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Carmaux, au bout du tunnel

Par midi olympique
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    Carmaux, au bout du tunnel
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Après deux descentes successives, Carmaux a réussi à se maintenir en Promotion d’Honneur. Et entend poser les bases de son renouveau sous l’impulsion d’une nouvelle équipe dirigeante. Le champion de France 1951 s’accroche à sa légende.

L’US Carmaux est une miraculée. Il y a à peine plus d’un an, cabossée par un début de décennie catastrophique qui l’aura vu chuter de la Fédérale 3 aux divisions territoriales, l’USC, club triple champion de France (1951 en Première Division, 1972 en Deuxième Divison, 1995 en Fédérale 3), se trouve sans dirigeant, pillée de ses joueurs, délaissée par ses supporters. Au bord de l’implosion. Comme un bateau ivre errant sans capitaine sur la mer d’un rugby qui va trop vite pour lui. De descente en désillusions, le club n’en finit plus de se perdre. Avec en guise de paroxysme de la déchéance un triste dimanche de septembre 2014. Ce jour-là, alors en division Honneur, les Tarnais se déplacent à Beaumont-de-Lomagne, pour le compte de la troisième journée de championnat. Le score ? Il restera dans les annales comme la plus grosse défaite de l’histoire du rugby carmausin. 106 à 0. Une claque monumentale. Un mal pour un bien ? Peut-être. Car, quelque part en tribunes, le cœur parle et quelque chose se passe. Jean-François Soubrié, amoureux de l’USC de la première heure se prend la tête dans les mains. Pierre Pauziès, « Poïte » pour les intimes, héros de l’épopée 1972, pleure à chaudes larmes de voir son club mourir à petit feu.

Il faudra pourtant laisser passer la saison et encore attendre une assemblée générale exceptionnelle, à l’été 2015, pour que Jean-François Soubrié se décide à reprendre en mains la destinée de son club de cœur : « Un club comme Carmaux ne pouvait pas mourir, explique le président, aujourd’hui pleinement investi de sa mission. J’ai pris ce challenge à bras-le-corps, comme un devoir de mémoire pour les générations passées. J’ai pensé aux anciens de 1951, dont il ne reste plus que quatre représentants, et à ceux de 1972 qui jamais n’auraient imaginé voir leur club adoré tomber si bas. » On croise alors les regards des illustres internationaux, de Romeu à Aué en passant par Andrieu, Couffignal ou Larrue, dont les portraits ornent les murs défraîchis du club-house sans âge.

Un organigramme court et féminisé

À l’aube de la saison 2015-2016 commence alors un long travail. Tout est à reconstruire ou presque. Le nouveau président (il démarrera sa mission avec un coprésident, Philippe Kopacz, qui abandonnera bien vite le navire), s’attache à créer une équipe solide, mue par des valeurs simples. « Jeff » Soubrié explique : « J’ai voulu un organigramme très court, avec peu de noms. Mais j’ai cherché des gens amoureux du club, prêts à s’investir dans le projet et à se battre pour redorer notre blason. » Il y a là Bernard Coursières, le trésorier ; Sonia Campos, la secrétaire générale ; Bernard Barreau, Pierre Pauziès, Robert Hernandez, Patrick Thomas. Des bénévoles qui ont la passion de l’USC chevillée au corps. Bien conscient que le rugby à Carmaux doit aussi se moderniser, se féminiser et basculer dans l’ère du numérique, « Jeff » Soubrié engage un staff « communication » autour d’Élodie Zanetti, Maëva Rouquette, Mélanie Bugarel et Louis Viola. Quelque part en cuisine, Patrick le pâtissier et Nadia la cuisinière s’affairent. Ce vendredi soir de fin de saison, encore, il y aura une bonne cinquantaine de personnes à nourrir. Aligot-Saucisse-tarte aux pommes. « Nous préparons les repas le vendredi soir, le samedi pour les cadets et les juniors et les dimanches de match à domicile pour l’équipe première et pour la réception d’après-match », pose Nadia. Un boulot colossal que ce couple investi accomplit par amour du rugby. Par amour de l’USC.

Les « choses du terrain », c’est Philippe Oro, nommé manager général, qui les gère. L’expérimenté technicien est entouré de Mathieu Thomas pour les trois-quarts et de Patrick Puel pour les avants. Le trio doit composer avec les aléas d’un club de Promotion Honneur : notamment un manque d’effectif criant qui oblige le club à se passer d’équipe réserve. « À ce niveau-là, jouer un championnat complet nécessite une remise en question permanente. Tous les lundis, il faut se demander si l’on pourra aligner une équipe le dimanche suivant », reprend le président Soubrié. Malgré les vents contraires, le challenge est réussi dès la première saison : le club se maintient in extremis en Promotion Honneur et la spirale négative est enrayée. Il s’en est fallu de peu mais pour la première fois depuis deux saisons, Carmaux ne descendra pas cette année. Analogie à la mine toute proche : « Au bout du tunnel, il y a toujours la lumière. »

Pour l’exercice prochain, les nouveaux dirigeants aimeraient recruter « trois ou quatre avants » et pouvoir constituer une équipe réserve. Avec un budget compris entre 90 000 et 110 000 euros, il n’y aura pas de place pour faire des folies. « Notre prime de match ? Une douche chaude », clame une affiche bien en évidence à l’entrée du préfabriqué. Le seul luxe - gratuit - que les Carmausins pourront s’accorder sera sans doute de voir Yves Donguy, l’ex-gloire du Top 14, fouler la pelouse du stade Jean-Vareilles. Engagé « par amitié » avec Jeff Soubrié cette saison déjà, l’ailier s’est donné très rapidement une rupture d’un tendon d’Achille. Il espère être rétabli pour la reprise et a d’ores et déjà informé son président qu’il souhaitait continuer l’aventure à Carmaux. Yves Donguy, si les résultats suivent, permettra peut-être aux Carmausins de réinvestir le terrain d’honneur du complexe Jean-Vareilles. Lassés de l’entendre sonner creux (une centaine de supporters, parfois moins, cette saison), les dirigeants ont « délocalisé » les matchs sur un terrain annexe. Poïte « en chialerait mais rêve de revoir un jour les tribunes sonner comme à la grande époque ».

La camaraderie pour éviter le naufrage

Accoudé à l’imposant zinc du club-house, où trône pêle-mêle une réplique grandeur nature du Bouclier de Brennus de l’équipe de 51 et le trophée Cinzano de celle de 1972, Fabien Cavaillès, 31 ans, un des papas de ce groupe dont la majorité des joueurs affiche à peine plus de 20 printemps, fait le bilan de ses sept années passées au club : « Le vrai - mauvais - tournant, c’est la saison 2012-2013. C’est une année charnière. Beaucoup de bons joueurs expérimentés arrêtent le rugby ou quittent le club pour aller jouer ailleurs. En parallèle, il y a un creux générationnel et peu de jeunes montent. Les recrues, cette année-là, ne sont pas au niveau. On descend et c’est l’engrenage. » Lucide, le jeune homme estime que Carmaux, aujourd’hui, « est à son niveau ». Pierre Pauziès, le redoutable deuxième ligne de la génération 1972, qui porte fièrement ses 70 ans du haut de son 1,92 m, espère mieux : « J’aimerais sincèrement que l’on remonte au moins en Fédérale 3. Je pense que ce club le mérite. »

Dans le bruit confus du lieu de vie, le président Soubrié demande soudain le silence : les Corons, le tube de Pierre Bachelet, est repris en chœur par tout un club. 50 gosses du cru chantent à tue-tête. Frissons. Pierre Pauziès, dernier représentant de la corporation des mineurs à avoir porté le maillot de l’USC, est ému aux larmes : « C’est à chaque fois la même histoire. Le rugby, c’est comme la mine. Une histoire de camaraderie. » Et avec « des camarades » comme ceux-là, l’USC ne pouvait vraiment pas mourir.

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