenir une rencontre de Coupe d’Europe dans cette enceinte, quelle serait-elle ?

Ce serait la demi-finale contre le Munster (en 2003, NDLR). Globalement, le Stadium était pour nous un lieu de lancement sur la scène européenne. Je veux dire par là que c’est là-bas que nous montions en puissance en phase finale. Nous y avons fait des quarts de finale, des demi-finales. Je retiens aussi des rendez-vous au Stadium sur ma fin de carrière, notamment la demi-finale de Top 14 contre Castres (en juin 2012, NDLR) où j’ai dit au revoir au public toulousain.

Laquelle fin de carrière ? Parce que vous avez encore joué au Stadium ensuite, la dernière fois étant le barrage victorieux face au Racing en mai 2013…

C’est vrai mais, à mes yeux, ma fin de carrière était en 2012. Même si j’ai effectivement rejoué un peu ensuite pour rendre service au club. Mais j’entraînais déjà aussi et je n’étais plus exactement dans les mêmes conditions. Contre Castres en 2012, c’étaient les adieux officiels ! En fait, au Stadium, j’ai toujours vécu des moments complètement fous. Je me souviens, lors de mes premiers matchs, de "Cali" (surnom de Christian Califano, NDLR) qui était arrivé une fois avec des tresses et des sortes de perles dans les cheveux. Il avait débarqué sur le terrain comme ça, c’était incroyable. Mais, pour ce qui est moins drôle, je me rappelle aussi de l’énorme KO de Titi (surnom de Thierry Dusautoir, NDLR) dans un match contre Clermont en 2008, quand il a couru puis quand il est tombé tout seul après un contrat avec Zirakashvili. Cela m’avait beaucoup touché parce que Titi était mon ami.

Vous le disiez précédemment mais vous y avez évolué une fois avec l’équipe de France également, en novembre 2009, pour une victoire historique face à l’Afrique du Sud (20-13). Est-ce l’un des plus beaux moments de votre carrière internationale ?

Oui, c’est certain, il reste à part. J’ai beaucoup de souvenirs de l’avant-match. Quand on raccroche les crampons, on retient surtout les relations qu’on a pu avoir avec certains mecs. Je garde en moi ce que j’ai vécu avec eux dans la préparation plus que dans le match. Et, ce jour-là, la préparation avec Nicolas Mas et Fabien Barcella, avec qui je formais la première ligne, avait été assez unique. Nous étions restés ensemble tous les trois, plus que collés. Je me demande même si on n’avait pas le visage plus irrité en sortant des vestiaires pour aller sur la pelouse qu’à la fin de la rencontre (rires).

Il doit donc vous tarder de revenir au Stadium dimanche…

Oui, j’y serai cette fois avec la tunique bleue et j’en suis très fier. Disons que je serai un peu le régional de l’étape puisque mon cœur reste Toulousain. Ce sera un grand moment pour moi, et pour toute l’équipe.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?