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Le gang des revanchards

Par Léo Faure
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Publié le Mis à jour
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Argentine - France dimanche 23 h 10 : Avec un groupe rajeuni et des joueurs de tous horizons, les Bleus tenteront de renverser l’Argentine et ses pépites couvées par l’UAR. Tout un programme.

En 2007, la dernière fois que le XV de France s’est retrouvé dans ce contexte similaire de tournée balafrée par le Top 14, Bernard Laporte avait le choix inverse : celui des anciens, du pari de l’expérience. Thomas Castaignède, Olivier Magne, Julien Laharragues et Christian Califano faisaient leurs adieux à l’international. Olivier Sourgens (35 ans) découvrait l’équipe de France et Sébastien Chabal (30 ans) arrachait une place de dernière chance tandis que seuls Fulgence Ouedraogo et Damien Chouly faisaient des débuts durables en Bleu. Et puis ? Le XV avait pris deux volées magistrales en Nouvelle-Zélande (42-11 et 62-10), sans que cela n’étonne vraiment personne.

Pour cette Tournée en Argentine, Guy Novès a fait le choix inverse. Celui de la jeunesse, de l’avenir. Novembre, c’est demain, et l’icône toulousaine assume son parti pris d’utiliser cette Tournée comme un test grandeur nature pour les gamins de France : « Certains joueurs, que nous connaissons déjà très bien, ne sont pas là. D’autres intègrent le groupe et nous allons leur permettre de se jauger par rapport aux joueurs argentins. Parmi les éléments positifs et constructifs de cette tournée, vues les conditions, nous voulons évaluer l’étendue du réservoir français. Est-il ce qu’on en attend, très important, ou est-il réduit ? Depuis le début du Tournoi, nous sommes sur un groupe qui se reconstruit. L’équipe de France est relativement jeune, au moins dans l’expérience. Ceux qui viennent aujourd’hui et qui n’ont aucune sélection sont les réservistes. L’intérêt de cette tournée, c’est de leur permettre d’intégrer l’aventure pour les trois ans à venir. » Le contexte, toutefois, pèsera nécessairement à l’heure des bilans. Car ce groupe du XV de France, est marqué par la présence de douze novices à ce niveau de compétition. Et presque autant d’éléments à la trajectoire improbable, loin des carrières calibrées que préconise le rugby professionnel : pôle France, équipe de France des moins de 20 ans, Top 14, XV de France.

 

Les recalés de Clermont

Dans le registre du revanchard, cette notion abstraite qui mêle l’envie de renverser l’ordre établi, le supplément d’âme et, parfois, une certaine idée d’injustice à dompter, ce XV de France donne du grain à moudre. Prenez donc le profil d’une bonne partie des joueurs appelés dans la première liste de Guy Novès et qui débuteront, dans leur immense majorité, la rencontre de dimanche face aux Pumas : beaucoup de garçons passés par le Pôle France où, a minima, l’équipe de France des moins 20 ans. Pas mal de talents sur lesquels le rugby français avait misé mais qui, aussi, ont connu des parcours chaotiques.

Connaissez-vous le point commun entre Kevin Gourdon, Loann Goujon, William Demotte et Lucas Pointud ? Avant de découvrir le vacarme poussiéreux de Tucumàn, ils ont tous été des recalés de la formation clermontoise au moment de franchir la dernière marche, celle de l’effectif professionnel. Jugés trop limités, pas assez fins techniquement. Broyés entre les pognes rêches du fermier de Vern Cotter, qui n’a plus ses preuves à faire sur le jeu d’avants (regardez ce qu’est devenu le pack de l’Écosse) et pour qui un « gros » doit d’abord être un assassin, un cuir tanné qui met la tête là où d’autres détournent le regard. Ces quatre-là n’ont pas passé le cut. Dans la foulée, Pointud a connu la Fédérale 1 (Béziers, Castanet, Saint-Etienne). Demotte, alors surnommé « Dédé », était trop brut pour l’exigence d’immédiateté clermontoise, et sommé d’aller se polir à Agen, en Pro D2. Goujon ? Cotter n’y a jamais cru. Gourdon ? Il ne lui a même jamais donné sa chance en professionnel. « C’est pourtant le type de joueur qui sait tout faire. Alors qu’il peut parfois vous faire croire qu’il n’est pas à fond, il passe son temps à avancer sur le terrain » regrettait alors Bertrand Rioux, directeur du centre de formation de l’ASMCA.

Pour les deux derniers, direction La Rochelle et le Pro D2, en 2012, envoyant paître les poncifs assénant qu’un jeune « apprend beaucoup en s’entraînant au quotidien aux côtés d’une star ». « Cela peut servir mais il ne faut pas rêver, cela ne remplacera jamais du temps de jeu. En Pro D2, je me suis aguerri. Je n’ai aucun regret », assurait Gourdon cette semaine.

 

La cerise sur le gâteau

Comme eux, on aurait pu citer Lakafia et ses cinq ans d’absence en Bleu, Trinh-Duc et Galletier, jugés insuffisants pour intégrer le groupe des vingt-huit à Montpellier, Julien Rey et ses bientôt 30 ans qui avait « fait une croix sur le XV de France en début de saison, vu l’âge avancé et ne voyant rien venir ». Autant de joueurs que le rugby français, par sa construction masochiste, n’a pas épargné et qui tiennent là l’occasion d’un superbe pied de nez.

En Argentine, l’idée de revanche n’aura donc rien d’une cause collective. Elle s’abattra sur les destinées personnelles. « La revanche est un sentiment qui suscite trois moteurs : la colère, la passion et l’angoisse. L’angoisse que cela se reproduise, la passion de le réussir et la colère que cela nous soit arrivé » décrypte Pierre Dantin, directeur du laboratoire Sport MG Performance et spécialiste de la préparation à la haute performance. « Une revanche, c’est la cerise sur le gâteau. Mais ça ne vient qu’à la fin. Avant de réfléchir au « pourquoi » vous allez prendre une revanche, il faut réfléchir au « comment ». » Ou comment cette bande de mômes va faire pour dompter Juan Martin Hernandez, Agustin Creevy et Santiago Cordero. C’est là que ça se gâte.

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