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1966 : la finale de la honte

Par Jérôme Prévot
  • 1966 : la finale de la honte
    1966 : la finale de la honte
Publié le Mis à jour
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Il y a cinquante ans, la finale du championnat tournait à la bagarre de rue. Retour sur un moment sulfureux, entrecoupé néanmoins de belles séquences.

La finale 1966 fait partie de la légende noire du rugby français. Elle opposait Agen, la grande puissance du moment autour de son capitaine Pierre Lacroix, à Dax, une équipe paradoxale, mélange de vieux grognards dans son pack et de très jeunes trois-quarts : Claude Dourthe (17 ans et demi), Michel Arrieumerlou (18 ans et demi), Georges Capdepuy (20 ans). On allait oublier les dix-huit ans du troisième ligne Gilles Bénali. Sur cette équipe planait l’ombre d’un drame, la mort de trois joueurs dans un accident de la route en 1964, dont Raymond, le frère de Pierre Albaladéjo, l’ouvreur international qui jouait son dernier match à 33 ans. Agen était une belle machine, capable de pratiquer un rugby complet, où les avants savaient se déplacer et se passer le ballon. Disons le tout net, on eu droit à quelques beaux mouvements durant ces 80 minutes. L’essai d’Agen, conclu par Michel Lasserre, mérite le qualificatif de « magnifique » : quatre passes le long de la ligne de touche à partir d’une interception du talonneur Jean-Claude Malbet, relayé par un Michel Sitjar impérial puis Jacques Fort, Jean-Louis Mazas et Michel Lasserre. L’action, longue se soixante mètres, brille par un dynamisme étonnant pour l’époque. Mais l’essai dacquois de Bénali ne fut pas si moche non plus et l’on se souvient du suspense des dernières minutes quand Dax, mené, tenta le tout pour le tout. Agen menait 9 à 8 et s’accrocha in extremis à ce point d’avance. Ça, se sont les images telles qu’elles apparaissent sur le résumé des actualités. Il ne ment pas, mais il ne dit pas toute la vérité car ce match est resté dans les mémoires par sa violence. Il fut émaillé de bagarres impitoyables dénoncées d’ailleurs par Roger Couderc dans ses commentaires. La légende dit qu’il fit son possible pour que le réalisateur de l’ORTF ne montre pas les images les plus dures et tourne ses caméras vers les gradins du Stadium de Toulouse. Une scène nous est néanmoins parvenue : un coup de pied du talonneur dacquois Berho, un Agenais qui fait un « Jésus » sur une touche, un coéquipier (Michel Lasserre) qui le venge par un geste de kickboxing sur le pilier droit Jean-Michel Lucq. Au passage, Lasserre prend d’ailleurs une poire du troisième ligne adverse Darbos. La crudité de ces images qui ont échappé à la censure nous donnent une impression de la teneur des débats. Le Midi Olympique de l’époque n’étouffa pas l’affaire, il n’en fit pas son titre principal mais l’évoqua en une. Voilà ce qu’on pouvait lire : « Les Bagarres du Stadium ont ému les arbitres. La violence des règlements de compte … écœura bien des spectateurs, attrista les meilleurs défenseurs et émut dirigeants et arbitres ; La violence inqualifiable qui ont terni la finale ont été douloureusement ressenties par les dirigeants de la FFR . »

A l’intérieur du journal, un article est ainsi titré : « Il faut déclarer la guerre aux truands du rugby ». Il évoque de possibles sévères sanctions lors du congrès des Sables d’Olonne. Effectivement, la FFR suspendit à vie trois joueurs ; Berho, Lassère (Dax) et Lagiewski (Agen). Un an après, ils rejouaient... Mystères du rugby français et ses légendaires arrangements. Reconnaissons qu’il n’y eut pas de blessés à l’issue de ce pancrace. Le joueur le plus touché de cette triste finale fut Pierre Albaladéjo en personne. A l’issue d’une glissade en touche, sa tête heurta le pied d’une caméra et il s’ouvrit le front : « Mon premier contact avec le monde de la télé », s’amusa le futur consultant de France Télévisions.

 

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