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Bézy, statut de la liberté

Par Jérémy Fadat
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    Bézy, statut de la liberté
Publié le Mis à jour
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Samedi soir, il affrontera Maxime Machenaud, son concurrent direct chez les Bleus. A 24 ans, au terme d’une année folle qui l’a vu devenir cadre en club, il doit désormais marquer les grands rendez-vous de son empreinte pour définitivement prendre son envol.

C’était il y a un an. Au même stade de la compétition. 30 mai 2015, il recevait Oyonnax et ils étaient alors nombreux à se tromper de prénom le concernant. Sébastien Bézy, frère de Nicolas (champion de France en 2011 avec Toulouse), disputait son premier match à élimination directe en Top 14. Lequel (20-19) fut proche d’accoucher d’un fiasco majuscule… « Pour moi, ce n’était pas vraiment une phase finale, se rappelle-t-il aujourd’hui. Le barrage, ce n’est pas une demie ou une finale. Durant le match, je me disais : « Ce n’est pas possible, on ne va pas y aller. » » En ce temps-là, Bézy n’avait plus vingt ans (né en 1991) mais était propulsé ultime surprise de Guy Novès avant les adieux larmoyants. Un neuf de poche imposé depuis quelques semaines. « J’étais numéro trois au départ et ne pensais pas tant jouer sur la fin de saison. » Juin 2016, il est toujours installé mais désormais incontournable. Pièce maîtresse d’Ugo Mola et nouvel international. Le genre de CV qui révolutionne un statut à l’heure de retrouver l’odeur de la dernière ligne droite. Mais, concrètement, qu’est-ce qui a changé ? « Je joue beaucoup, fais souvent les matchs en entier, rétorque-t-il. Cela permet d’avoir du rythme et de l’assurance. Je me pose moins de questions sur ma place, me sens plus libéré. Je sais que mes coachs et mes partenaires me font confiance. C’est plus simple de leur parler. » Autorité légitime. Parce que le cadre dessiné à l’intersaison l’a été à sa convenance.

Mola : « il n’a pas grillé les étapes »

Ugo Mola et ses adjoints, par conviction, ont érigé un plan de jeu aéré. Aussi car ils savaient posséder ce numéro neuf capable de coller au ballon. Lui reconnaît : « J’adore le jeu qu’on cherche à mettre en place. On veut imposer du rythme. » Mola poursuit : « Je me suis fondu dans ce qui était fait. Ce garçon n’a pas grillé les étapes, au contraire. Il a la chance que son club croit en lui. Il a des qualités différentes, ne se positionne dans un rugby parfois pratiqué par les neuf costauds d’aujourd’hui. Son rôle, c’est de bien faire jouer les siens. » Bézy, au milieu de la symphonie, est ce chef d’orchestre qui éblouit quand son équipe brille. C’était le cas dès la fin de l’été. Quand les Bleus de Saint-André enchaînaient les tours de Wattbike à Marcoussis ou les désillusions en Angleterre, lui illuminait les planches du Top 14. Assez pour donner des idées à son ancien mentor. L’une des premières résolutions de Novès fut de lancer sa carrière internationale en grande pompe. Titulaire lors des deux premiers matchs du Tournoi 2016. Et même buteur pour l’ouverture face à l’Italie. Trois échecs au pied et deux prestations mitigées plus tard, il laissa sa place à Maxime Machenaud, son adversaire direct samedi soir. « J’aurais pu mieux faire, admet-il. Dans les tirs au but déjà, je ressens une certaine frustration puisque je n’en ai pas mis. Même dans le jeu, il y a eu du déchet. » Comment l’expliquer ? « Il y a un paramètre qu’on ne maîtrise pas : tu connais beaucoup mieux tes coéquipiers en club qu’en équipe de France. à Toulouse, je sais que si je donne le ballon à Tekori ou Picamoles, ils vont nous faire avancer alors que chez les Bleus, je ne savais pas encore… »

Brive, la sortie de route

Aussi parce que, dans la cour des géants, tout va si vite. Les cadences. Les attentes. Et Bézy, dont les performances ont été disséquées, l’a appris à ses dépens. « C’est quelque chose que je ne connaissais pas, raconte-t-il. Quand, après le match, tout le monde doit passer en zone mixte et que tu vois le nombre de journalistes présents, tu comprends. Tout est décrypté. Je ne m’y attendais pas vraiment. » Le revers de la gloire. Ou quand l’avènement signe la fin de l’éclosion, donc de l’insouciance.

Durant ce même Tournoi, Sébastien Bézy a ramassé les affres de cette notoriété nouvelle en plein visage. Le 5 mars dernier, entre le pays de Galles et l’écosse, il profitait d’un retour express en club pour se ressourcer à Brive. Balade corrézienne qui virait à la sortie de route personnelle. Dans les arrêts de jeu, Toulouse inscrivait un essai entre les poteaux. Transformation, à cinq mètres des barres, pour valider le succès. Formalité pour l’artilleur de poche… Contrée par Jean-Baptiste Péjoine. Scène aussi cocasse que dramatique, laquelle faisait le tour des télévisions et des sites Internet en quelques heures. Les railleries concentrées sur un seul homme. Bézy, qui ne mettait qu’une poignée de minutes à assumer son flop devant la presse sans autre palabre qu’un « Je suis désolé, je ne me suis pas assez reculé. » Qu’aurait-il pu ajouter ? « Il n’y avait rien à dire… On m’avait demandé de venir, je n’allais pas répondre non. Je ne me suis pas échappé. »

« Ne pas perdre le fil »

De l’avis de tous, ce déboire l’avait pourtant marqué. Touché dans sa fierté. Jusqu’à le fragiliser. « Ce match m’a un peu mis le moral à zéro. Sur le coup, je ne voulais pas voir grand monde et n’arrivais pas à penser à autre chose que cette transformation. La première semaine, c’était dur. J’ai vite essayé de l’oublier. Mais, parfois, ça ne marche pas. » Ode à la légèreté et à la frénésie, le joueur n’en reste pas moins un garçon sensible. Encore trop pour évacuer et digérer rapidement les échecs, notamment en match. Sa voie de progression, comme il le confesse : « Je suis loin d’être parfait sur ce point et dois travailler dessus. Quand je loupe une pénalité, parfois, ça m’énerve et je n’arrive pas à passer de suite à autre chose. Je dois parvenir à me dire que ce sont des choses qui arrivent, qu’il faut les prendre comme ça vient pour ne pas perdre le fil de la rencontre. » Mola de confirmer : « Sa qualité première, c’est sa spontanéité. S’il perd trop de temps à ruminer un échec, il perd toute son efficacité. » Puis de prophétiser : « Sébastien grandit et apprend vite. Il a montré en championnat qu’il compte dans notre effectif. Mais, maintenant, pour compter dans un club comme le Stade toulousain, il faut gagner les matchs significatifs. Je l’en sais capable. à lui de jouer un beau duel contre son concurrent en équipe de France. »

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