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La résurrection de Pierre Spies

Par Emilie Dudon
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Publié le Mis à jour
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Le troisième ligne de montpellier et ancien springbok (53 sélections), Pierre Spies impressionne depuis son arrivée dans le Top 14. En quatre matchs, il est devenu une référence au MHR. Une résurrection pour le joueur de trente ans, qui n’a pas été épargné par le sort.

Pierre Spies est beau. Genre super beau. Vous trouvez que c’est une réflexion de fille ? Jannie du Plessis, qui ne porte pas souvent de talons hauts à ce qu’on sache, le dit lui-même : « Il est bâti comme un dieu grec. Si j’avais un corps comme le sien, je ne porterai plus jamais un seul tee-shirt ! », se marre l’ancienne terreur des Boks. Qui ne se fait pas prier pour pousser la blague un peu plus loin : « En afrikaans, le mot « miroir » est « spieël ». Spies (prononcez Spiss, N.D.L.R.) se dit pratiquement de la même manière et là où le truc devient intéressant, c’est que Pierre adore se regarder dans le miroir. Il faut qu’il soit parfait avant les entraînements et les matchs. Si quelque chose dépasse, il peut y passer un temps fou… (rires) J’adore le chambrer là-dessus ! » On avait cru comprendre. Mais plus sérieusement, si on vous parle du physique de l’ancien capitaine des Bulls, c’est parce que son histoire est hallucinante. Entre ombre et lumière. Entre force prodigieuse (avouez que vous aussi, vous l’avez trouvé incroyable ces dernières semaines, sous le maillot de Montpellier) et fragilité extrême. S’il affiche, à trente ans, une forme exceptionnelle, cet ancien athlète (spécialiste du lancer du disque, du lancer du poids et du sprint ; son record sur le 100 mètres s’établit à 10’70 !) a bien cru qu’il ne jouerait plus jamais au rugby. Et plusieurs fois dans sa vie.

«Si j’avais un corps comme le sien, je ne porterais plus jamais un tee-shirt ! » 

Retour en arrière. En 2007, tout d’abord. On est plein été et les Springboks sont en stage pour préparer la Coupe du monde qui allait les voir sacrés face aux Anglais au Stade de France quelques mois plus tard. Le joueur n’a que 22 ans mais il est déjà au sommet avec les Bulls et les Springboks, qu’il a rejoints pour la première fois un an plus tôt à l’occasion d’un Tri-Nations où il s’était déjà illustré. Au top, donc. Jusqu’à cet entraînement, fin juillet, où il ressent une gêne dans la poitrine. Il tousse. Et retrouve du sang dans sa main. « J’ai réalisé qu’un truc clochait, alors je suis allé passer des examens médicaux qui n’ont pas été bons. J’ai immédiatement dû arrêter de jouer. D’après les médecins, c’est un miracle qu’il ne se soit pas passé quelque chose de plus grave. » On lui découvre des caillots dans les poumons, et une infection très sérieuse. Un mal héréditaire. Trois ans plus tôt, son père, sportif de haut niveau lui aussi, était décédé d’une crise cardiaque causée par cette maladie, dont souffraient également sa tante et son grand-père.

Plus question de rugby, évidemment. « Le docteur de l’équipe m’a appelé et m’a dit : « Tu dois parler à Pierre, il a une maladie très grave. S’il s’entraîne aujourd’hui, un caillot peut se développer et il peut faire une crise cardiaque », se remémore Jake White, qui était alors sélectionneur des Springboks. J’ai demandé s’il pouvait au moins finir la journée d’entraînements et le médecin me l’a formellement interdit. Alors je suis allé le voir et je lui ai annoncé la mauvaise nouvelle : je lui ai dit que c’était fini pour lui et qu’il ne participerait pas à la Coupe du monde. » Le genre de coups qui vous met K.-O. debout. Pas Spierre Spies. Le colosse (1,94 m, 104 kg) ne s’effrondre pas, loin de là. « Il m’a juste répondu : « Ok, ne t’inquiète pas, ça va aller », reprend White. Pierre était pourtant très jeune mais il faut savoir que c’est quelqu’un d’extrêmement croyant. Sa foi en dieu est immense et l’a beaucoup aidé. Finalement, il a rejoint l’équipe en France pour assister aux demi-finales et il a reçu la médaille comme les autres quand nous avons gagné. Regardez-le aujourd’hui : il a trente ans, il rejoue au rugby et il est énorme. »

Poussé par sa foi

Sa foi, sa force. Hyper croyant, le troisième ligne ne s’est jamais laissé abattre : « Il faut toujours garder espoir et faire confiance à Dieu. Même dans les moments difficiles, j’ai toujours su que Dieu est bon et plein d’amour. Ce que j’ai eu était très dangereux et si je suis encore en vie, c’est parce qu’il m’a protégé. A ce moment-là, j’ai beaucoup prié pour me remettre et jouer à nouveau au rugby. » Des moments de doute immense qui l’ont aidé à grandir « en tant qu’homme et en tant que chrétien. J’ai compris que je n’étais pas invincible. Cette histoire a vraiment eu un gros impact sur moi. Et ce qu’il s’est passé en 2013 et en 2014 encore plus. » Ce qu’il s’est passé, ce sont ces deux ruptures du même tendon du même biceps à huit mois d’intervalle, en juin 2013 puis en février 2014. Deuxième (énorme) coup dur. Encore une fois, Pierre Spies a cru qu’il ne serait plus jamais capable de retrouver les terrains. Encore une fois, il est revenu. Au prix d’immenses efforts et de frustrations tout aussi grandes. Car il a fallu être patient. S’il brille en Top 14 aujourd’hui, son départ d’Afrique du Sud en juin dernier ne s’est pas fait sans contrariétés, poussé vers la sortie par son club de toujours, les Bulls, au terme d’un Super Rugby 2015 quelconque. « Ces deux années de blessures ont été très frustrantes pour lui et sa dernière année chez les Bulls ne s’est pas passée comme prévu, confirme Jannie Du Plessis. Le fait d’être mis de côté a été une réelle épreuve mais ces étapes l’ont beaucoup endurci. Je le connais bien et je peux vous dire qu’il est encore plus fort aujourd’hui. »

« Pierre avait seulement besoin d’un nouvel environnement et d’un nouveau départ pour redevenir le meilleur. La preuve. »

Tout sauf une surprise pour Jake White, qui n’a pas hésité à le recruter l’an passé quand sa franchise ne voulait plus de lui : « Je ne lui ai pas demandé de venir, je l’ai supplié de le faire !, s’exclame le technicien. En Afrique du Sud, tout le monde le voyait fini mais je savais qu’il avait encore beaucoup à offrir. Je lui ai toujours fait confiance, c’est moi qui l’ai appelé pour sa première sélection. Je pense qu’il compterait 80 sélections s’il n’avait pas été blessé. Pierre avait seulement besoin d’un nouvel environnement et d’un nouveau départ pour redevenir le meilleur. La preuve : il est là depuis quatre semaines et son impact dans le club est incroyable. Je suis très heureux pour lui que les choses se déroulent ainsi. » Pierre Spies est content lui aussi. « Venir en France n’était pas prévu et je n’avais jamais imaginé jouer ici, à Montpellier. Mais on ne sait jamais ce que la vie nous réserve, n’est-ce pas ? » Samedi, le joueur, son épouse et ses deux petits garçons, âgés de deux et quatre ans, ont emmenagé dans leur nouvelle demeure, dans la jolie petite cité de Baillargues, à quelques kilomètres de Montpellier. L’établissement définitif d’une nouvelle vie. Et une nouvelle résurrection, quelque part. « Je suis tellement reconnaissant d’être ici et de pouvoir jouer encore au rugby. J’espère le faire encore cinq ans », affirme-t-il plein d’assurance. On ne voit pas ce qui pourrait l’en empêcher. Force de la nature, Spies semble indestructible. Beau comme un dieu, solide comme un roc.

Spies en bref

Né le : 8 juin 1985 à Pretoria (Afrique du Sud). Mensurations : 1,94 m, 104 kg. Surnom : Spieës (miroir en afrikaans). Poste : troisième ligne centre et troisième ligne aile. Clubs successifs : Blue Bulls (2004-2015), Kintetsu Liners, Japon (2015-2016), Montpellier (depuis 2016). Sélections nationales : 53, en équipe d’Afrique du Sud (2006-2013). 1er match en sélection : à Brisbane, le 15 juillet 2006, Australie - Afrique du Sud (49-0). Points en sélection : 35 (7 essais). Palmarès : vainqueur des Tri-Nations (2009), vainqueur du Super Rugby (2007, 2009, 2010).

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