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L’exil argentin de Laurent Etchebarne

Par Léo Faure
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    L’exil argentin de Laurent Etchebarne
Publié le Mis à jour
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Kiné du Biarritz olympique pendant toutes les années 2000, Laurent Etchebarne a tenté l’aventure argentine en 2013 et s’est lancé dans la production de vin. Il raconte l’Argentine, de l’intérieur.

Vendredi, Laurent Etchebarne rentrera en France. Dans son Pays basque qui l’a vu naître et lui a offert, de 2002 à 2013, les galons de kiné du Biarritz olympique. Les belles années du BOPB, les Brennus et les finales européennes que Etchebarne avait laissés derrière lui, il y a trois ans, pour tenter l’aventure argentine. « Je suis tombé amoureux de ce pays dès la première fois que j’y ai mis les pieds. C’était en 2009, pour une tournée des Barbarians à laquelle participaient Guy Novès et Yannick Bru. J’y suis retourné en 2012, toujours avec les Barbarians. Un premier match à Buenos Aires, le second dans la province de Resistencia, dans le nord. C’est là que j’ai découvert l’Argentine profonde. L’immensité de ces terres, qui réveillent un idéal de liberté. Il n’y a qu’ici qu’on peut voir cet horizon et le soleil se coucher sur les terres ». Il a alors décidé de tout planter : le boulot, les amis, la famille. Ses habitudes de Français pour se lancer dans l’aventure viticole en Argentine, à la Bodega Marco Zunino, dans la province de Mendoza. Au pied de la Cordillère des Andes. Un projet qu’il a découvert par hasard, un jour de 2012, en lisant un article du regretté Jean-Pierre Coffe, sur le pari de deux Français de lancer leur entreprise viticole en Amérique du sud. « Je les ai appelés, tout simplement. Ils avaient besoin d’un autre associé, mais surtout quelqu’un qui serait sur la zone de production, à San Rafael, à deux heures au sud de Mendoza. J’ai toujours eu la passion du vin mais je ne connaissais rien ou presque de sa production. Il me fallait apprendre sur le tas. Mais je me suis lancé ».

Ce choix de l’exil, Laurent Etchebarne assure l’avoir fait pour sa famille. « Il n’a jamais été question de partir en Argentine pour faire fortune. C’est une expérience humaine que je souhaitais ». Parce qu’il y a deux Argentines : celle de Buenos Aires, développée, pensée à l’Européenne et qui limite les sensations du dépaysement. Et l’Argentine des campos, ces immensités de vide humain et de trop-plein végétal. Celle du temps qui apaise sa course et dont on revient toujours plus riche. « Si j’ai fait ce choix, c’est en premier pour mes enfants. Je voulais qu’ils vivent une aventure dématérialisée, quelque chose loin du référent européen. Quelque chose qui développe leur esprit de tolérance. Je voulais qu’ils sachent que la vie peut-être tout autre, loin de leur pays basque. Je ne voulais pas qu’ils grandissent à Biarritz, qu’ils ne connaissent que cela et que, une fois adulte, quand ils voyagent et découvrent une autre manière de vivre, ils se posent en juge. Je voulais qu’ils aient un autre référent que l’idéal européen. » Ce référent, il le raconte aujourd’hui avec trois années de recul. Avec les émerveillements, mais aussi les affres de l’exil.

 

On ne travaille pas quand il pleut

La réalité de San Rafael, c’est l’aventure. Là-bas, on vit avec son cheval ou on ne vit pas. À San Rafael, on traverse le quotidien sans grand projet, si ce n’est de bien vivre jusqu’au lendemain. « La réalité de la vie argentine, loin de Buenos Aires, c’est aussi l’isolement. Ici, c’est une ville de 50 000 habitants et une agglomération de 180 000. Mais il y a un seul cinéma, pas de musée, très peu de magasins et, globalement, peu d’occasions de sortir ». Son désir d’apprentissage de la tolérance, à inculquer à ses enfants, Laurent Etchebarne a finalement dû se l’appliquer aussi à lui-même. « En Argentine, on apprend qu’avec un fil de fer, on peut aller au bout du monde. C’est formateur. Il faut aussi savoir jouer des coudes. En Europe, dans le premier monde, tout est figé autour de la loi. Ici, c’est différent. Avec la douane argentine, cela commence toujours par un « non ». Après une heure de palabres et de négociations, cela devient un « pourquoi pas ». Et on finit souvent par obtenir un « oui » ». Reste que la pratique, à la longue, est devenue usante. « À San Rafael, on ne travaille pas quand il pleut ! Le premier jour de pluie, il n’y avait pas un employé au boulot. J’amenais mes enfants à l’école, elle était aussi fermée. C’est difficile à intégrer. Après un certain temps, j’ai trop manqué de référents européens. Je ne pouvais décemment pas expliquer à mes enfants qu’il est normal de ne pas aller à l’école quand il pleut. Cela s’entrechoquait trop avec ce que je voulais leur inculquer. Imaginez : en tant que Basque, je serais illettré si j’avais raté l’école dès qu’il pleuvait ! »

Vendredi, donc, Laurent Etchebarne rentrera en France. La fin de l’aventure. Des allers-retours, dans un premier temps, afin d’assurer le maintien de l’activité viticole d’un côté de l’Atlantique, et de préparer de l’autre côté la re-scolarisation au Pays basque de ses enfants, Lena (15 ans) et Oïhan (10 ans). Sans regret, comme il assure ne jamais en avoir eu quand il y a quitté la France, il y a trois ans. « C’est comme quand vous vivez une séparation amoureuse : avec la nouvelle copine, quand ça ne va pas fort, il y a toujours un moment où vous vous dites que vous pourriez récupérer l’ancienne. Sous certains aspects, le monde du rugby m’a manqué. Mais je n’ai aucun regret sur ce que j’ai vécu là-bas ».

 

Les mots de Rives

Il gardera ses parts dans l’entreprise viticole et poursuivra le développement, en Europe, des vins de la Bodega Marco Zunino. Un marché que les entrepreneurs français n’avaient pourtant jamais ciblé. « Notre territoire d’exportation naturel, c’était plutôt les USA. On n’exporte pas de vin en Europe, pas plus qu’on amène de sable à la plage. Mais le réseau du rugby a joué ». En Belgique grâce à Thierry Martin, membre de la fédération à Bruxelles. En Angleterre grâce à Cyrus Tchahardehi, ancien espoir du BOPB qui travaille aujourd’hui dans l’exportation de vin outre-Manche. Et en France, avec l’Aurillacois Pierre Coudurié. « La famille du rugby est une réalité, même dans les affaires. J’ai pu garder avec moi les Barbarians. C’est ma permanence du rugby, mon contact éternel. Les mots de Jean-Pierre Rives ont beaucoup pesé dans mon choix de partir. Il parle souvent et tellement bien de liberté, de folie, d’aventure qu’à ça manière, il a participé à mon départ ». Il sera aussi là pour l’attendre à son retour.

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