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La claque de 1920

Par Jérôme Fredon
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    La claque de 1920
Publié le Mis à jour
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Contraints de monter une équipe à la va-vite pour les JO d’Anvers de 1920, les Français de René Crabos avaient abandonné la médaille d’or aux Américains.

Les Belges s’étaient trompés dans leur jugement. Persuadés que le rugby passionnait les Britanniques et les Français, ils l’avaient mis au programme des Jeux d’Anvers. Le rugby était alors une épreuve facultative et laissait à la simple appréciation du comité organisateur. Les Britanniques avaient décliné l’invitation au prétexte que le tournoi se déroulait trop tôt dans la saison pour que leurs équipes soient compétitives face aux autres nations. Le rugby avait le vent en poupe au pays de l’oncle Sam. Les universités de la côte Ouest constituaient un terreau très fertile pour la pratique de la balle ovale. Une sélection composée d’étudiants des établissements californiens de Stanford, Berkeley et Santa Clara avait été mise sur pied pour partir à la conquête de l’or Olympique. Pourtant sollicité par cette équipe de golden boys californiens, le comité Olympique des États-Unis avait refusé de prendre en charge leur voyage. Sans ressources, les joueurs avaient décidé de lever une collecte de fonds pour financer leur périple. Ils avaient récolté la somme de 20 000 $. Une fortune pour l’époque. Le talonneur de cette équipe, John O’Neill dont la famille avait fait fortune dans l’exploitation du pétrole au Texas, faisait partie de ces généreux mécènes.

Après un voyage de plusieurs semaines à bord du navire de l’armée américaine, le Sherman, les Américains avaient débarqué en Europe, motivés comme jamais. Mais leur arrivée à l’improviste avait pris de court les organisateurs des jeux d’Anvers. Mais après le retrait des équipes de Tchécoslovaquie et de Roumanie, ils n’avaient aucun adversaire à proposer aux Américains. Le comité belge d’organisation se tourna vers la France pour lui demander de monter une équipe en catastrophe. « La vérité est qu’il ne s’agit nullement d’un tournoi Olympique pour lequel il n’y avait jamais eu d’engagés, confiait dans Les colonnes de l’Auto, Frantz Reichel, secrétaire du comité Olympique français de l’époque. Seule l’Amérique avait cru que le rugby serait représenté à Anvers et, à cet effet, elle avait amené sa meilleure équipe nationale pour laquelle, d’ailleurs, elle a dépensé une somme considérable. À la demande du comité Olympique belge, et aussi de M. Kirby, président du comité Olympique américain, la France a donc accepté, par pure courtoisie, et pour tirer le comité Olympique belge d’une situation délicate, de rencontrer les Californiens, malgré le fait que la mise sur pied instantanée d’une équipe soit difficile à pareille époque. »

« L’ugly rugby » des États-Unis

Une équipe d’autant plus difficile à composer que le match était programmé en pleines vacances sportives. Les JO n’avaient également pas le même pouvoir d’attraction sur les athlètes qu’aujourd’hui. Les joueurs n’avaient alors pas vraiment la flamme Olympique. Personne ne s’était alors « battu » pour intégrer l’équipe. Du coup, le comité Olympique français s’était tourné vers des gars habitant uniquement en région parisienne.

Voilà pourquoi, cette triste rencontre des Jeux d’Anvers n’a jamais été comptabilisée comme une sélection officielle pour les joueurs français retenus au pied levé. L’élégant centre du Racing Club de France, René Crabos avait été choisi pour mener cette équipe montée à la va-vite. Un joueur alors connu pour son côté stratège et son intelligence de jeu. Mais les troupes de René Crabos n’avaient pas su trouver la parade pour contrecarrer la puissance et la meilleure organisation des Yankees. Devant plus de 20 000 spectateurs, les Bleus hors de forme, avaient abandonné la médaille d’or aux Américains. Ils s’étaient inclinés 8 à 0 sous une pluie battante. Malgré un terrain gras propice au jeu d’affrontement entre packs, les Français s’étaient lancés dans un rugby mouvement avec leurs trois-quarts. Mais l’état de la pelouse et le ballon glissant avaient rendu leur plan caduc. Les Américains avaient à l’opposé adopté une stratégie minimaliste, basée sur la seule puissance de leur paquet d’avants. Un « ugly rugby », rugby moche mais terriblement efficace. Les États-Unis s’étaient imposés sans trembler grâce à un coup de pied d’arrêt de volée de leur arrière Dink Templeton et un essai transformé de leur deuxième ligne Lou Hunter. Pour l’entraîneur-joueur australo-américain Daniel Carroll, le triomphe était absolu. Le flanker remportait sa deuxième médaille d’or dans la discipline après celle obtenue aux JO de 1908. Quatre plus tard à Paris, le natif de Melbourne rentrait au panthéon des Jeux en remportant une troisième médaille d’or au rugby.

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