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Technique : courses de soutien, si on coupait ?

Par Nicolas Zanardi
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    Technique : courses de soutien, si on coupait ?
Publié le Mis à jour
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Plus efficaces que leurs concurrents, les Néo-Zélandais le doivent essentiellement à des courses de soutien calculées au millimètre, qui consistent pour certains joueurs à couper devant le ballon plutôt que d’effectuer le traditionnel arc de cercle.

Comme si la Coupe du monde n’avait pas suffi, le Super Rugby est revenu pour confirmer ce que toute la planète savait déjà, à savoir l’incroyable domination des Néo-Zélandais sur la chose ovale. Qu’elle se joue à quinze, à seize ou à dix-huit, la compétition des provinces de l’hémisphère Sud se dispute sur un tempo toujours plus rapide, où la technique individuelle et la rapidité d’exécution des maîtres néo-zélandais fait merveille. Mais par quel miracle les Néo-Zélandais sont-ils les plus rapides du monde ? N’en déplaise aux partisans de la prétendue « génétique », il ne s’agit en aucun cas de capacités physiques supérieures aux franchises sud-africaines ou australiennes, ni même à des principes de circulation offensive finalement partagés par toutes les équipes du monde, y compris dans le Top 14. Non, ce qui offre en réalité une vitesse supérieure aux Néo-Zélandais réside dans des courses de soutiens beaucoup plus intelligentes que celles de leurs concurrents.

Le rôle-clé du demi de mêlée

Le principe de ces courses ? Il concerne essentiellement deux joueurs, à savoir le troisième ligne côté ouvert et, surtout, le demi de mêlée. « Lorsqu’un mouvement est lancé vers l’extérieur, ces joueurs n’effectuent non pas une course « traditionnelle » en arc de cercle, mais coupent tout droit dans le dos de la défense, afin d’anticiper le franchissement, explique l’ancien demi de mêlée des Blacks Justin Marshall dans sa chronique du NZ Herald. Et ce sont ces deux secondes gagnées par l’anticipation qui font toute la différence. Car même si le joueur est plaqué, les numéros 9 néo-zélandais savent effectuer des déblayages efficaces, et contribuer à des libérations rapides. Derrière, un autre joueur peut tenir le rôle de relayeur, et le mouvement peut rebondir… » Risqué ? Peut-être en partie puisque, se trouvant devant le ballon, ces joueurs se retrouveraient hors-jeu au cas où leur partenaire ne franchirait pas la ligne d’avantage ? Sauf que dans la réalité des faits, un simple ralentissement permet souvent d’arriver dans le bon tempo. Et qu’il est quoi qu’il en soit moins pénalisant de ne pas arriver dans l’axe d’un ruck forcément lent, que de ne pas arriver à hauteur d’un partenaire lorsque celui-ci a franchi…

Une solution pour le XV de France ?

D’ailleurs, à bien y réfléchir, c’est exactement de ce mal qu’a souffert le XV de France lors du dernier Tournoi, les Bleus étant l’équipe qui a le plus franchi, mais le moins marqué. Il n’est donc finalement pas étonnant d’entendre, à l’here du bilan, l’entraîneur des trois-quarts Jeff Dubois tenir le discours suivant. « Il faut peut-être qu’on réfléchisse à des joueurs qui viennent couper la ligne, qui anticipent finalement le premier franchissement. Évidemment, c’est risqué car cela ne peut pas fonctionner à tous les coups. Mais quand ça marche, c’est très efficace. En coupant ainsi la défense, le porteur de balle qui se trouve à l’extérieur a immédiatement un soutien à son intérieur. Durant le Tournoi, les Écossais et les Gallois l’ont très bien fait. » Deux équipes entraînées, tiens donc… par des Néo-Zélandais ! Lesquels ont apporté à leur sélection ces principes avec lesquels fonctionnent les Blacks depuis… cinquante ans - on se souvient que Murray Mexted enseignait déjà cela aux Agenais dans les années 70 - et qui font aujourd’hui le miel des Chiefs, des Highlanders ou des Hurricanes. Ne vous étonnez donc pas si, cette année encore, les demis de mêlée de ces trois équipes figurent encore aux premiers rangs des marqueurs d’essais. Ni si le XV de France compte encore quelques années de retard par rapport aux maîtres du jeu, faute de savoir s’appuyer sur son propre passé…

Fiche pratique : le croquis de Justin Marshall

Dans sa chronique du New Zealand Herald, l’ancien demi de mêlée des All Blacks (et de Montpellier) Justin Marshall a explicité les courses de soutien des demis de mêlée néo-zélandais par un croquis, en partant de l’exemple d’Aaron Smith avec les All Blacks (lire ci-dessus). Un dessin qui vaut bien des discours, même si les explications de Marshall s’avèrent évidemment très intéressantes. « Le rôle classique du demi de mêlée, c’est d’éjecter au plus vite le ballon du regroupement. C’est pourquoi la course de soutien classique du numéro 9 passe par un arc de cercle, de façon à se situer toujours derrière le ballon. Aaron Smith et les autres demis de mêlée n’ont pas la même approche : leur rôle, c’est de se servir de leur vitesse pour arriver les premiers et apporter un soutien à l’intérieur du porteur du ballon. On ne compte plus le nombre d’essais qu’ils ont marqué de la sorte ces quatre dernières années. Et si le joueur en bout de ligne n’arrive pas à leur ressortir le ballon, ils sont alors les premiers au déblayage. Dans la plupart des équipes au monde, lorsque le demi de mêlée déblaie, c’est le fruit d’un accident, parce qu’un joueur a oublié de faire son travail. Pas chez les Néo-Zélandais. De par leur position et leur vitesse, les demis de mêlée sont les mieux placés pour être les premiers soutiens au large, et les Blacks s’en servent. Si Aaron Smith est le titulaire, c’est en grande partie parce que son agressivité et son efficacité au déblayage est sans pareille par rapport à ses concurrents. » Les deux ou trois secondes gagnées par ce soutien permettant, ensuite, à toute l’équipe de prendre de vitesse son adversaire…

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