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XV de France - Laurent Sempéré : "L’équipe de France ? Une mission au-dessus de tout"

Par Arnaud BEURDELEY
  • Laurent Sempéré, à gauche, est l'actuel entraîneur des avants du Stade français et intégrera le staff du XV de France au lendemain de la Coupe du monde.
    Laurent Sempéré, à gauche, est l'actuel entraîneur des avants du Stade français et intégrera le staff du XV de France au lendemain de la Coupe du monde. Icon Sport - Icon Sport
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Lundi dernier, Midi Olympique révélait que Laurent Sempéré, entraîneur des avants du Stade français, avait donné son accord à Fabien Galthié pour rejoindre le staff de l’équipe de France à l’issue de la Coupe du monde 2023. Pour la première fois depuis cette annonce et en exclusivité pour Midi Olympique, l’ancien talonneur prend la parole.

Vous attendiez-vous à être sollicité par le sélectionneur Fabien Galthié pour devenir entraîneur du XV de France ?

L’équipe de France, c’est quelque chose de tellement haut, tellement fort, que je n’osais pas y penser. Mais lorsque j’ai su que Fabien s’intéressait à moi, j’ai été très touché. Ça a été un grand honneur. Je savais aussi que, dans le même temps, il échangeait avec d’autres potentiels candidats. Il ne s’en est jamais caché. Nous avons eu quelques discussions et quand il m’a annoncé qu’il m’avait choisi, après une longue réflexion de sa part, ça a été une immense fierté. Savoir que je vais travailler avec les meilleurs est une chance. Mais, je crois qu’entraîner l’équipe de France, ce n’est pas quelque chose que l’on peut attendre.

Comment se sont déroulés les premiers contacts ?

C’est Fabien qui a mené la temporalité de nos échanges, qui a observé mon travail. Je voyais bien qu’à chaque fois qu’il me posait des questions sur des sujets précis, il avait déjà fait des recherches en amont. Fabien a mis en place un process et au fil du temps, nos échanges sont devenus de plus en plus précis. Mais j’ai toujours senti chez lui la volonté de me permettre de rester concentré à 100 % sur mon club, pour ne pas me déstabiliser. Ce n’est pas un hasard si chacun de nos échanges se sont déroulés sur des périodes plus creuses sportivement.

Vous n’avez jamais été international durant votre carrière de joueur, est-ce une revanche ?

Non, pas du tout.

Pourquoi ?

Ma carrière de joueur, j’en suis satisfait. J’ai eu le temps d’analyser les raisons pour lesquelles je n’ai pas eu la chance de porter le maillot bleu. Lorsque je jouais, mon objectif c’était de rendre les autres à côté de moi meilleur, de faire en sorte que l’équipe soit performante et que le résultat soit positif. Ça a toujours été ma philosophie. Je savais que ce n’était pas la meilleure façon de me mettre en valeur individuellement. Mais j’ai toujours été convaincu que c’était le mieux pour l’équipe. Et puis, il y avait des joueurs meilleurs que moi.

D’où vous vient cet état d’esprit ?

Certains diront que c’est mon côté catalan (sourires). Je crois plutôt que cela vient de mon éducation, de mes racines. Je suis issue d’une famille d’entrepreneurs dans laquelle la valeur travail est importante, tout comme l’exemplarité, où on essaie de bien faire collaborer les gens ensemble pour un travail de qualité. Et ça me sert beaucoup dans ma carrière d’entraîneur.

C’est-à-dire ?

Un entraîneur qui commence sa journée à 6 heures du matin pense parfois qu’il est le seul à travailler autant. Seulement, quand je pars au stade à cette heure-là, souvent j’appelle mon frère Bastien. Et lui, il est déjà au boulot. Le soir, c’est pareil. Quand je rentre tard et que je le rappelle, parfois, il est encore à son bureau, parfois il est sur la route pour rentrer chez lui. Il n’a aucune reconnaissance extérieure, si ce n’est le regard de ses employés ou la satisfaction personnelle du travail bien fait. Et pourtant sa responsabilité est immense. Pour être transparent, si je dois avoir une frustration, c’est celle de ne pas avoir pu m’accomplir dans le monde de l’entreprise car c’est un facteur très ancré dans ma famille.

On dit justement que vous êtes un stakhanoviste. À quoi ressemblent vos journées ?

Mes journées, mes semaines sont entièrement consacrées à mon club. Comme tous les entraîneurs du championnat. Ma vie est donc dédiée au rugby, mais aussi celle de ma famille. Je remercie d’ailleurs mon épouse Marie qui, malgré sa vie professionnelle, me permet de me concentrer à l’entraînement sept jours sur sept. C’est elle qui tient la maison à bout de bras et s’occupe de nos deux jeunes jeunes enfants, loin de nos familles respectives. Elle est un soutien précieux pour moi.

On observe dans les autres staffs qu’il y a plusieurs techniciens pour le jeu d’avants or vous êtes seul à le gérer au Stade français. Pourquoi ?

C’est un choix de ma part de gérer seul la mêlée, la touche, les zones de ruck ou encore le jeu d’avants. Ça a été mon choix dès le départ. J’avais la volonté de maîtriser chacun des aspects du métier d’entraîneur. C’est beaucoup de responsabilités, ça m’a permis d’apprendre et d’évoluer plus vite.

Top 14 - Nemo Roelofse et Laurent Sempéré, après la victoire contre Clermont lors de la première journée du championnat.
Top 14 - Nemo Roelofse et Laurent Sempéré, après la victoire contre Clermont lors de la première journée du championnat. Icon Sport - Hugo Pfeiffer

Vous entraînez seulement depuis quatre ans, n’est-ce pas trop tôt pour prendre la responsabilité du XV de France ?

Je pense être prêt pour ce challenge. Depuis quatre ans, je me fixe chaque année des paliers à atteindre, grâce à mes joueurs, à mon club. C’est le bon moment pour continuer à être stimulé, à aller chercher un autre environnement, un niveau beaucoup plus élevé. C’est un challenge qui arrive à point nommé.

Avez-vous hésité avant d’accepter la proposition de Fabien Galthié ?

L’équipe de France, c’est une mission au-dessus de tout. Il n’y avait aucune question à se poser.

Savez-vous déjà comment vous allez fonctionner avec William Servat ?

C’est encore trop tôt. Évidemment, nous avons échangé avec William, c’était important pour Fabien. Le courant est très bien passé. Tout le monde sait qu’il est un excellent technicien. Dans la relation humaine, il est vraiment passionnant. Nous avons testé notre compatibilité et, sans aucun doute, elle est bonne. Maintenant, nous avons tous les deux des projets passionnants à mener dans les prochains mois. Chacun doit rester focus sur ses missions actuelles.

Quelques-uns de vos joueurs sont allés voir le responsable de la cellule recrutement Christophe Moni, en lien avec le futur directeur du rugby Laurent Labit, pour demander à ce que vous restiez dans le staff technique de la saison prochaine. Aviez-vous été sondé pour vous inscrire dans ce projet ?

D’abord, j’ai senti les joueurs heureux pour moi lorsque Midi Olympique a révélé l’information de mon départ en direction du staff de l’équipe de France. J’ai reçu beaucoup de témoignages de leur part. J’ai apprécié car ce sont des gens qui comptent beaucoup pour moi. J’ai eu la chance, pour une très grande partie d’entre-eux de les choisir, de les recruter. Je suis donc très attaché à tous individuellement. Quand je leur ai annoncé, ils ont été formidables avec moi. Ça m’a touché. Quant à votre question, je suis investi à 100 % sur ma mission jusqu’à la fin de la saison. Le prochain épisode, ce ne sera plus mon histoire. Mais le club restera entre de bonnes mains avec Laurent Labit et Karim Ghezal.

On dit que votre force est de trouver et recruter des joueurs qui se marient bien à votre système, des joueurs à fort potentiel que vous faites progresser. Comment fonctionnez-vous ?

Ma motivation principale, c’est de voir mes joueurs progresser sportivement mais aussi humainement. Seulement, il faut trouver des personnes réceptives, qui adhèrent, parce que cela passe par beaucoup de rigueur et d’exigences. Ce sont des critères importants pour moi. J’ai eu la chance de pouvoir participer aux choix des hommes. Thomas Lombard et Gonzalo Quesada m’ont toujours fait confiance dans cette mission.

N’avez-vous aucun regret de quitter le Stade français en fin de saison quand celui-ci commence à retrouver un niveau de performance abouti ?

Le Stade français, c’est sympa quand ça fonctionne. Dans le cas contraire, ça l’est moins, même si on ne s’ennuie jamais (rires). Je n’ai donc aucun regret. Après, comme toutes les ruptures, ce n’est pas jamais simple. Ça a été difficile pour moi de quitter Perpignan, mon club formateur, ma région, ma famille. Aujourd’hui, j’ai évidemment beaucoup d’attaches avec le Stade français. On n’efface pas quinze ans de vie commune d’un simple revers de main. J’ai envie de terminer la saison de la meilleure des façons.

Laurent Sempéré auprès de ses avants à l'échauffement.
Laurent Sempéré auprès de ses avants à l'échauffement. Icon Sport - Alexandre Dimou

Sentez-vous depuis que l’information a été révélée que les regards ont changé sur vous ?

Je sens surtout qu’il y a beaucoup plus de regards (rires). Mais je n’ai jamais cultivé ça. J’ai surtout envie que les regards soient sur les joueurs. Quand les joueurs sont mis en avant, c’est la meilleure façon de récompenser mon travail.

Durant votre carrière de joueur, aviez-vous imaginé un jour devenir entraîneur ?

Quand on me posait la question, je répondais toujours que je ne serais jamais entraîneur. Malgré tout, j’allais souvent intervenir sur la touche et la mêlée des jeunes du club. J’avais aussi été conseiller la mêlée de l’équipe de France des moins de 20 ans à la demande de Thomas Lièvremont lorsqu’il était manager de cette équipe. Et puis, certains de mes entraîneurs comme David Auradou, Patricio Noriega ou Olivier Azam m’ont aussi permis de participer à la réflexion sur les stratégies du jeu d’avants. Je faisais ça plus dans un souci de transmission, sans me projeter sur une carrière d’entraîneur. Et puis, l’opportunité s’est présentée en 2019. J’ai débuté cette carrière avec Julien (Arias), un partenaire extraordinaire. Il représente tout ce qui se fait bien au Stade français.

On dit que vous avez un management très participatif avec les joueurs…

Un message, c’est un important qu’il soit partagé. La meilleure façon de le partager, c’est que la décision soit validée par l’ensemble du groupe. J’essaie donc de donner du sens à mon message, à mes choix. Je veux que les joueurs comprennent pourquoi ils font les choses. Que ce soit sur des points techniques, mais aussi dans la philosophie de ce que peut dégager un groupe de joueurs. Ça fait partie de moi, de mon bagage. Un bagage que je construis chaque jour un peu plus à travers des rencontres, des échanges.

C’est-à-dire ?

J’aime aller me nourrir auprès de personnes d’horizons et d’univers différents, des gens qui travaillent dans l’excellence. J’ai eu la chance de rencontrer des pilotes de ligne avec qui j’ai travaillé sur les systèmes de communication. Il y a peu Air France a décidé de ne plus faire voler ses pilotes par couple. Il y a encore quelques années, le pilote et le copilote travaillaient en tandem. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les binômes changent tout le temps. Des process très précis ont été mis en place, des systèmes de communication très pointus aussi. Ces systèmes doivent être simples et précis à la fois. Et j’ai essayé de les transposer au rugby. Ça m’a d’ailleurs beaucoup aidé sur les annonces en touche. Dans une équipe, il y a différentes nationalités. Le choix des mots, des noms de combinaisons est capital. Les joueurs doivent avoir un langage commun, c’est essentiel. Et toujours le même process. Ces échanges sont précieux pour moi. J’ai aussi discuté avec des pointures de la finance ou des Polytechniciens. On m’a expliqué l’analyse des marchés. Il y a des parallèles à faire sur l’analyse de l’adversaire, la prise rapide de décision… Je m’inspire beaucoup des gens qui visent le très haut niveau.

Quels sont les entraîneurs qui vous ont marqué ?

Tous m’ont inspiré à divers degrés. Ceux que je garde dans mon cœur, ce sont mes éducateurs. Ils m’ont transmis cette passion du rugby. J’ai eu la chance d’avoir une présidente extraordinaire à l’US Pia XV lorsque j’ai débuté ce sport.

En quoi a-t-elle été importante pour vous ?

Hélène Costal est une femme extraordinaire. Le rugby lui a arraché son mari. Elle est devenue présidente et organisait chaque année un tournoi au nom de son époux. Elle s’occupait de nous comme de ses enfants. Il faut savoir que Pia est un fief du rugby à XIII. À l’époque, beaucoup d’enfants choisissaient le XIII car c’était le plus haut niveau de pratique. Mais elle a réussi à fédérer les enfants du village et à nous transmettre le virus.

En 2015, l’entraîneur du Stade français Jean-Frédéric Dubois a été appelé à rejoindre le staff du XV de France sous la direction de Guy Novès. Il est parti sur un titre de champion de France. Est-ce un rêve pour vous ?

Jeff a eu cette chance. C’était une aventure extraordinaire cette année-là. Le groupe lui a offert cette belle sortie. C’était aussi évidemment le fruit de son travail. Aujourd’hui, c’est une autre histoire que le groupe est train d’écrire.

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