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«Victime de la maladie de Parkinson»

Par Pierre-Laurent Gou
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    «Victime de la maladie de Parkinson»
Publié le Mis à jour
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L’ancien talonneur international, Marc Dal Maso, qui vient tout juste de terminer sa mission auprès de la sélection japonaise, nous a reçus chez lui, à Capbreton. Il nous a livré un témoignage poignant et courageux sur son combat contre la maladie de Parkinson dont il est atteint.

Crédit photos : Bernard Garcia

Pourquoi décidez-vous d’arrêter d’entraîner Mont-de-Marsan à l’issue de la saison 2011-2012, votre décision est restée très énigmatique et avait suscité pas mal d’interrogations ?

La dernière saison où j’entraîne à Mont-de-Marsan, en 2012 donc, lorsque la fin du championnat arrive, je me sens très fatigué et je ne comprends pas pourquoi. Il y a des symptômes qui m’amènent à penser que j’ai quelque chose. Tout le monde a supposé que je faisais une dépression ou même un « burn out ». Au bout d’un certain temps, j’ai pris des cachets pour cela, mais je me disais encore « il y a un truc que je ne contrôle pas à l’intérieur de moi et qui n’est pas normal ». Nathalie, ma sœur, m’a dit à partir de la fin du mois d’août : « On va essayer de faire un examen par rapport à cette maladie… »

De quoi souffriez-vous ?

De la maladie de Parkinson.

Comment votre sœur est-elle arrivée à penser que vous aviez peut-être la maladie de Parkinson ?

Parce que je n’étais pas bien. Parce qu’elle est secrétaire médicale et elle a réalisé que j’avais les symptômes de Parkinson. J’avais des tremblements, certes très légers, mais qui représentaient effectivement les premiers signaux de la maladie. Ma sœur a eu la lucidité et la force de m’en parler. D’évoquer ouvertement avec moi, la possibilité que j’ai Parkinson. Par la suite, le 26 octobre 2012, j’ai passé un scanner de la tronche, sur Tarbes, qui a déterminé que j’avais bien Parkinson. (Il dessine avec ses mains sur la table) Vous avez deux trucs rouges, et là c’est la dopamine, et j’avais déjà un truc rouge qui était entamé. Le pire c’est qu’ils te disent cela comme si tu étais victime d’un rhume, même si, d’une certaine manière, cela m’a soulagé parce que je savais ce que j’avais. Je ne savais pas en revanche ce qui allait en découler. Maintenant j’en sais un peu plus, que les traitements sont efficaces, mais ils sont lourds quand même.

Quand sont apparus les symptômes ?

La maladie a été décelée en 2012 mais elle a commencé vers 30 ans (Marc Dal Maso a aujourd’hui 48 ans, N.D.L.R.)

Avez-vous, depuis, peur de mourir ?

Pas de mourir, mais il existe une peur qui est permanente, parce que tous les matins tu te lèves et il faut que tu prennes des cachets. La maladie est tout le temps avec toi, elle évolue avec toi et il faut que tu évolues avec elle. Le plus dur, là où je ne suis pas encore calé, c’est par rapport à mon corps. Il avait des habitudes que je ne retrouve pas.

Qu’est-ce que la maladie change dans votre quotidien ?

Je me sens moins fort physiquement. Il y a des fois où je suis très fort et il y a des fois où je suis moins fort. Il y a des moments hauts et il y a des moments bas, mais dans la vie normale d’un homme c’est pareil. Seulement personnellement, j’ai eu du mal à assumer le fait d’être moins fort. C’est la vie, on te dit que tu as cela, tu as cela ! Après il faut vivre normalement, avec des moments difficiles bien sûr…

« Le problème c’est qu’il ne faut pas que je l’accepte. Si je l’accepte, je suis mort »

Cela se traduit comment ces moments difficiles ?

La maladie engendre un stress quotidien, une sorte d’anxiété qui est au-dessus de votre tête constamment et avec laquelle il faut vivre. Quand tu as du stress, c’est multiplié par deux ou par trois. La maladie tu y penses tout le temps.

Vous avez accepté d’avoir cette maladie ?

Tu ne l’acceptes pas. Tu ne peux pas l’accepter. Le problème c’est qu’il ne faut pas que je l’accepte. Si je l’accepte, je suis mort. C’est pour cela qu’il faut que je sois fort. Pour moi mais aussi pour les autres.

Pourquoi ?

Nathalie, m’a beaucoup aidé et elle m’aidera beaucoup. Je discute beaucoup avec elle. Quand il y a des moments difficiles, elle me dit « ne t’inquiète pas tout le monde a les mêmes moments difficiles ». Avec Stéphane mon beauf aussi (Marc Dal Maso est le beau-frère de Stéphane Prosper l’entraîneur des trois-quarts du SUALG, N.D.L.R.), on discute aussi. Il y a cet échange-là. Je ne peux pas le faire avec tout le monde parce qu’on ne discute pas de cela avec n’importe qui. Il ne faut pas non plus s’en faire une montagne. Il faut faire un état des lieux « j’ai ça » et il faudra que j’évolue jusqu’à la fin avec cela. Je suis persuadé que je n’ai pas cela par hasard. J’ai cela et il faut que j’arrive à le faire bien évoluer.

Est-ce que la maladie vous gêne dans votre quotidien ?

Forcément un petit peu, parce que j’ai un traitement à prendre matin, midi et soir. Il y a des fois je suis forcé de décaler ma prise de comprimés et je me suis rendu compte que ce n’était pas bon. Autrement si je reste bien calé sur la dose et sur les horaires, c’est bon.

« J’avais très peur de l’aveu, par crainte que l’on puisse dire « il a ça et c’est terminé » »

Et dans votre vie professionnelle ?

Absolument pas. Le professeur m’a dit « vous pouvez travailler sans aucun souci ». Le problème, c’est d’aller voir un club qui cherche à m’enrôler et dire j’ai ça ! J’avais très peur de l’aveu, par crainte que l’on puisse dire « il a ça et c’est terminé ». Voilà pourquoi j’ai dissimulé le fait que depuis trois ans, je vis avec cela. Au départ, j’accepte la proposition du Japon pour aller me cacher.

Pourquoi ?

Je vais au Japon en ayant refusé Toulon, en ayant refusé le Racing. J’y pars pour me reconstruire, pour prendre un peu de temps, pour savoir ce que j’ai et pour savoir dans ma tête comment je vais réagir par rapport à cela, tout en ayant le soutien du Professeur Tison de Bordeaux qui m’a suivi pendant que j’étais là-bas, par mails, pour ajuster le dosage au début de mon traitement. Progressivement, j’ai vu que je pouvais continuer à entraîner, parce que cela n’altère pas les compétences, cela ajoute juste un peu de fatigue. J’ai alors repris confiance en moi. C’est à moi surtout de gérer l’aspect de mon corps par rapport à la fatigue, mais je me suis surtout aperçu qu’une bonne sieste cela ne fait de mal à personne…

En avez-vous parlé là-bas ?

Avec personne et jusqu’au bout. Même Eddie Jones, ne le sait toujours pas aujourd’hui. Au départ, il m’a pris pour un taré, mais non, je n’ai jamais évoqué le sujet avec lui. J’avais honte au départ de mon état.

Et pourquoi le dire aujourd’hui ?

Parce que finalement, cela ne me dérange pas que les gens le sachent. Cela fait trois ans que je vis avec. J’ai aussi un certain recul par rapport à la maladie. Et puis, je sais qu’il y a des bruits qui courent sur moi. Alors plutôt que d’entendre les gens dire des conneries, il vaut mieux qu’ils sachent. Maintenant, le fait d’avoir Parkinson ne me dérange plus.

Est-ce votre expérience au Japon vous a fait du bien psychologiquement ?

Aussi, le sentiment de honte que je pouvais avoir vis-à-vis de Parkinson est parti là-bas.

Cela vous a aussi rassuré, sur votre capacité à entraîner ?

Tout à fait, cela, ça m’a permis de m’apercevoir que je pouvais continuer à travailler en étant casse-pieds (il sourit). Et puis, je pense aussi avoir progressé, notamment dans le secteur de la mêlée. Je n’avais que cela à faire au Japon. Et l’on m’a donné des moyens que je n’avais jamais eus. Ma mission était simple et difficile : faire de la mêlée du Japon, une mêlée compétitive au plus haut niveau. J’avais carte blanche mais une exigence de résultat.

Tout à l’heure vous disiez, « cela ne m’est pas arrivé par hasard » ?

Non, il y a des choses dans la vie qui ne t’arrivent pas par hasard. Je me dis que chaque personne a une mission dans la vie et je pense que chaque personne a sa pierre à porter, parce qu’en définitive chacun a des difficultés dans sa vie. Je pense aussi qu’en étant ancien joueur de rugby, maintenant entraîneur, c’est aussi un message que je peux faire passer. Je ne sais pas exactement comment cela est arrivé, si ce sont les coups qui sont à l’origine de ma maladie, est-ce que ce sont les protéines qui sont dans le corps ? Le Docteur m’a dit qu’il ne savait pas comment cela était arrivé. Il y a 5 % de génétique mais après il y a plein de choses qui font que tu peux attraper cela.

Avez-vous fait beaucoup de K.-O. durant votre carrière ?

Je n’en ai fait qu’un ! Un gros mais un seul véritable K.-O. Mais aujourd’hui j’ai très peur des commotions cérébrales.

Vous en avez eu beaucoup de commotions ?

Il y a deux fois au moins où j’ai eu des gros « pets ». En affrontant Scott Quinnell en match amical contre le pays de Galles, avant la Coupe du monde 1999. J’étais dans un ruck, il est arrivé et il m’a défoncé. Et après il y a eu Barend Britz qui jouait avec Perpignan alors que j’étais à Agen en championnat. Il m’a mis une de ces tartines… C’était mon premier match avec le SUA. On avait gagné à Perpignan. J’en avais pris une belle, « bling » et blou ouh ouh… (il fait le geste de quelqu’un qui perd connaissance).

Que dit le médecin par rapport à cela ? Que le rugby a pu être un facteur déclencheur ?

Il n’a pas de réponse définitive sur le sujet, c’est peut-être la résultante d’un choc en effet, mais rien de sûr. De plus, je ne veux pas me polluer l’esprit avec ce genre d’interrogation. Mon combat est tout autre.

Vous êtes actuellement sollicités par des clubs pour entraîner, vous leur faites part de votre maladie ?

Il y en a un qui m’a demandé si j’avais des problèmes de santé et à un autre je lui ai dit ce que j’avais. Au premier je lui ai demandé : « cela crée quoi par rapport à l’envie que je vienne dans ton club ? » Il m’a répondu « il n’y a aucun problème ». La deuxième personne je lui ai dit ce que j’avais pour que l’échange ne soit pas tronqué et qu’il puisse avoir toutes les billes par rapport à son recrutement, des fois qu’il ne souhaite pas travailler avec un type qui avait cette maladie dégénérative. Je lui ai signifié qu’en pareil cas, je comprendrais. J’ai été surpris, agréablement. C’est un peu pour cela que je me dis que c’est le moment de le dire.

Et vos anciens partenaires sont-ils au courant ?

En dehors de ma famille, je n’en ai parlé qu’à une seule personne, Patrick Tabacco. Parce qu’il a une sensibilité que j’aime bien et que je pouvais le lui dire. C’est venu au cours d’une de nos discussions. On a joué ensemble et on se téléphone souvent. On a failli travailler ensemble à Montpellier il y a quelques années.

Et après avoir fait connaître votre maladie, vous vous attendez à quel type de réaction ?

À vrai dire, j’avais très peur de le révéler, par crainte notamment de faire le « buzz ».

Retrouvez l’intégralité de l’entretien avec Marc Dal Maso dans l’édition de Midi Olympique du 14 décembre.

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