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C’était 2015 — Argentine : Les nouveaux romantiques

Par Marc Duzan
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    C’était 2015 — Argentine : Les nouveaux romantiques
Publié le Mis à jour
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Les Pumas ont illuminé la dernière coupe du Monde. Retour sur une incroyable aventure humaine.

Que nous reste-t-il du Mondial ? Les rushs de Julian Savea, la surpuissance de Duane Vermeulen, la mine ravagée de Stuart Lancaster ou les tâches de rousseur de David Pocock, ce démon du jeu au sol ? On doit éprouver une empathie particulière pour ces lointains cousins d’Argentine, seuls latins sortis grandis de ce Mondial réussi, pour retenir avant tout de ces sept semaines de compétition les larmes de Daniel Hourcade. Ce soir-là, les Pumas venaient de corriger l’Irlande à Cardiff (43 à 20) et, dans les vestiaires du Millennium, Juan Fernandez-Lobbe et Agustin Creevy chantaient à s’en fendre les tympans. À l’écart, hermétique à l’euphorie générale qui venait de s’emparer de ses soldats, le sélectionneur argentin se tenait la tête entre les mains, pleurant à chaudes larmes : « Cette victoire, confiait-il dans un sourire triste, je la dédie à ma maman. Elle a été très malade, j’ai eu horriblement peur mais je sais aussi que le soir où nous avons battu l’Irlande, elle était sur son canapé, devant sa télévision. Aujourd’hui, j’ai juste envie de lui dire : « bonsoir maman, je t’aime. Et je serai bientôt là. » » Drôle de mec, que cet obscur technicien de Tucuman, typé comme le sont les gens du Nord du pays, excessif et sensible, nourri au jeu le plus rude d’Argentine et dont il s’est néanmoins détaché, au fil du temps. Davantage par conviction, d’ailleurs, que par provocation intellectuelle. « J’ai grandi dans la province qui faisait trembler les Français, lorsque ceux-ci y passaient en tournée. La province du jeu dur et des mêlées les plus puissantes au monde. Mais je suis un rêveur. J’aime le jeu d’attaque. Et je sais qu’il est, à l’heure actuelle, le mieux adapté au rugby international. » Au fil de cette compétition, le rugby initié par Hourcade et pratiqué par les Pumas a conquis tout le monde. Clive Woodward, pourtant si peu enthousiaste lorsqu’il s’agit de parler d’autre chose que de lui-même, lançait au micro d’ITV : « Comme cette équipe d’Argentine est belle ! Comme elle fait plaisir à voir jouer ! Ses Cordero, Sanchez, Tuculet et Imhoff n’ont rien des athlètes que l’on croise habituellement. Mais quelle vivacité ! Quelle créativité ! Quel culot ! Il faut tirer un grand coup de chapeau à leur sélectionneur pour ce qu’il leur a permis d’accomplir en seulement deux ans… »

Jaguars, la nouvelle donne

Lorsque Daniel Hourcade évoque l’avenir, le sélectionneur est inflexible : « Les Jaguars (la franchise argentine basée à Buenos Aires, N.D.L.R.) vont changer la donne. Tout joueur évoluant hors des frontières argentines ne pourra porter le maillot de Pumas. L’Argentine épousera les politiques australienne et néo-zélandaise. Libre aux joueurs de choisir entre l’argent ou le maillot… » En février 2016, la « franquista » (elle devrait être basée à San Isidro, dans la banlieue cossue de la capitale fédérale) intégrera le Super Rugby. Pour l’instant, elle compte trente joueurs sous contrat et en recensera dix de plus en début d’année prochaine. Le budget ? Douze millions d’euros, quelque chose d’équivalent au ventre mou du Top 14. Parmi les Jaguars, les salaires oscillent entre 3 500 euros par mois pour un novice et 25 000 euros par mois pour des « top players » tels Hernandez, Lavanini, Sanchez ou Matera. « Je n’ai pas les moyens de lutter avec Jacky (Lorenzetti) ou Mourad Boudjellal, sourit Pichot. Mais l’attachement au pays compense le manque à gagner, j’imagine… » Exceptés Marcos Ayerza, Marcelo Bosch, Horacio Agulla et Juan Fernandez-Lobbe (ils viennent de mettre un terme à leur carrière internationale), seul Juan Imhoff a choisi de rester en Europe jusqu’en 2017. Pendant deux saisons, l’ailier du Racing fera donc une croix sur sa carrière internationale…

La main de Dieu

Chouchous du public anglais pendant la Coupe du monde, épanouis dans un projet de jeu où les essais succèdent aux relances, les Pumas reçurent aussi, au Royaume Uni, le précieux soutien de Diego Maradona. Voici ce que nous conta « Diegito » le jour où l’on croisa sa route, à Twickenham : « J’ai assisté à mon premier match de rugby en 2001, à Velez Sarsfield (un stade de Buenos Aires, N.D.L.R.). À l’époque, je n’y connaissais pas grand-chose mais j’ai pourtant tout de suite accroché. Pour moi, le rugby est le sport collectif par excellence. Un sport d’hommes, de guerriers, de soldats qui pourraient mourir les uns pour les autres. Ce sens du sacrifice n’existe pas ailleurs. » Dans la foulée de ce match à Velez, Diego s’était aussitôt plongé dans les règles de ce sport « so british » qui lui était jusqu’alors totalement inconnu : « On ne jouait pas au rugby, dans mes faubourgs. Je dis souvent que je suis né dans un quartier privé. Privé d’eau et d’électricité ! Franchement, le rugby pourrait être une formidable école de vie pour les enfants qui, comme moi, sont nés dans des endroits modestes de Buenos Aires. Il ne sera jamais aussi fort que le foot mais il se développe à très grande vitesse en Argentine. Et c’est une bonne chose pour notre société. » Au soir de la défaite des Pumas face à l’Australie (29 à 15), en demi-finale, le plus grand footballeur de l’histoire concluait ainsi : « Agustin Pichot me dit que nous avons plus de chances de devenir champions du monde en 2019, au Japon. Je veux le croire et si Dieu me le permet, je serai là !»

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