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Nouvelle-Zélande - France (62-13) : Il y a un an le déluge

Par Marc Duzan
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    Nouvelle-Zélande - France (62-13) : Il y a un an le déluge
Publié le Mis à jour
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Quatre ans de doutes et un carnage. Quarante-cinq matchs et un bain de sang. Le 17 octobre dernier, à Cardiff, les Bleus touchaient le fond face aux All Blacks.

C’était il y a un an, jour pour jour. Cette fois-ci, le XV de France avait choisi de n’y opposer le moindre contre-feu. « Quand on défie le haka, soufflait Morgan Parra au Millennium, il faut être sûr de pouvoir assumer derrière. Inconsciemment, on ne l’était pas. » A posteriori, les Bleus auraient pu objecter au traditionnel entrechat des Maoris la Danse des canards ou la dernière turlurette de Patrick Sébastien, dont le pétillant refrain (« haka boire, haka chanter ! ») aurait au moins eu le mérite de donner un avant-goût burlesque à une suite un rien bouffonne. Car merde, quelle bugne ! « On a perdu quatre ans, résumait Dulin, dont la dernière sélection remonte d’ailleurs à ce triste jour où Milner-Skudder fut son vis-à-vis. Quatre ans, c’est énorme. La moitié d’une carrière, vous vous rendez compte ? Cette défaite est celle de trop. »

Cette branlée fut même celle de tous les records, cher Brice : record de points encaissés en Coupe du monde par une équipe de France (62), record de ballons tombés par Bernard Le Roux, record de plaquages ratés en première période (18 !) sur cette même pelouse où Thierry Dusautoir, huit ans plus tôt face au même adversaire, en avait assené 36 à lui seul. Une telle avalanche de premières historiques en précédait même une autre, la phrase assassine du pourtant très urbain Dan Carter : « Le problème, c’est que ce match fut beaucoup trop facile, pour nous. Franchement, ce n’est pas le meilleur moyen de préparer notre demi-finale contre les Springboks. » Comment ne pas donner raison au Lieutenant Dan ? Comment ne pas s’inquiéter de la santé du rugby français, lorsqu’on en venait malgré nous à regretter l’absence de Damien Chouly, dont le statut de remplaçant fit brusquement sombrer l’alignement tricolore ? Et comment oublier, enfin, que cet après-midi du 17 octobre le XV de France encaissa plus de points face aux Tout Noirs que la Namibie ou la Géorgie, tout à coup devenues ses petites sœurs de misère ? « Les meilleurs sont là », plaidait pourtant Yannick Bru dans les couloirs du Millennium. À qui la faute, alors ? Agustin Pichot, croisé peu après le crash dans les rues de Cardiff, tapait dans le mille : « Pourquoi le Top 14 a-t-il besoin de Dan Carter ? Pour qu’il prenne la place d’un international potentiel ? Putain, laissez un peu jouer vos jeunes ! »

Le Goret est-il seul responsable ?

On aurait été ignobles, infâmes, voire carrément inhumains de ne s’émouvoir ce soir-là de la détresse du Goret, au crépuscule de la vingt-troisième défaite de son trouble mandat. Éviscéré par la critique et en grande partie responsable du naufrage de Cardiff, Philippe Saint-André provoquait pourtant chez nous un irrépressible reflux d’empathie lorsqu’il confiait, passé le choc, que son fils Jules avait toujours assuré que son « père était boulanger » à ses camarades de classe, par peur d’en devenir le bouc émissaire. Quatre ans après l’avoir salué comme un expert, quarante-cinq matchs après avoir chanté les mérites du Wenger de l’ovale, le rugby français déambulait maintenant dans un cimetière. Et sur le tombeau de son règne, on aurait alors pu graver cette épitaphe : « J’avais un sale boulot mais j’ai une excuse : je l’ai fait salement. »

Sitôt achevée, la branlée de Cardiff mettait en lumière un débat vieux comme Hérode et, très vite, on opposait le Top 14 à son équipe nationale, dont le développement était inversement proportionnel à celui de son championnat. « Le Top 14 est austère, techniquement pauvre », déclarait de son côté le sélectionneur des All Blacks Steve Hansen, quelques heures avant que ne soit donné le coup d’envoi de l’immense farce qui lui donnerait raison. Après la claque, Pascal Papé allait plus loin : « En Ligue celte, en championnat d’Angleterre, les équipes jouent, se font plaisir. En Top 14, nous sommes tous enfermés dans des guerres de tranchées, des combats de chiens totalement dépassés. Nous sommes largués et mal préparés au rugby international. »

La révolution de velours

Un an plus tard, la révolution un temps envisagée n’a pas eu lieu. La problématique un poil nauséabonde entourant les « étrangers » du rugby pro n’a pas disparu. Le XV de France a terminé le Tournoi des 6 Nations 2016 à l’avant-dernière place, à quelques encablures d’une bien triste Squaddra azzura. Alors, si la raison nous susurre aujourd’hui que la tournée de novembre (Samoa, Australie et Nouvelle-Zélane) sera un long chemin de croix, le cœur et l’attachement viscéral que tout un chacun porte à l’équipe de France nous poussent au contraire à croire à un renouveau. Après tout, si Guy Novès ne transforme toujours pas « les citrouilles en carrosses », le successeur de Philippe Saint-André a pour lui une personnalité affirmée, un ascendant naturel sur les hommes et une foi inébranlable en un projet de jeu davantage basé sur la passe que sur le choc frontal. Mieux, Novès semble aujourd’hui jouir de l’union sacrée qu’avaient tour à tour appelée de leurs vœux Laporte, Lièvremont ou le Goret. Pierre Camou confie : « Le traumatisme de ce dernier quart de finale a permis de réaliser aux uns et aux autres que les conditions de préparation de l’équipe de France ne lui permettaient plus d’être compétitive. Ainsi, ce choc émotionnel a nettement facilité les discussions avec la Ligue. Nos relations ont évolué et la nouvelle convention en est la preuve. » Il y a un an, on donnait les Blacks pour morts après les départs concomitants de Conrad Smith, Richie McCaw, Dan Carter et Ma’a Nonu. Ce micro pays de 4 millions d’âmes produisant autant de lait de brebis que de génies ovales, il n’en fut évidemment rien et, en France, on façonnera peut-être un jour LE système de formation capable de contrebalancer un taux de pénétration ridiculement inférieur à celui de la Nouvelle-Zélande. Peut-être… Un jour…

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