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Il y a 110 ans, le premier match des Bleus

Par Jérôme Prévot
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    Il y a 110 ans, le premier match des Bleus
Publié le Mis à jour
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Le 1er janvier 1906, l’équipe de France affrontait la Nouvelle-Zélande au Parc des Princes. Une grande première pour les Bleus face, déjà là la meilleure équipe du monde ;

En 1906, après douze années de tâtonnements, le rugby français touche enfin au but. Pour fêter le jour de l’an, il est en effet représenté par une équipe nationale en bonne et due forme comprenant les meilleurs joueurs provinciaux : deux Bordelais, un Lyonnais, un Havrais. Une formation réunie sans avoir effectué le moindre entraînement en commun… Le troisième ligne Jacques Duffourcq, médecin à Salies-du-Béarn, a même passé toute la nuit dans le train et arrive au stade une heure seulement avant le coup d’envoi du match. Il ne connaît personne sauf ses coéquipiers du Stade Bordelais. À cette équipe naissante, on propose d’entrée de jeu l’adversaire le plus difficile qui soit puisque la commission rugby de l’USFSA a réussi à convaincre les All Blacks, en tournée en Irlande et en Grande-Bretagne, de faire un crochet par Paris. Sans doute en échange d’un généreux remboursement des frais… Le 30 décembre, ces Blacks disputent leur dernier match à Swansea ; le soir même, ils prennent le bateau jusqu’à Boulogne, puis rejoignent la gare du Nord où deux cents personnes les attendent. Ils sont épuisés par trois mois de tournée et trente-deux matchs. Mais leurs moyens physiques, tactiques et techniques restent largement supérieurs à ceux d’une équipe de France donnant pourtant tout ce qu’elle a.

Des mensurations effarantes….

À quoi ressemblait ce premier XV tricolore ? Esthétiquement, à l’équipe d’Angleterre puisqu’il jouait en blanc, sans le coq mais avec les deux anneaux « rouge et bleu » de l’USFSA sur le cœur. Sur le plan physique, à une bande de cadets d’aujourd’hui puisque personne ne dépasse les quatre-vingt-dix kilos (Communeau), ni le mètre quatre-vingt-cinq (Cessieux). Un sacré handicap face aux colosses néo-zélandais. Sur les plans tactique et technique, il est assez difficile de se faire une idée. Écoutons plutôt son capitaine Henri Amand : « En fait, on jouait un peu comme on voulait, et n’importe comment. Les avants ne prenaient jamais le ballon et ne savaient pas quoi en faire. » Sur le plan social, elle était tout à fait conforme aux caractéristiques du rugby de l’époque ; les joueurs étaient tous issus des classes aisées : industriels, hauts fonctionnaires, médecins, artistes peintres, officiers. Notons tout de même que cette équipe était déjà multiraciale puisque son deuxième ligne Georges Jérôme était noir (de Guyane) et son pilier André Vergès, métis (mulâtre disait-on). Elle comportait aussi deux « assimilés » : l’arrière anglais William Crichton et le deuxième ligne américain Allan Muhr qui deviendra par la suite un sélectionneur influant. Les All Blacks paraissent être de véritables titans aux observateurs de l’époque. Ils sortent d’une longue tournée en Grande-Bretagne et en Irlande durant laquelle ils ont gagné trente et un matchs sur trente-deux et encore, ils n’ont perdu que 3 à 0 au Pays de Galles, avec un essai refusé à Deans qui fit couler beaucoup d’encre. Dès leur sortie des vestiaires dans la froideur et sous la pluie parisienne, le public est interloqué par leurs gabarits : trois joueurs dépassent les un mètre quatre-vingt et le poids moyen de l’équipe est de quatre-vingts kilos ! Mais la qualité des hommes en noir ne réside pas seulement dans leur puissance : leur jeu étonnait par la qualité des passes et des courses. Médusés, les Français découvrent un collectif rodé qui maîtrise une arme décisive, la vitesse. Autre curiosité, les numéros dans le dos et la démonstration du Haka, juste avant le coup d’envoi.

La force de leurs avants leur permet de ne jouer qu’à sept en mêlée et ils détachent leur capitaine et troisième ligne Dave Gallaher dans un rôle de winger ; un « voltigeur » qui introduit le ballon en mêlée avant d’aller aider ses trois-quarts en attaque comme en défense. Leur mêlée s’organise avec trois joueurs en première ligne (ce qui n’était pas alors obligatoire) et quatre en deuxième ligne, ce que les Français n’avaient jamais vu. Henri Amand se posera d’ailleurs la question de la légalité d’une telle tactique. Malgré la boue, les All Blacks refusent la facilité des dribblings et construisent une série d’actions de classe. Au bout : dix essais et autant d’occasions nettes. Les Français sont surclassés bien évidemment, mais ils évitent le ridicule en défendant comme des morts de faim. Mieux, ils marquent deux essais : le premier par Noël Cessieux sur une longue touche, le second par Jérôme à la conclusion d’un semblant d’action collective. Incroyable : les Français ont franchi deux fois la ligne néo-zélandaise, ce qu’aucune équipe britannique n’avait réussi à faire cette année-là.

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