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Racing 92 : Va, vis, deviens !

Par Marc Duzan
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    Racing 92 : Va, vis, deviens !
Publié le Mis à jour
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Samedi soir, à Lyon, le Racing a l’occasion de marquer l’histoire et les esprits. Est-ce le début d’une nouvelle ère ?

C’était mardi soir, au Plessis-Robinson. Fuyant courageusement la maudite drache qui martelait le centre d’entraînement du Racing, une trentaine de journalistes s’était réfugiée dans la salle de cours généralement occupée par les Crabos du club. Délogés de chez eux et contraints de squatter un terrain adjacent, ceux-ci décidaient alors de se venger, balançant négligemment quelques ballons souillés sur les vitres de l’auditorium. Parce que ce n’était qu’un jeu d’enfants et parce que ces enfants-là devaient bien peser 110 kg, on les laissait faire. À l’intérieur, un confrère aux tempes poivre et sel demandait alors à Laurent Travers : « Vous êtes superstitieux, Laurent ? » Non, tu penses. On parle juste d’un mec portant un slip porte-bonheur pour la Coupe d’Europe et un autre pour le Top 14. Le coentraîneur du Racing, honnête, acquiesçait aussitôt d’un hochement de tête. Satisfait, « Crin Blanc » enchaînait : « Alors, vous devez savoir qu’une équipe arrivant invaincue en finale de coupe d’Europe, comme c’est présentement le cas des Saracens, n’a jamais gagné la compétition ? » Avant de répondre, Laurent Travers a esquissé un sourire, tripoté la monture de ses lunettes et conclu : « Je le sais oui. Et j’espère que ce sera toujours le cas l’année prochaine… »

Voici donc le « Racing club de toute la France » (Lorenzetti) au pied de la montagne, au carrefour de l’histoire et, une fois n’est pas coutume, au centre de toutes les attentions du rugby français. Boursouflures homériques mises à part, Laurent Travers a surtout conscience de vivre la semaine la plus importante de sa jeune carrière d’entraîneur : « Franchement, combien de joueurs seraient prêts à échanger une sélection contre une finale avec leur club ? Combien d’entre-deux souhaiteraient être à notre place ? Nous avons tous conscience de la chance qui nous est offerte ». En fait, le risque serait de tout sabrer sur un seul match : le bel élan d’une saison pleine, l’augure d’un premier titre et les promesses de l’aube. Le jour où il s’inclina en finale de coupe d’Europe (en 2010 face à Toulouse), Wenceslas Lauret n’avait que 20 ans. Il était, en ce temps-là, le décent bizut d’une troisième ligne regroupant Magnus Lund et Imanol Harinordoquy. Passée la gifle, il aurait pu tourner la page, tout oublier rue de la Soif ou, dans le pire des cas, traîner son mal-être jusqu’aux férias de Pampelune. Six ans et un déménagement plus tard, le souvenir de cette défaite au Stade de France (21-19) ne s’est pourtant jamais estompé : « Il n’y a rien de pire que perdre une finale. Ça te hante, ça te poursuit, c’est horrible. Après ça, tu ne vis que sur des regrets et, toute ta vie, tu te dis : « on aurait pu changer ci, on aurait dû changer ça… » Sincèrement, je ne le souhaite à personne ». In fine, seul le champion a raison. « Seule compte l’étoile sur le maillot, poursuit le flanker international. Tu es champion et tu marques l’histoire de ton sport. Tu perds une finale et on t’oublie aussitôt. » Ce titre, le premier depuis vingt-six ans, changerait tout ou presque, au Racing. Les oubliés de l’autre côté du périph’ deviendraient de facto des champions d’Europe. Plus encore que fréquentables, les soudards de la banlieue rouge deviendraient tout à coup incontournables. Lauret conclut : « Cela pourrait avoir un impact formidable sur notre futur proche. On aurait peut-être plus de monde à Colombes. Et dans un an, on remplirait peut-être aussi l’Arena ». Les « groupuscules de supporters » qui faisaient jadis plisser les yeux à Camille Gérondeau se dilateraient naturellement et, sans parler d’une « Blue Army », on pourrait au moins envisager une brigade bicolore, une patrouille Ciel et Blanc.

Les Sarries ? Tout le monde en parle !

Lève-toi et marche, alors. Va, vis, deviens et réduis-les à néant, dans la mesure où tu veux enfin devenir quelqu’un d’autre. « On sait comment jouent les Saracens, lâche Laurent Labit : ils laissent la possession à l’adversaire pour que celui-ci frappe sur le rideau défensif, s’épuise et commette finalement des fautes ». Au printemps 2016, les « Sarries » forcent donc l’admiration. Champions d’Angleterre en titre, invaincus en Champions Cup cette saison, les mouflets du milliardaire sud-africain Johan Rupert (propriétaire du groupe de luxe Richemont) font beaucoup parler, dans le Landerneau. Que n’a-t-on pas lu, vu, entendu sur Billy Vunipola, homme et demi au régime sec depuis qu’Eddie Jones l’a privé de dessert ? Que n’a-t-on pas écrit, aussi, sur ce sociopathe d’Owen Farrell, meilleur réalisateur de la compétition, bon garçon incompris et héritier présumé de « Wilko » en équipe nationale ? Et quoi ? Ah oui. Les vertus de la révolutionnaire « drift défense », dont on se gardera bien de vous expliquer le fonctionnement, puisque n’y ayant rien compris nous-mêmes. En y regardant de plus près, on se rend pourtant compte que le beau vernis des Saracens est par endroits craquelé. Il n’y a pas si longtemps (2007), le coach Mark McCall était le porteur d’eau d’Alain Gaillard au Castres olympique. Il ne faut pas, non plus, s’appeler René Deleplace pour comprendre qu’au centre du terrain, ce rhinocéros de Brad Barritt a toujours été infoutu de faire une passe sur un pas. Le talonneur Schalk Brits, vous dites ? À son sujet, Vern Cotter nous a toujours expliqué qu’il sombrait dans l’anonymat dès lors qu’on le soumettait à une pression digne de ce nom en mêlée fermée. Rien d’évident, d’accord. Mais rien d’insurmontable, non plus.

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