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On l’appelle « Shag »

Par Marc Duzan
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    On l’appelle « Shag »
Publié le Mis à jour
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Pince-sans-rire, intelligent, francophile, le sélectionneur néo-zélandais est un personnage déroutant. Portrait.

Le round d’observation n’existe pas, chez Steve Hansen. À peine avait-il, ce jour-là, campé son imposant séant sur cette banquette en cuir rouge qu’il plante aussitôt son regard de Droopy désabusé dans le nôtre, respire un grand coup et lâche, de cette inflexion psalmodique dont il ne se dépareille jamais : « Cinquante-trois matchs pour Michalak en 2013… C’est juste ridicule. Les treizistes australiens ont des intersaisons de quatorze semaines. Et j’en compte seize pour le foot US ! Ce modèle devrait être universel. » Passée la première impression, la compagnie du sélectionneur des All Blacks s’avère rapidement savoureuse. Steve Hansen, loin de l’ours mal léché que dépeignent si souvent les Néo-Zélandais lorsqu’ils parlent du personnage le plus important de leur micro-pays, est un délicieux pince-sans-rire, un ancien flic qui aime la vie, le vin, la France et les femmes (il en est à son troisième mariage). Il n’a rien oublié, par exemple, de son premier match avec le Stade Rochelais, à la fin des années 80. « Au moment même où je me suis aperçu que les joueurs du cinq de devant portaient tous une coquille, je me suis posé quelques questions… » Le trois-quarts centre des Marist, un club de Christchurch, venait tout juste de poser le pied en France, via l’improbable entremise d’un commentateur télé. « Pendant la première coupe du Monde, j’étais l’un des sparring-partners du XV de France. Patrice Lagisquet n’était qu’un bébé, à l’époque. Moi, je n’étais pas seulement une grosse péniche brisant le premier rideau ; j’avais aussi une belle passe… Un matin, Pierre Salviac m’a donc demandé si une expérience en France pouvait m’intéresser. » Le jeune Steve a répondu « pourquoi pas ». Une poignée de temps plus tard, il s’installait en Charentes-Maritimes, où il vécut deux ans.

L’essai de Woodcock, son sommet

Steve Hansen n’a pas le ton professoral qui caractérisait son prédécesseur, Graham Henry. Pour lui, aucune question n’est licencieuse, dégradante, déplacée. Lorsqu’on lui demandait, voici quelques mois de cela, quel joueur français aurait sa place chez les Blacks, il ne cherchait pas à noyer la réponse dans un flot de circonlocutions politiquement correctes, verbiage aseptisé dans lequel se réfugient si souvent ces congénères. Et, au risque de vexer les autres, citait illico le bulldozer « Picamoles et le trois-quarts centre Fofana, cet attaquant racé qui s’évanouit comme un fantôme, lorsqu’il s’empare de la balle. » Il y a quelques années, un chauffeur de taxi de Christchurch, à qui l’on demandait pourquoi les Kiwis surnommaient Steve Hansen « shag », nous répondit que ce terme - dont l’une des traductions autorisées est « copuler » - était un hommage au passé tumultueux du sélectionneur des All Blacks. À ces mots, Hansen éclate de rire. « Il vous a dit ça ? Quelle connerie ! Quand je suis arrivé aux Crusaders, nous étions deux Steve : Steve Tew (actuel chef exécutif de la Fédération néo-zélandaise) et moi-même. Pour nous différencier, Andrew Mehrtens m’a donc appelé « shag » (camarade). C’est ainsi que j’appelle quelqu’un, quand un prénom m’échappe. Et ça m’arrive assez souvent… »

Dans le triumvirat qu’il forma pendant huit ans avec Graham Henry et Wayne Smith, Steve Hansen eut du mal à trouver sa place. Henry était alors considéré comme le visionnaire du trio, Smith comme le supra technicien du staff des All Blacks. C’est pourtant Hansen, et lui seul, qui offrit aux All Blacks leur unique essai en finale de coupe du Monde : « J’avais remarqué qu’en touche, les Bleus défendaient uniquement sur le premier bloc de saut. À Marseille, à l’automne 2010, nous avions donc marqué un essai après une combinaison en fond de touche. » Au soir de la finale du Mondial, Julien Bonnaire, Thierry Dusautoir et Pascal Papé attendaient donc les Blacks en début d’alignement ou en fond de touche… mais pas au milieu, entre Whitelock et Kaino, là même où Tony Woodcock transperça le rideau pour offrir aux Tout Noir ce qu’ils attendaient depuis vingt-quatre ans. Merci qui ?

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