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Toulon : âge tendre et têtes de bois !

Par Nicolas Zanardi
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    Toulon : âge tendre et têtes de bois !
Publié le Mis à jour
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Carl Hayman, Bakkies Botha, Chris Masoe et Ali Williams, les vétérans du RCT, ont atteint leur objectif d’un dernier titre européen. Une troisième étoile qui récompense la volonté farouche de ces guerriers, ainsi que des qualités humaines hors-normes.

Au sein du vestiaire toulonnais, on les surnomme les Expendables, en référence à la série de films signés par Sylvester Stallone rassemblant le gratin des acteurs d’action hollywoodiens sur la fin de leur carrière. Et au vrai, l’image sied plutôt bien à ces « vieux » toulonnais. Ceux par qui, depuis plusieurs saisons, s’est construite l’aventure débouchant sur ce triplé historique. Ceux autour de qui, en fin psychologues, Bernard Laporte et son staff ont construit leurs objectifs de fin de saison. « Avant le match, je me disais que des mecs comme Jonny Wilkinson ou Danie Rossouw me manquaient, soufflait Laporte, de l’émotion dans la voix. Dans quelque temps, je pourrai dire la même chose de ceux-là. Ce ne sont pas de gros parleurs, mais croyez-moi, quand je me rends au stade, je préfère qu’ils soient dans mon bus que dans celui de nos adversaires. Même quand le ton doit monter avec eux, il n’y a pas de problème. Ils disent : « OK », et cela suffit. »

La référence, ici, n’est évidemment pas anodine, le Kaiser se rappelant cette demi-finale qui avait vu le pack toulonnais se faire bousculer par le Leinster, et ses joueurs les plus expérimentés commettre des fautes de cadets sous le coup de l’émotion. Une performance dont le président Mourad Boudjellal s’était servie dans la semaine pour piquer ses propres joueurs, sans que cela ait manifestement eu d’effets, faute de résonance. « Franchement je ne savais pas qu’il avait dit cela, livrait Chris Masoe dans un éclat de rire. Et de toute façon, si j’ai un bon conseil à donner à mes enfants un jour, c’est de ne jamais lire les journaux français… » Il est vrai que la tendance toute méridionale de colorer ses propos par un brin d’emphase n’est pas toujours goûtée par les Anglo-Saxons. « Et de toute façon, l’important, ce n’est pas ce que les journalistes écrivent, souriait Bernard Laporte, confirmant en creux avoir usé de ce levier de motivation. C’est de faire le contraire de ce qu’ils disent, quand cela ne vous est pas favorable…»

Ali Williams sonne la charge (Photo Bernard Garcia)

Tueurs de marcassins

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Expendables varois ont répondu présent en finale, signant probablement leur match référence de la saison malgré une entame mollassonne. Sans jamais s’affoler. À l’expérience. « Je ne sais pas si notre âge a été bénéfique : ce qui est sûr, c’est que nous avons su rester efficaces en défense tout en ne commettant pas de fautes, analysait Masoe. Nous ne nous sommes jamais affolés. » Les gros bras toulonnais remettant, au cœur de la tourmente, la main sur le ballon dans le sillage d’un Masoe et d’un Juanne Smith titanesques, guidés sur les relances de jeu par un Ali Williams élu homme du match (et tout proche d’inscrire l’un des essais les plus gaguesques de l’histoire de la Coupe d’Europe), tandis que les « tueurs de marcassins » Bakkies Botha et Carl Hayman ont brassé de la viande comme à leurs plus belles heures, jusqu’à laisser éclater la plus légitime des joies… « Je n’ai jamais autant aimé un Australien de toute ma vie, rigolait Ali Williams en référence à l’essai de Drew Mitchell. Terminer comme ça, dans une telle équipe, c’est inespéré. Avec Bakkies Botha, nous avions gagné notre respect mutuel en combattant l’un contre l’autre pendant de longues années. Désormais, nous avons gagné une amitié. C’est pour cela que j’adore le rugby. À Toulon, nous sommes vraiment des privilégiés. » « Un troisième titre, c’est extraordinaire, inespéré, savourait de son côté le capitaine Carl Hayman. Le fait que nous disposions de six avants sur le banc nous a incités à nous dépenser sans nous économiser. Il faut aussi féliciter Bernard Laporte : toute cette saison, il a su gérer ses joueurs et faire en sorte que nous arrivions en forme tous au même moment. »

L’émotion de Williams

Des lauriers aussitôt refusés par Laporte, le manager rejetant sa place dans l’histoire. « Ce sont eux qui entrent dans la légende, pas moi. Ce qui me fait surtout plaisir, c’est de voir l’enthousiasme dans les yeux de mecs comme ça, dont on se demandait parfois s’ils pourraient revenir, et qu’il a fallu gérer lors de certains matchs. » « Ce qu’a fait Bakkies Botha à 36 piges, c’est incroyable, s’enthousiasmait Carl Hayman. Franchement, on ne se savait pas capable de réaliser ce que personne n’avait fait avant nous. Je ne sais pas si nous avons fait quelque chose d’extraordinaire, je sais juste que nous disposions d’un groupe extraordinaire. » Un groupe riche de ses individualités les plus singulières, à l’image d’un Ali Williams encore tout retourné par la présence au stade de son papa tétraplégique Rodney, ainsi que de toute sa famille. « C’est fabuleux de remporter ce titre devant eux. Mon frère, qui a effectué un voyage de trente heures, juste pour assister à ce match… Les efforts que font nos proches mettent souvent bien des choses en perspective. Alors, si on peut leur rendre sur le terrain, c’est la moindre des choses. »

« Gagner un titre est déjà difficile, alors un troisième… C’est merveilleux, glissait un Masoe avec des étoiles plein les yeux. C’est difficile de trouver les mots, car en vieillissant, j’ai l’impression que c’est à chaque fois plus dur. » Comme il sera encore plus dur, pour les Toulonnais, de rebondir en direction de leur nouvel objectif, à savoir un « doublé du doublé » purement inimaginable. Encore qu’avec ce RCT-là, on n’est plus sûr de rien… « Ce qui est bien avec cette équipe, concluait le demi de mêlée Sébastien Tillous-Borde, c’est qu’elle parvient, à chaque fois, à laisser le passé derrière elle, et à n’être animée que par l’avenir. » Le secret de la jeunesse éternelle, probablement…

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