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Un 0-0 de légende

Par Jérôme Prévot
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Publié le Mis à jour
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Le match entre la France et l’Afrique du Sud de 1961 fut considéré comme un sommet. Pourtant, aucun point n’y fut marqué. Retour sur ce moment historique.

Le décès de Gérard Bouguyon nous a fait songer une fois de plus à cet extraordinaire France-Afrique du Sud de 1961. Avec le recul, on s’imagine tout ce qui a pû passer dans la tête du deuxième ligne de Grenoble au moment de débuter à l’occasion de cette affiche extraordinaire.

Quand on le revoit, on trouve évidememnt que le jeu a vieilli, que les arrêts de jeu sont légion que, souvent, les joueurs semblent se débarasser de la balle au pied,un peu n’importe comment. Mais on ressent quand même la tension et la passion, la remontée mentale dans le temps n’est pas si difficile à faire. « Le match roi », écrivit Paul Voivenel, chroniqueur de « Midi Olympique » ! Tout a été dit, suggéré, romancé, fantasmé sur cet affrontement monté comme jamais en mayonnaise par les médias. Denis Lalanne en fit même un livre « La mêlée fantastique ». Et c’est pour lui que Roger Couderc fit sa fameuse présentation « Electricité de France ». Il est considéré comme le premier grand rendez-vous du XV de France avec la télévision, on accusa d’ailleurs ce média d’être responsable du fait que Colombes ne fut pas tout à fait plein. Pourtant, les meilleures places se sont arrachées jusqu’à multiplier leur valeur par six, mais les candidats aux virages ont préféré rester devant leur récepteur. Les Springboks débarquaient avec une réputation de terreur, ils ont gagné leurs quatre tests en Grande-Bretagne et en Irlande après avoir remporté une série de tests contre les All Blacks l’été précédent. Leur pack était en acier trempé sous les ordres du deuxième ligne Avril Malan, 23 ans, le plus jeune capitaine de leur histoire. Les deux piliers Kuhn et DuToit sont des bœufs en mêlée, le flanker borgne Peiser est connu pour l’âpreté de son plaquage et le numéro 8 Hopwood est surnommé « l’essuie-glace » pour son activité débordante.

De l’engagement, un peu trop même

On pensait que ces Sud-Africains insensibles aux rigueurs de l’hiver européen ne feraient qu’une bouchée de celui du XV de France du Palois François Moncla, handicapé par les défections des deuxième ligne Larrue (passé à treize) et de Mommejat (touché à la cuisse). Pour les remplacer, les sélectionneurs ont pensé à Jean-Pierre Saux et au donc débutant Gérard Bouguyon qui pèse entre 90 et 95 kilos. Avec leur mètre quatre-vingt-cinq, les deux hommes ne sont pas des géants, mais ils se sont forgés la réputation de rudes combattants, car du combat, tout le monde sait qu’il y en aura énormément sur la pelouse de Colombes, trop peut-être.

Pour éviter le ridicule, les Français se sont mis une pression d’enfer. Le pilier gauche Amédée Domenech a accroché la photo de son vis-à-vis Piet DuToit en face de son lit. Dès le coup d’envoi, les débats sont électriques, la première mêlée se relève comme dans un vulgaire match de championnat. Domenech dit bonjour à DuToit par un coup de pied et un coup de poing donnés dans la foulée. Les incidents se multiplient au cours des dix premières minutes à tel point que l’arbitre gallois Gwyn Walters sermonne les deux capitaines et menace même d’arrêter le match. La suite des débats est un peu moins sauvage mais tout aussi palpitante car le pack français se sublime. Il a fait une croix sur la touche mais se rattrape en mêlée en prenant quatre ballons sur introduction adverse. Le cinq de devant se sacrifie pour la troisième ligne Crauste-Celaya-Moncla. Mobile et dure au mal, elle sait très bien que les Springboks ont un péché mignon, le retour à l’intérieur. Les trois hommes se font plaisir en multipliant les cartons, alors les Boks tentent d’alterner en utilisant l’arme de la chandelle. Mais à l’arrière, Michel Vannier ne fait pas une faute, il sera porté en triomphe à la fin du match. Le match est illuminé par un exploit personnel, la percée extraordinaire de Jacky Bouquet, une feinte de passe magistrale mais trop loin de la ligne adverse pour être vraiment dangereuse. Puis Saux trouve une touche près de la ligne. Les Blancs se permettent une offensive sur le dernier ballon du match, un rush de crauste, une attaque au large qui fait se lever le public. La balle à l’aile pour Rancoule servi par Guy Boniface… Décalage ? Hélas, la transmission échoue, le ballon tombe. Ce match grandiose se termine sur le plus pauvre des scores zéro-zéro, presque un gag pour un match qui n’avait rien d’une farce.

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