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Sonnes : « Je veux rester libre »

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    Sonnes : « Je veux rester libre »
Publié le Mis à jour
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Des Landes de Gascogne aux prés irlandais, il n’y a qu’un pas que le technicien, Régis Sonnes, va franchir. Entretien avec un homme discret, qui cultive ses différences.

 

On vous présente comme un personnage atypique dans la sphère rugby. Est-ce gênant à vos yeux ?

 

Non. On peut voir mon parcours comme cela, je l’assume totalement. Disons que je suis en perpétuelle recherche. De fait, je suis amené à prendre des décisions de vie qui peuvent paraître à certains un peu décalées. Mais les choix que je fais sont toujours mûrement réfléchis et assumés. Et je n’en ai regretté aucun jusqu’à aujourd’hui.

 

Parlons de votre décision de quitter l’UBB alors que tout le monde reconnaît le formidable travail que vous y avez effectué…

 

Je ne sais pas si mon travail est formidable mais je travaille beaucoup, comme toutes les composantes du club. C’est mon principe. Quand je m’engage, c’est à fond. Et j’y mets beaucoup de moi-même.

 

Pourquoi partir ?

 

Je ne veux pas faire la saison de trop, faire semblant ou ne pas avoir l’énergie nécessaire pour être au maximum de mes capacités. J’ai donc décidé de quitter un club auquel je suis très attaché, par respect pour mon président, les joueurs et mes partenaires du staff. Un entraîneur doit être entraînant, et s’il n’est plus certain de l’être, il doit laisser la place. Je l’ai annoncé suffisamment tôt pour que l’UBB puisse se retourner et trouver la personne qui lui paraissait la plus compétente. Je crois avoir fait les choses comme il fallait les faire.

 

L’an prochain, vous poserez vos valises à Bandon, petit village irlandais situé au sud de Cork. Un choix atypique…

 

On peut le penser, mais il me réjouit. Je pars trois ans pour entraîner l’équipe fanion qui est en troisième division et prendre la fonction de directeur rugby de la Grammar Rugby School où le rugby est intégré à la scolarité des élèves de 12 à 18ans. Entraîner de jeunes joueurs est un aspect qui manquait à mon parcours dont j’avais très envie ; en commençant par entraîner les adultes, je n’ai pas eu l’occasion d’être éducateur. Or, je veux comprendre comment se construit un joueur de rugby, et par quelles étapes il passe. C’est un aspect fondamental qui me manque. Cela va me permettre de continuer à me construire en tant qu’homme et comme entraîneur.

 

Pourquoi ne pas rester en France ?

 

Je ne le souhaitais pas. Par loyauté pour l’UBB, je n’aurais pas voulu entraîner une autre équipe de Top 14 l’an prochain. Et puis, j’ai envie de liberté, découvrir d’autres horizons, m’enrichir d’autres cultures et d’autres hommes. Cette opportunité irlandaise s’est présentée il y a un mois à peine et je n’ai pas hésité longtemps puisqu’elle correspond à mes souhaits et à ceux de mon épouse : la découverte de la culture anglo-saxonne, sans être trop loin de la France pour ne pas être coupés de la famille et des racines. Que rêver de mieux que l’Irlande pour respirer le rugby ?

 

N’est-il pas trop difficile de partir ?

 

Je suis très attaché à ma Gascogne natale, au Sud-Ouest et tout ce qui s’y rattache : les fêtes, les corridas, la course landaise, la gastronomie, l’Océan, les forêts de pins… Je ne vais pas à l’autre bout du monde et il ne sera pas si difficile de venir m’y ressourcer. Et puis partir me permet aussi de voir à quel point les racines sont importantes et irremplaçables. Mais le voyage est une ouverture sur le monde dont il ne faut pas se priver quand on en a l’occasion.

 

Est-ce cette philosophie de vie qui a guidé l’ensemble de votre parcours ?

 

Plus ou moins, même si un parcours est aussi affaire d’opportunité. Quand je suis parti en Espagne pour entraîner Madrid puis la sélection espagnole, certains se posaient des questions sur mon avenir. Je peux vous assurer que je me suis régalé dans un contexte qui n’a rien à voir avec le professionnalisme français. D’une semaine à l’autre, on ne savait pas forcément sur quel terrain on allait s’entraîner et tout était difficile. Mais, le dimanche, les joueurs avaient les mêmes exigences, la même ambition. Ces difficultés étaient aussi le ciment de la solidarité au sein du groupe. Le rugby est universel, il est beau partout et sous toutes ses formes. J’ai vécu là-bas une aventure humaine magnifique qui m’a énormément apporté et qui, pour autant, ne m’a pas empêché de revenir en France dans un grand club.

 

En définitive, n’est-ce pas l’humain qui vous passionne le plus ?

 

Peut-être. C’est dans mon caractère de me tourner vers les autres plutôt que d’être centré sur moi-même. Je ne conçois pas la performance si elle ne s’appuie pas sur les valeurs qui sont au plus profond de moi. Ce que j’ai aimé à l’UBB, c’est d’avoir pu travailler dans le respect mutuel et la loyauté partagée. C’est une histoire de mecs bien, même si le professionnalisme est exigeant et qu’il y a parfois des moments difficiles. Le rugby se suffit à lui-même en tant que sport mais ne pas y voir le prétexte ou l’opportunité de croiser des hommes c’est passer à côté de l’essentiel. Le partage et les rencontres, voilà l’essence même de ce sport, sa beauté, sa richesse et son intérêt.

 

Votre carrière semble jalonnée de ruptures…

 

Ce ne sont pas des ruptures, plutôt des cycles. Lorsque j’étais au Stade toulousain, après avoir remporté deux titres (1993-1994 et 1994-1995, N.D.L.R.), j’ai décidé de prendre une année sabbatique. Je ne l’ai pas fait par caprice ou pour fanfaronner mais parce que j’en avais besoin. J’avais fait énormément d’efforts pour devenir titulaire dans la plus belle équipe de l’époque et, là encore, je ne voulais pas faire une année moyenne. Je savais que j’avais besoin de couper, de m’aérer l’esprit pour revenir plus fort. J’ai pris ma planche de surf et je suis allé me balader là où il y a de beaux spots. Dans l’intervalle, l’équipe a remporté sa première Coupe d’Europe. Quand je suis revenu en 1996, sur la pointe des pieds, il a fallu prouver. C’était un défi que j’ai su relever et j’ai soulevé une troisième fois le Bouclier de Brennus, face à Bourgoin, au terme de cette saison 1997. Il faut croire que ce besoin de me ressourcer et de me remettre en questions est en moi depuis longtemps.

 

Ce titre de 1997 est-il le plus beau ?

 

Tous sont beaux et chacun a son histoire mais le plus profond, c’est celui de Deuxième Série avec le Real Soldevilla Campétois (2005). Tous les titres que j’ai remportés m’ont procuré une grande émotion, mais celui-là tient une place particulière : je l’ai gagné avec mes amis de toujours. En 1988, en cadets avec le Stade montois, nous avions une équipe pour être champions de France, et nous ne l’avons pas été. Nous nous étions promis de réparer cet échec. Chacun a vécu sa vie, professionnelle et rugbystique, jusqu’à ce qu’une idée un peu folle nous rassemble à nouveau. Créer un club qui n’existait pas à quelques kilomètres de Mont-de-Marsan, et devenir champions de France. Le plus beau de l’histoire, ce n’est pas tant le titre mais l’état d’esprit qui a présidé à la réalisation de ce projet. Le plaisir de partager entre nous, et avec nos adversaires. Le plaisir du jeu, tout simplement.

 

Vous disputerez, demain, votre dernier match à Bordeaux avec l’UBB, face à Brive. Il y aura forcément de l’émotion ?

 

Bien sûr mais la saison ne sera pas terminée et il faudra jusqu’au bout être animé par l’espoir et l’ambition. Ce sera surtout le dernier match de la carrière de Matthew Clarkin et Heini Adams dont la contribution au club est sans commune mesure avec la mienne. Ce sont de magnifiques joueurs de rugby, qui sont à la base de la renaissance de l’UBB alors que je n’ai fait que suivre la voie qu’ils ont tracée, en essayant de les accompagner. J’espère qu’ils auront la sortie qu’ils méritent. Nous ferons tout pour que la récompense soit à la hauteur de leur engagement.

 

Que faut-il vous souhaiter ?

 

D’être heureux avec ma famille là où je vais, d’apprendre encore et de rester libre.

 

Par Pierre Baylet

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