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« Les Fédérations doivent se rapprocher des clubs »

Par Marc Duzan
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Publié le Mis à jour
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Octavian Morariu, le président roumain de Rugby Europe et membre du comité international olympique, se livre. Il appelle le Board à prendre ses responsabilités.

Comment vous présenteriez-vous ?

Je suis né en 1961 à Bucarest, d’un père international de rugby et d’une mère vice-championne du monde de volley-ball. Mon papa, Viorel, fut d’ailleurs le capitaine de la première équipe de Roumanie ayant battu la France (en 1960 à Bucarest, 11 à 5). J’ai grandi dans les Carpates, dans le village de mes grands-parents.

Puis ?

Je suis devenu ingénieur des Ponts et Chaussées, majeur de ma promotion à Bucarest, en 1986. J’ai ensuite été international roumain, troisième ligne de Saint-Médard-en-Jalles, capitaine de l’ASPTT Paris et entraîneur de Saint-Germain-en-Laye.

À quelle date êtes-vous arrivé en France ?

En 1987, à Agen. J’y ai demandé l’asile politique. Jacques Chaban-Delmas m’a alors reçu à Bordeaux et a accédé à ma demande. On ne va pas s’attarder sur le sujet. Tout le monde sait ce qu’étaient le communisme et la dictature de Ceaucescu. Je n’étais pas un persécuté. Si j’ai demandé l’asile, c’est avant tout pour des raisons professionnelles.

Quelle est votre relation à la France ?

J’ai appris le français en lisant Midi Olympique. Mon père était donc international puis vice-président de la Fédération. Il n’a pas été plus loin dans la hiérarchie puisque seuls les membres influents du parti pouvaient être présidents de Fédération à l’époque. Viorel s’est lié, au cours d’un de ses voyages en France, à Henri Gatineau (ancien rédacteur en chef de Midi Olympique, N.D.L.R.), qui nous envoyait le journal à la maison toutes les semaines. Il échappait au contrôle des frontières parce que c’était un journal de sport. Le soir, mon père me lisait donc Midi Olympique avant que je ne m’endorme : Midol… et Pif, le magazine lancé par le parti communiste français pour séduire les jeunes.

Quel est votre parcours professionnel ?

À 30 ans, j’ai pris des responsabilités dans un groupe français qui s’appelle aujourd’hui Vinci, avant de monter des affaires dans mon pays. J’ai été Secrétaire d’État aux sports en Roumanie, président du comité Olympique national, membre élu au CIO. Aujourd’hui, je suis chef d’entreprise, dans le domaine du traitement des déchets et des énergies renouvelables. Pour l’anecdote, j’ai aussi importé les vaches de Salers en Transylvanie. La marque est déposée !

Vous êtes un membre influent du CIO. Qu’attend-il du rugby à VII au juste ?

Le CIO est exigeant : il veut, pour le rugby à Rio, la meilleure performance possible. Pour cela, les stars du rugby devront, toutes, être présentes au Brésil. Le comité Olympique ne comprend pas pourquoi la NBA ou la NHL amènent leurs meilleurs joueurs aux JO quand le rugby traîne les pieds. Pourquoi Roger Federer et pas Richie McCaw ? Si nous voulons que l’évaluation soit concluante, il faut débarquer à Rio avec les meilleurs.

La décision ne peut venir que des joueurs eux-mêmes, n’est-ce pas ?

Oui. Je ne peux pas imaginer qu’un joueur comme George North ne fasse pas partie de l’équipe de Grande-Bretagne. Et si, par malheur, cette équipe ne gagnait pas de médaille, comment expliquer à la presse et l’opinion britanniques qu’il n’était pas dans l’équipe ? L’olympisme est un monde exigeant. Il faudra au rugby être irréprochable sur tous les plans.

Pourquoi ?

L’évaluation aura lieu en 2017. Si elle n’est pas satisfaisante, le rugby laissera la place à ses concurrents. Rio n’est qu’une fenêtre de tir. Il ne faut pas se louper et se rendre compte que nous sommes en compétition avec d’autres sports.

Permettez-nous de croire que le rugby dispose d’un léger avantage par rapport aux sports dits mineurs, tels le softball ou le roller…

Vous vous trompez. Il n’y a pas de sport mineur dans le monde olympique. C’est son essence même. Si les gens du rugby partent avec cette idée en tête, ils sont perdus.

L’explosion du rugby à VII met-elle en danger la forme historique de ce jeu ?

Non. Le vaisseau amiral restera toujours le rugby à XV. Comment imaginer, en effet, un championnat de rugby à VII ? Vous l’auriez consommé en moins d’un mois. C’est invendable à un sponsor. Que faites-vous le reste de l’année ? Au niveau des jeunes et des femmes, le VII est un produit d’appel important. Mais il ne mettra pas en danger son aîné. Lorsque le beach-volley a débarqué aux JO, on a dit que le volley-ball était mort. Or, il n’a jamais été aussi fort qu’aujourd’hui. Les deux sports s’alimentent réciproquement.

Que faut-il d’autre pour séduire le CIO ?

De la transparence. Nous sommes trop éparpillés entre ligues, fédérations, EPCR, comité des 6 Nations… Combien d’instances pour un seul et même sport ? Il faut moderniser l’institution. Les sponsors investissent aujourd’hui dans un sport cohérent, pas dans une compétition à usage unique.

Quel est le deal, alors ?

Les fédérations doivent se rapprocher des clubs. La guéguerre entre institutions est devenue ridicule. Rugby Europe pourrait, par exemple, être un vecteur de développement très intéressant pour les clubs. Nous touchons un marché de quarante millions de personnes en Europe. Moi, je viens du business et je fais du sport. Je comprends donc les uns et les autres. Nous avons besoin d’un partenariat gagnant-gagnant, « win-win ». On ne peut se couper de la personnalité et du dynamisme de présidents tels Bruce Craig ou Mourad Boudjellal. Le gâteau du rugby mondial doit être mieux distribué. Chacun chez soi, mais dans la même maison.

Les négociations entre vous et l’EPCR ont été douloureuses. Allez-vous organiser la troisième compétition européenne ?

Pas cette année, non. Mais l’EPCR a compris que les marchés roumain, géorgien, russe ou même polonais possédaient, à court terme, un potentiel incroyable : au niveau du sponsorship comme des droits télés.

Pourquoi Rugby Europe n’est-il pas d’ores et déjà une force de proposition à l’ECPR ?

Ils ne nous connaissaient pas… La faute à qui ? À eux, d’abord, qui connaissent mal leurs institutions ; à nous, ensuite, pour manquer de visibilité dans le monde du rugby.

Les dirigeants de l’EPCR ne vous ont-ils pas considéré, finalement, comme des amateurs ?

Y a-t-il un mal à être amateur, bénévole, volontaire ? Rugby Europe organise plus de 1 000 matchs dans l’année, recense deux cents officiels de match, dont certains arbitrent aussi dans le Tournoi des 6 Nations. Quand j’entends dire que Rugby Europe n’a pas de compétences, ça me fait rire. L’actuel président de la RFU (Bill Beaumont) a été le président de notre commission juridique. Compétent ou pas ? Notre patron des arbitres est l’Irlandais Stephen Hilditch, ancien arbitre international. Compétent ou pas ? Nous avons du savoir-faire. Le problème est que les gens ne le savent pas assez. Rugby Europe devrait avoir le même rayonnement que l’UEFA et c’est ce à quoi je travaille.

Pourquoi le rugby se débat-il, trente ans après le premier Mondial de son histoire, dans une consanguinité dangereuse ?

On est à la croisée des chemins. Les évolutions timides laissent place aux révolutions. L’IRB doit se poser les bonnes questions : veut-elle se contenter d’un club fermé ? Si tel est le cas, le rugby n’a pas d’avenir. Même le cricket, l’un des sports les plus conservateurs de la planète, prépare actuellement un plan de développement hors du Commonwealth. L’IRB n’est plus à l’âge de pierre mais doit faire preuve d’audace, de courage. Notre futur en dépend.

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